2024 à la loupe : 24 albums de "musiques extrêmes" (+ bonus)

Metal en tout genre (du black au doom en passant par le stoner ou le grind), harsh noise, hardcore, screamo, indus, power electronics, rock brutal et autres bizarreries radicales... on a pris la définition la plus large possible des "musiques extrêmes", au risque d’y glisser quelques groupes pour lesquels la violence glauque n’est plus entièrement d’actualité, cf. Mamaleek ou même Locrian, ou d’autres à la frontière du jazz ou de la free improvisation (Painkiller, Schneider & Thisquietarmy).

Seule ligne directrice donc, hormis la qualité de ces sorties bien sûr : une sélection déconseillée aux tympans fragiles, bien qu’émotions et mélodicité n’en soient pas forcément absentes, citons notamment dans la liste "bonus" en bas d’article les désespérés Frail Body ou les tourmentés Buñuel.



1. Knoll - As Spoken

"Ce genre de Béhémoth metal terrassant de jusqu’auboutisme et de brutalité, on arrive en général à en vous dégotter un ou deux par année, cf. pour 2023 un habitué de l’exercice, Mories, avec le dernier Gnaw Their Tongues. Déjà bon client en la matière en 2022 avec Metempiric, 2e opus autodistribué du quintette basé dans le Tennessee dont le grind blackisé tout en cavalcades belliqueuses et en breaks vicieux ménageait quelques "accalmies" dark ambient aux fumerolles anxiogènes, Knoll monte encore d’un cran dans la violence dégénérée et la densité étouffante avec As Spoken, dont les morceaux plus longs gagnent autant en consistance qu’en malaise en ralentissant légèrement la cadence (cf. Offering). Moins véloce donc, mais probablement encore plus chaotique (Revile of Light ou Mereward), ce 3e long format en 3 ans s’éloigne du grind en dépit de beaux restes (l’expéditif Fettered Oath) pour trouver un équilibre idéal entre death et black metal (As Spoken, Unto Viewing, Portrait), mâtinés de sludge (Wept Fountain, Shall It Be). Très grand disque."



2. The Body - The Crying Out of Things

"Malgré une impressionnante productivité et des sommets après lesquels il pourrait sembler difficile de passer (je pense en particulier à I Have Fought Against It, But I Can’t Any Longer. en 2018 ou aux deux opus successifs du side project Sightless Pit ces dernières années), Lee Buford et Chip King parviennent toujours à varier dans leur approche pour mieux nous captiver, ici avant toute chose, sur une première moitié d’album capable d’un véritable grand écart entre doom metal (Careless and Worn), punk hardcore (Less Meaning) et beatmaking à la Techno Animal (A Premonition), par la conjonction d’une batterie belliqueuse tendue comme pas permis et de murs de saturation herculéens d’où parviennent à s’extraire les hurlements de harpie de Chip King, puis par ce ralentissement inattendu à partir de The Citadel Unconquered menant sans avoir l’air d’y toucher à une fin de disque presque éthérée (on aura même droit aux violons sur All Worries, comme à la grande époque des collaborations avec Chrissy Wolpert au chant). Dément !"



3. KHΛOMΛИ - FU​И​ESTE

Pas moins d’une douzaine de sorties cette année pour KHΛOMΛИ en comptant son EP avec SRVTR, on avait déjà chroniqué l’impressionnant X​.​e​.​K en septembre tout en sachant bien que FU​И​ESTE serait probablement notre lauréat à l’heure des bilans, et pour cause : encore plus martial et tendu, puissant dans ses télescopages de cinématographie menaçante, de post-indus et de sound design malaisant, plus contrasté aussi avec de gros morceaux de dark ambient insidieux comme ce FESTIИ DE LΛ FΛTΛLITÉ de près de 12 minutes, on tient probablement là la quintessence du musicien français, et quelques-uns de ses morceaux les plus saisissants à l’image du pourtant très long SILLOИS SΛИGLΛИTS mi-harsh mi-élégiaque qui vous prend aux tripes pour ne plus jamais vous lâcher.



4. The Body & Dis Fig - Orchards of a Futile Heaven

"Deux albums, deux chefs-d’œuvre cette année pour le groupe le plus singulier qu’aient connu les musiques extrêmes ces deux dernières décennies. Pas forcément très client de l’univers un peu poussif de Dis Fig en solo, mais c’est un bonheur de la retrouver au micro chez The Body, prenant le relai de Chrissy Wolpert, avec davantage d’effet narcotique sur la voix (un peu à l’image d’une Chelsea Wolfe), pour irradier de l’intérieur la synth-noise post-industrielle du duo de Portland avec ses mélopées à mi-chemin de l’affliction et de l’intensité tourmentée."



5. Endon - Fall of Spring

"Arme de destruction massive sur album comme sur scène, c’est peu dire que le combo japonais du label Thrill Jockey était attendu dans l’équipe. Encore plus radical et mélangeur que son prédécesseur Boy Meets Girl, Fall of Spring gagne surtout une dimension profondément atmosphérique avec des morceaux plus longs aux crescendos accaparants. Prelude For the Hollow en particulier prend le temps pour installer sa chappe d’anxiété électrique pleine d’échardes noise et de synthés saturés, avant la claque du bien-nommé Hit Me, véritable déflagration morbide et toxique aux beuglantes torturées. Nettement plus noise que metal, l’album ne renoue véritablement avec la powerviolence que sur l’ultra-oppressant Escalation, monolithe harsh qui ne vous laissera pas respirer un seul instant."



6. Painkiller - Samsara

"On n’espérait pas un nouveau Painkiller en 2024, soit 30 ans après leur précédent album studio Execution Ground... et on savait encore moins quoi en attendre, en dépit d’un line-up inchangé puisqu’au côté de John Zorn au sax et de Bill Laswell à la basse, Mick Harris aka Scorn absent des configurations live depuis lors à l’exception d’un concert d’adieu en 2008 (à la Cité de la Musique à Paris) est de retour dans le giron du groupe, non plus à la batterie mais aux beats électroniques. Petite appréhension donc, Zorn lui-même s’étant grandement assagi depuis, mais très rapidement balayée par les 6 minutes introductives de Samsara I : à la fois sec dans ses rythmiques indus et fuligineux dans ses atmosphères, zébré de sax vénère et dissonant entre deux accalmies plus "coltraniennes" de l’instrument et soutenu par la basse aux résonances mortifères de Laswell, il faut dire que le morceau incarne d’emblée un retour en très grande forme pour le trio. Évidemment on est loin de l’urgence foutraque de Guts of a Virgin ou de Buried Secrets, les velléités grind ont définitivement disparu au profit d’une dynamique hypnotique et d’atmosphères plus travaillées, sans pour autant sonner aussi dub, ni même ambient. En bref, Painkiller n’a toujours pas fini d’aller voir ailleurs, et l’association des trois musiciens défriche ici des territoires assez inédits, à l’image d’un Samsera III aux beats concassés et déstructurés, presque IDM, sonnant comme la rencontre fortement contrastée de Fire ! - pour le sax fébrile et cacochyme bien sûr - et d’Autechre, de même que Samsara IV dans la foulée, plus strident et furieux encore, plus mystique également."



7. Oranssi Pazuzu - Muuntautuja

"Il fallait se lever tôt pour ne pas démériter après le génial Mestaryn kinsi de 2020, chef-d’oeuvre de black metal psyché aussi épique qu’abrasif et irradié. Mais impossible n’est pas Finlandais, et le quintette toujours soutenu par le label Nuclear Blast se défend bien sur ce 6e opus, avec une densité de production et une intensité intactes. Multipliant d’abord les fausses pistes (l’intro presque art rock de Bioalkemisti qui a tôt fait de brandir ses couches de saturation et autres radiations malsaines, un Muuntautuja trip-hop aux entournures jusqu’à ce que le growl s’en mêle, ou encore la relative douceur insidieuse de Hautatuuli), le groupe enfonce vraiment le clou en seconde moitié d’album, avec ce Valotus dont l’urgence et la brutalité se doublent d’arrangements cinématographiques d’une finesse dont Oranssi Pazuzu est l’un des seuls à avoir le secret dans ce genre d’univers, puis l’entêtant Ikikäärme riche en digressions passionnantes sur près de 10 minutes, à commencer par ce piano ambient en ouverture. Du grand art !"



