Black Saturn : "Ma façon de rendre hommage au dub et à la poésie dub"

En novembre dernier, Black Saturn, habitué de nos colonnes, revenait en force et en duo pour illuminer de sa classe le plus tristouille des mois de l’année. Opium, album concept de CID-Central Organ for the Interests of All Dissidents (entité dans laquelle Trackscan insufle ses instrumentaux au minimalisme hypnotique), prenait tout le monde par surprise et se faisait une place (méritée) dans les listes de fin d’année. L’occasion pour nous d’en discuter avec Black Saturn et d’en apprendre davantage sur ce huit-titres passionnant.





VERSION FRANCAISE


- IRM : On va commencer simple. Raconte-nous la genèse de cette collaboration avec Trackscan.

Black Saturn : Opium correspond à notre première rencontre et collaboration avec Trackscan. Les choses se sont alignées entre lui et moi. LowHop Records m’a demandé en quelques mots si j’étais intéressé par le projet. Le reste est la vision sonore de Trackscan. La magie arrive souvent quand on s’y attend le moins, en étant authentiquement soi-même on finit toujours par être récompensé de ses efforts. Nous sommes définitivement bénis par la Vibe.

-  Opium est un véritable album concept avec un univers propre, une narration, un développement avec une vraie collision d’influences qui semblent presque davantage cinématographiques ou littéraires que musicales. Peux-tu nous en dire plus à ce sujet ?

C’est de la "combustion créative spontanée" comme j’aime à l’appeler. La conversation de Lady Chin en ouverture m’a instantanément donné des idées. J’ai ajouté tous ces détails subtils du quotidien qui façonnent nos créations et qui ne sont en général pas mentionnés. Regarder la télé en écrivant sur l’accoudoir du canapé, fumer un Black & Mild [marque de cigares, NDLR] jusqu’au filtre, écouter Lee ’Scratch’ Perry : autant de choses qui se sont passées pendant la création dOpium. Dub Intermission est un freestyle que j’ai réalisé à la volée après avoir écouté Lee Perry. Le concept s’est créé tout seul, il m’a suffi d’être patient, concentré et confiant dans la direction que je prenais pour les paroles.

- J’aime à considérer Opium comme un court album davantage que comme un EP. Je le trouve sans gras, à l’os. Ton flow est précis et il n’y a pas une minute de trop, pas un morceau de trop. Les prods de Trackscan sont minimalistes mais racontent beaucoup avec peu. Cette économie de moyens, c’était une volonté délibérée de votre part ?

Je dirais que cette approche au niveau de la production est délibérée. La plupart des pistes sont des deuxièmes versions. Plus orientées boom bap que les premières. Trackscan a vraiment pris le temps de trouver la bonne ambiance pour faire ressortir ma voix. La longueur des pistes respecte mon approche des paroles. "Less is more".

- Je sais que c’est une question hyper bateau, mais j’aimerais que tu nous parles un peu du nom de votre duo avec Trackscan, CID-Central Organ for the Interests of All Dissidents. Forcément, au regard du contexte actuel, alors que le concept même de démocratie est menacé un peu partout, ce patronyme résonne singulièrement.

C’est Trackscan qui a trouvé ce nom. Je ne sais pas d’où il vient, ni quand il l’a trouvé. On m’a demandé ce que je pensais du nom pendant le mastering dOpium. C’est un excellent nom qui a en lui les germes d’une mythologie et une profondeur pour d’éventuels projets futurs.

- Justement, prévoyez-vous des développements à cet univers ? On évoquait tout à l’heure le côté cinématographique de l’album. Il a tout pour être le premier épisode d’une série à venir ?

Pour le moment, nous travaillons toujours à la promotion dOpium. Il est fort possible que CID revienne avec un ou plusieurs nouveaux projets.

- Il y a un vers qui m’a particulièrement marqué, c’est ce « every asshole was once a victim ». C’est très parlant, mais quel sens y mets-tu, toi, personnellement ?

Cet abruti toxique que vous ne supportez pas a été victime du même genre de personne. Au lieu de grandir et de devenir quelqu’un de meilleur, il devient ce genre de personne faible qui pense que c’est ça qu’est la force. Doit-on vraiment le juger ou plutôt laisser le karma décider de son sort ?

- « Slow Motion is the way I prefer » déclames-tu sur Seeds of a Plot. C’est un peu ta profession de foi, non ?

C’est ma façon de rendre hommage au dub et à la poésie dub.

- Il y a un soin particulier porté à l’artwork signé Metatektur avec cette superbe édition vinyle et cette pochette complètement dingue. Raconte-nous un peu l’histoire derrière tout ça.

J’ai participé au choix de la version noir et blanc de l’artwork avec Trackscan. J’aurais aimé avoir une histoire intéressante à te raconter à ce sujet, mais je n’ai jamais rencontré Metatektur officiellement. Juste son artwork.

- Tu as travaillé avec Grosso Gadgetto, R$kp et Innocent But Guilty à plusieurs reprises. Quels sont tes liens avec la France ?

J’ai tourné en France avec Fujako en 2010 et 2014. La France a toujours eu un très bon accueil pour Black Saturn. J’étais sur le label Alrealon Musique à ses débuts à Lyon, en France vers 2008, avant qu’il ne déménage à Philadelphie et à New York. J’aimerais jouer de nouveau en France dans un futur proche.

- Pour terminer, as-tu des exclus à partager aux lecteurs d’IRM pour les mois qui viennent ?

J’ai plusieurs sorties à venir en 2025. Le 3 janvier est sortie ma collaboration avec Acheleg & Igor Amokian sur le label Terminal Toybox Tapes. C’est un projet disponible en édition cassette limitée et en digital. Le 7 janvier est parue la première vidéo de Black Saturn vs. Subduxtion, Smash, Drill, Dub. On pourra la trouver sur une compilation de notre travail en tant que groupe avec des remixes et des inédits, mais aucune date n’est encore arrêtée. En février, je sortirai un album de quatorze chansons avec l’artiste canadien BoneCreate, puis très bientôt des collaborations avec Igor Amokian et Jon Shuemaker. Les lecteurs d’IRM peuvent me trouver sur Facebook, Instagram, X, YouTube @blacksaturntv et Bandcamp (http://blacksaturn.bandcamp.com). J’ai également une émission de radio sur Radio Rap Tees. Elle était diffusée le samedi soir à Paris. J’ai fait quelques épisodes, "The Black Saturn Experimental hip-hop show". Les épisodes sont toujours sur Mixcloud (https://www.mixcloud.com/blacksaturn).

- Merci pour ton temps.




ENGLISH VERSION


- IRM : Let’s start simply. Tell us about the genesis of this collaboration with Trackscan.

Black Saturn : Opium is our first time meeting and collaborating, things just aligned between me and Trackscan. LowHop Records asked if I would be interested in dropping some words on the project, the rest is Trackscan’s audio vision. Magic often happens when you least expect, being authentically you is the genesis that always pays off. We’re definitely blessed with the Vibe.

-  Opium is a real concept album with its own universe, a narrative, a development with a real collision of influences that seem almost more cinematographic or literary than musical. Can you tell us more about this ?

It’s all Spontaneous Creative Combustion, as I like to call it. The opening skit of Lady Chin’s conversation instantly gave me ideas. I added the distractions and everyday subtