Les amateurs exclusifs du genre de hip-hop sombre, expérimental, singulier voire radical dont ces pages se font régulièrement le relai sont appelés cette fois à passer leur chemin : avec les productions du Mancunien Pitch 92 aka Ian Garland, on est dans le smooth pur jus, un peu jazzy, un peu rétro, efficace et carré, sans grande originalité mais fait avec classe et sincérité, comme en témoignait encore en février dernier l’excellent Stop Signs avec Confucius MC au mic, tout en basses rondes, beats qui claquent, claviers aériens et autres scratches à l’ancienne, le cool ligne clair dans toute sa splendeur en somme.

Guère étonnant dès lors de retouver le nouveau projet du Britannique du côté de First Word Records, label d’outre-Manche aux faux-airs de Ninja Tune apprécié dans nos colonnes depuis une quinzaine d’années pour ses melting-pots (melting-pop ?) de musique électronique, de hip-hop décontracté et d’influences soul, funk ou jazz, auquel on doit notamment les sorties des regrettés Herma Puma. Magnifié par le flow d’une inpeccable fluidité et le timbre profond d’Essa (ex Yungun), dont le premier album The Misadventures Of A Middle Man était justement sorti chez First Word il y a tout juste 10 ans, Resonance est peut-être plus "grand public" - ou en tout le cas le serait dans un monde parfait - que Stop Signs, parfois sur le fil d’un lyrisme pop/rap évoquant pourquoi pas le Kanye West des tout débuts (Right Now, All For The Love) mais entre l’écriture désarmante du MC et l’easy listening tout en rondeurs chill de Pitch 92, la sauce prend à 100%, évitant l’écueil du plaisir coupable en dépit de refrains un chouia racoleurs ici et là (Head Up High, ou Run It Back et ses choeurs r’n’b dont on se serait bien passé).

Ajoutez à cela de jolies réussites soulful et syncopées (Resonance, Presence, l’éthéré Back Around ou le jazzy Sweet), un tube percutant aux sonorités électro plus marquées (HeavyweightS), un Almost There british à souhait que n’aurait sûrement pas renié Wiley et même quelques incursions plus cinématographiques et tendues (Sick, avec King Kashmere auteur cette année du chouette EP Sounds Like Home, ou l’irrésistible Seasoned aux arrangements très Bacharach), et mine de rien c’est presque sans déchet que l’on appréciera ce parfait rafraîchissement aoûtien.