8. TVAŃ - К​а​ю​с​ь​ ?​ !​.​.​.

Deuxième collaboration pour Anatoly Grinberg (Tokee, Massaith) et Leonid Churilov (A-Bell, 7F7F7F), cet album de TVAŃ fait suite à The birth of a quantum lamb signé Anatoly Grinberg + Abell Leonid en 2023 et dont on vous parlait ici (en #50). Si ce dernier était déjà fortement radical avec ses soundscapes dissonants et hantés tirant sur le dark ambient et l’IDM déstructurée, on passe un pallier dans l’extrême avec К​а​ю​с​ь​ ?​ !​.​.​., album où l’angoisse d’un monde en perdition se fait beaucoup plus harsh, entre grouillements saturés, tempêtes de distos, de larsens et de crépitements anxiogènes, pluie de beats ou de percus en roue libre... et même un peu de growl discret noyé sous les couches de bruit analogique et digital (sur Причащение par exemple) comme pour rapprocher cette musique à nulle autre pareille d’une sorte de doom venu tout droit d’une dimension parallèle. Ça ne pouvait évidemment sortir que chez Mahorka, et on les en remercie.



9. Akhlys - House of the Black Geminus

"Depuis qu’Ævangelist a splitté, donnant naissance à un ersatz sans saveur (ceci dit un nouvel opus Perdition Ekstasis Meta est venu nous rendre quelque peu espoir en 2024), ou que Terra Tenebrosa se fait discret, Akhlys fait partie tout comme Knoll, Rorcal ou encore Oranssi Pazuzu de ces rares groupes dont le degré de sauvagerie, de magnétisme vicié et d’écrasante densité de production ont été capables de soutenir la comparaison sans ciller. Digne successeur de Melinoë, House of the Black Geminus les voit une fois de plus à leur meilleur avec des morceaux toujours aussi ambitieux, malaisants et suintants de radiations obscures, les Américains se permettant même entre deux embardées épiques et brutales de flirter avec un dark ambient tempétueux (Black Geminus) pour mieux mettre en exergue l’implacable vélocité de leur black metal des enfers.



10. Defacement - Duality

"Trois ans après le second album homonyme sorti à l’époque chez I, Voidhanger, les deux Libyens de Deathcrush, Forsaken Ahmed (chant et basse) et Khalil Azagoth (guitare), toujours associés au batteur italien Mark Bestia, en reprennent le construction bipolaire sur cette digne suite alternant comme son prédécesseur béhémoths black metal denses et belliqueux, et instrumentaux lorgnant cette fois non plus sur une ambient éthérée mais sur d’étranges limbes électroniques aux textures déliquescentes et aux pulsations hypnotique. Entremêlant d’un côté urgence black tout en blast beats marteaux-piqueurs, riffs aux mélodies lovecraftiennes et grunt aussi brutal que lancinant, et de l’autre accalmies psyché guitar-héroïques aux entournures, Burden du haut de ses presque 10 minutes donne le ton du surcroît d’ambition du trio basé aux Pays-Bas sur ce 3e opus à la fois organique et d’une belle complexité, à l’opposé de son titre explicite. Côté tempête sous un crâne opaque et malsaine, les puissants Barrier et Scabulous enfoncent ensuite le clou, tandis que Duality finit sur plus de 16 minutes par ouvrir au projet des horizons insoupçonnés, où les émanations ésotériques font bon ménage avec un psychédélisme borderline post-metal... une véritable épopée du côté obscur dont le crescendo final, à coup de claviers cinématographiques et de choeurs célestes, en vient à égaler les plus beaux métissages de Blut Aus Nord en la matière. Sacré coup de massue !"



11. Uboa - Impossible Light

Vous vous en doutez, pour une musicienne que l’on suit depuis déjà 7 ans dans ces pages et la sortie de son troisième album The Sky May Be, on est ravi de constater qu’Uboa touche année après année un public de plus en plus large, même si cela signifie troquer son harsh noise cathartique et sans concession des débuts contre un univers à l’instrumentation plus classique auréolée de romantisme gothique, notamment des guitares et une batterie dont elle joue elle-même ici (comme de tout le reste d’ailleurs, des synthés aux machines diverses et variées), et au chant clair parsemé de beuglantes nettement plus rares et en retrait (avec plusieurs invités au micro dont Charlie Looker de Zs). Si vous découvrez tout juste l’Australienne, sachez en effet qu’il y a quelques années, Weaponised Dysphoria sur cet Impossible Light aurait été le morceau le plus soft de n’importe lequel de ses disques et non pas son pic de radicalité, ce qui ne revient bien sûr absolument pas à dire que Xandra Metcalfe nous déçoit, ce serait même plutôt le contraire avec cet opus ambitieux et d’une richesse assez impressionnante, resté pendant 6 ans sous la forme d’un work in progress. Le fait quImpossible Light soit mastérisé par Lawrence English est d’ailleurs un signe qui ne trompe pas concernant cette quête d’un son plus détaillé et raffiné - tirant souvent dans la continuité de l’EP Empathy Field sur un dark ambient élégiaque à l’image de Jawline - tout comme les morceaux emboîtés, autant de mouvements d’une oeuvre pensée dans sa globalité. Et pour autant, la dimension profondément tourmentée du projet quoique plus sous-jacente est toujours bien présente, des limbes jonchées d’échardes digitales de Phthalates au crescendo de lumière noire apocalyptique et saturé de Pattern Screamers en passant par le chaotique et bien-nommé A Puzzle. Très grand disque.



12. Pharmakon - Maggot Mass

"Pharmakon ne surprend plus vraiment et on est en terrain connu dès les bourdonnements de mouches sur un cadavre en décomposition que semble découvrir un mystérieux protagoniste en intro du percussif et sursaturé Wither and Warp, pile entre harsh noise cauchemardé et vestiges indus décharnés. Qu’importe : Maggot Mass, en dépit de son arwork forestier presque poétique en comparaison des illustrations glauques et viscérales des opus précédents, est une nouvelle réussite habitée, passant de morceaux étonnamment cadrés, presque "pop" - on se comprend - dans leur radicalité (Methanal Doll, Splendid Isolation) à d’autres nettement plus déconstruits (le larsenisant et quasi ambient Buyer’s Remorse). Et si l’Américaine met clairement de l’eau dans son vin ici - moins de hurlements de harpie torturée au chalumeau, davantage de chant à proprement parler et une voix plus en avant qu’à l’accoutumée - c’est pour mieux enfoncer le clou, par-delà l’apparence presque "accrocheuse", d’une musique toujours aussi malaisante et déglinguée."



13. Khost - Many Things Afflict Us Few Things Console Us

"Avec le label britannique Cold Spring, vétéran des musiques radicales aux près de 35 années d’activité par lequel sont notamment passés Merzbow, Colossloth, Kollaps, Lull ou Psychic TV, les amateurs d’extrémités en tous genres, de l’indus au harsh noise en passant par le dark ambient, sont certains de trouver chaussure à leur pied. C’est le cas pour nous avec Khost, projet doom/indus de l’Anglais Andy Swan (Iroha), un proche de Godflesh qui en est ici à son 5e long chez Cold Spring et impressionne sur un format atypique (18 titres de durées très variables), déployant une sorte de bande originale imaginaire du caveau où le grunt laisse place au violoncelle doublé de chant mystique, les beats industriels à des plages de saturations abstraites et viciées, ou le downtempo caverneux à des guitares presque shoegaze. Parmi les contributeurs au micro, on croise Terence Hannum de Locrian sous le pseudonyme Axebreaker, ou encore Manuel Liebeskind du label Skin and Speech au spoken word. À explorer sans modération, mais à condition d’avoir les oreilles bien accrochées !"



14. Full of Hell & Andrew Nolan - Scraping The Divine

Après l’excellent Coagulated Bliss qui troquait déjà sur une poignée de titres l’urgence grind pour un downtempo plus atmosphérique aux sonorités doom ou industrielles, Dylan Walker et sa bande s’associent à Andrew Nolan - touche-à-tout écossais basé à Toronto et adepte des expérimentations DIY allant de l’indus à la noise et au dub en passant même par le hip-hop sous l’alias Wolfagram - auquel Full of Hell confie également la production du disque. Le résultat est assez idéal d’équilibre entre sauvagerie du grunt par exemple et intensité des instrus beaucoup plus cadrés et néanmoins singuliers dans la manière dont leur ADN metal indus se nourrit d’éléments black metal (les blast beats de Heat Death from the Pyre), de saillies grind (Burdened By Solar Mass), de déluges harsh noise (Approaching the Monolith), de dub (Irradiated Sands) ou d’atmosphères doomesques (Sphere of Saturn), capables par ailleurs de temporiser pour mieux déchaîner par gerbes inattendues leur brutalité saturée (Facing the Divide, Common Miracles), entre deux faux plats insidieux (les géniaux et funestes à souhait Blessed Anathema et Paralytic Lineage) et autres breaks ambient malsains (Extinguished Glow).



15. Black Curse - Burning in Celestial Poison

La meilleure sortie de pur blackened death de l’année, pour moi, nous vient indubitablement de ce trio originaire de Denver, ex Maliblis dont le premier et précédent opus, intitulé Endless Wound et déjà tout aussi recommandable, remonte à 2019. Autant dire qu’ils l’ont travaillé ce Burning in Celestial Poison, 5 titres dont 3 autour des 11 minutes pour autant de matraquages malsains et déglingués néanmoins capables de temporiser entre deux déluges de blast beats, hurlements et riffs distordus, pour mieux relancer dans la foulée la machine à broyer les âmes et autres tympans délicats. Une musique sale et méchante, perverse et violente, dense sans être chiadée de trop, couleur sang et cendres comme la pochette du disque.



16. Chat Pile - Cool World

Ce Cool World à l’esthétique visuelle plus metal que le disque en lui-même, les copains en ont déjà très bien parlé dans le top albums d’octobre. On attendait de pied ferme le combo d’Oklahoma City après la claque massive de God’s Country en 2022 et Chat Pile "surprend" relativement avec un album un peu moins dense, plus larvé, moins brutal à l’exception de son morceau d’ouverture I Am Dog Now et des gimmicks rythmiques presque black metal de son final No Way Out, sans pour autant se réinventer, loin de là : on est toujours dans un noise rock/hardcore métalisé disons, où Raygun Busch continue d’alterner entre beuglantes et chant clair sur fond de compos brutes mais ciselées aux guitares dissonantes, dont le soupçon de romantisme sombre justifie effectivement ici le rapprochement que Ben faisait avec le grunge. Pas loin d’être aussi bon que l’opus précédent en somme, car même si je préférais leur facette plus monolithique dont parle Le Crapaud, leur atmosphère tourmentée suintant la frustration fait toujours mouche.



17. Darius - Murmuration

Probablement l’album le plus tangent de cette sélection, tout de même un chouia trop massif pour figurer dans mon bilan pop/rock, en plus d’être instrumental et donc pas très "pop" mais plutôt du côté post-rock de la force, avec néanmoins de belles velléités hardcore voire post-metal suffisant à mon sens à justifier son inclusion ici. Les Suisses furent en tout cas l’une des très belles révélations "à guitares" de ce cru 2024 (sur 5 membres on a trois guitaristes et ça s’entend), faute pour ma part de les avoir découverts avec l’un de leurs deux premiers longs-formats déjà défendus par Hummus Records et sur lesquels je vais assurément me pencher dans les mois à venir. Un "orchestral noise-rock", dixit le groupe, dont les crescendos épiques, incandescents et d’une intensité folle bénéficient de véritables murs de textures électriques comme on aime. Carré mais puissant.



18. Amps Kill - Wretched Inheritance

Musicien de Denver, Stephen Bailey aka Amps Kill expérimente sur une noise abstraite aux pulsations électroniques massives depuis une paire d’années, égrenant un à un sur sa page Bandcamp des morceaux que l’on retrouvait enfin cet été sur la tracklist d’un premier album abrasif et oppressant, agrémentés d’une demi-douzaine de remixes. Tel un Scorn sans la dimension hypnotique, avec davantage de "respirations" rythmiques disons, l’Américain y souffle ses tempêtes de distos saturées sur fond de beats deep et downtempo entre deux "accalmies" dark ambient, hautement évocatrices mais guère plus apaisées pour autant (The Boatman, There Will Come Soft Rains). Quant aux relectures, à l’exception du remix EBM de Vermin par Egrets, tape-à-l’oeil et pas vraiment dans le ton de l’ensemble, ils s’avèrent aussi de haute volée, de l’IDM stellaire à la Tympanik Audio de Snakes of Russia à la technoise de Gorgonn en passant par le power electronics percussif et déstructuré d’User Friendly.



19. Norna - Norna

Deuxième opus pour le groupe partagé entre la Suisse et la Suède, toujours emmené par le Scandinave Tomas Liljedahl (Breach, The Old Wind) à la guitare et au chant, avec 2/3 du trio post-metal/sludge instru Ølten (Hummus Records) à la section rythmique. Découvert a posteriori pour ma part, Star is Way Way is Eye en 2021 s’illustrait déjà par un véritable mur de son de riffs tonitruants et de saturation à la croisée du doom et du post-metal, paradoxalement hargneux dans un midtempo implacable et sans relâchement. Et c’est peu ou proue la même chose avec cet album homonyme, avec en sus quelques variations de tempo sludgy qui insufflent à la musique de Norna un regain d’énergie et accouchent d’un mastodonte encore plus terrassant, moins monolithique mais tout aussi dense et puissant.



20. Schneider & Thisquietarmy - Schneider / Thisquietarmy I

"Croisé à la batterie au côté d’Aidan Baker le temps d’une remarquable collaboration aux élans tribaux, l’Allemand Jörg Alexander Schneider épaule cette fois le Montréalais Eric Quach sur une double sortie de 107 minutes au total, soit un volet de 67 minutes disponible en CD et un autre de 40 minutes - celui qui nous occupe ici - à l’attention des adeptes du sillon. Si l’ensemble est assez cohérent au point de pouvoir s’écouter d’une traite (les morceaux du CD étant également au nombre de 4 mais beaucoup plus longs et avec quelques accalmies), leur collaboration est assez différente de Schneider-Baker  : celle fois, il s’agit moins d’atmosphère (bien qu’il y en ait, et même beaucoup) que d’une véritable machine de guerre. L’intensité de ces jams entre guitare dronesque et fûts en roue libre est à vrai dire assez impressionnante, en particulier sur ce premier volet plus concis où le déluge semble ne jamais s’arrêter, du crescendo d’Attrition Warfare d’abord spacieux dans ses textures puis de plus en plus dense et électrique, jusqu’à un Command of the Sea à la fois onirique avec ses tremolos post-rock et très abrasif. Entre les deux aucun relâchement, et c’est Battle of Annihilation qui emporte le morceau, avec sa batterie particulièrement enfiévrée et son mur de saturation incandescent."



21. Thou - Umbilical

"Toujours aussi irréductible, le sextette de Baton Rouge emmené par les guitaristes Andy Gibbs et Matthew Thudium sonne particulièrement opaque, glauque et malsain sur ce nouvel opus ouvertement lo-fi bourré de larsens et de saturations, tirant cette fois encore le meilleur d’influences allant du sludge (Narcissist’s Prayer) au punk hardcore (Unbidden Guest) en passant par le doom (Siege Perilous) voire le grunge (The Promise), genre ouvertement abordé par le passé, tandis que le grunt vindicatif et enragé du vocaliste Bryan Funck fait le reste."



22. Psykoxxx - Diableries & Sortil​è​ges

On vous touchait deux mots dans notre classement estival sur l’excellent Incantation, incursion de Batard Tronique dans le metal esotérique teinté de breakcore bien lo-fi (Suicide), eh bien Diableries & Sortil​è​ges en prenait dans la foulée la continuité directe avec un artwork digne du meilleur doom metal et les trois titres de l’EP auxquels s’ajoutent quatre inédits aux atmosphères tout aussi viciées, à commencer par cet Affamé d’ouverture évoquant autant John Carpenter que le ritual ambient le plus ténébreux. Quant aux deux Megalloween avec leur death metal distordu joué sur des machines, et le final Cruauté plus cinématographique et dissonant avec sa vibe de bande originale horrifique, ils ne déméritent pas et témoignent d’un énième talent jusqu’ici inédit chez le patron du netlabel Paris Zombie, déjà doublement mentionné dans mon classement électronique pour son album avec NLC et le dernier 2 Tones.



23. Black Pus - Terrestrial Seethings

"Après le terrorisme sonore pur et dur de THEY WON et à l’exception du libertaire Terrestrial Heathens qui clôt l’ensemble sur une orgie tempétueuse de borborygmes, de synthés déglingués et de fûts désorganisés, ce nouvel opus de l’Américain ferait presque figure d’album "pop", du moins dans sa première moitié. Après tout, il y a du chant à proprement parler (punk certes, craché au visage d’un micro trempé dans l’acide... mais tout de même), un groove assez irrésistible (Hungry Animal, So Deep) entre deux régressions martelées/saturées (Ping Pong, Mark My Word), que demande le peuple ? Enfin ça, bien sûr, c’est seulement le premier effet Kiss Cool, et les bizarreries de bon aloi ne sont jamais bien loin, surtout en seconde partie de disque. Citons notamment la cavalcade Celestial Seethings dont le tempo varie imperceptiblement sans avoir d’y toucher pour finir par infuser une espèce de schizophrénie subliminale intensifiée par les boucles d’échos drogués, la technoise de Wide Asleep ou ce Gothic Socks véhément qui se voudrait décérébré et finit presque par sonner cérébral en évoluant du chaos total à un semblant d’ordre de plus en plus hypnotique. Bref, du Black Pus pur jus, cathartique, improvisé, taré à faire du moonwalk sur la tête et néanmoins absolument jouissif pour le masochiste qui sommeille en nous."



24. Godflesh - A World Lit Only By Dub

"On était plutôt emballé à l’idée de découvrir cette relecture "dub" (précisons qu’on est tout de même loin des soundsystems jamaïcains) par Justin Broadrick lui-même, qui marque d’emblée des points en s’avérant encore plus lo-fi et saturée que l’album d’origine, voire à la limite de la sous-production (à se demander si tout ça est même mastérisé etc). Même minimalisme, les syncopations dub en plus, sur Cursed By You All qui n’en conserve pas moins son ADN industriel et ses riffs metal itératifs... du moins avant de muter en vortex d’échos et de larsens évoquant davantage Techno Animal entre autres side projets bien viciés du natif de Birmingham. "Mutation" est en effet le maître-mot de cette sortie, dont les instrus avaient été laissés inachevés pendant pas mal d’années pour n’être complétés que tout récemment à l’occasion du 10e anniversaire du disque. Soyons clairs, il faudra pour pleinement apprécier avoir une certaine appétence pour les incarnations les plus rêches et radicales du bonhomme, telles que Greymachine ou surtout JK Flesh et plus récemment Exit Electronics, dont Dead Ending finit par prendre la direction techno-indus dans la dernière ligne droite de ses 10 minutes pesantes et anxiogènes."


- Bonus - 26 albums de plus :

Frail Body - Artificial Bouquet
Mamaleek - Vida Blue
Ia-HA-Crax - Drojdia zdren​ţ​elor
Blood Incantation - Absolute Elsewhere
Meat Beat Manifesto & Merzbow - Extinct
Uniform - American Standard
Love Sex Machine - TRVE
Locrian - End Terrain
Machiavellian Art - Population Control
The Bug - Machine
Aluk Todolo - LUX
Full of Hell - Coagulated Bliss
Prurient - Destroyed Electricity
Buñuel - Mansuetude
Ufomammut - Hidden
Aidan Baker & Dead Neanderthals - Cast Down And Hunted
God Is War - Boogeyeman Inc.
Man in the shadow - Cartomancien
Collapsed Skull - Your Father’s Rage Evaporated In The Sun
MASS/GRAF - THE​/​DEHOLYFIED
Human Impact - Gone Dark
The Lord - Worship : Bernard Herrmann Tribute
High On Fire - Cometh The Storm
Sumac - The Healer
BIG|BRAVE - A Chaos Of Flowers
Bad Breeding - Contempt


Articles - 06.01.2025 par RabbitInYourHeadlights
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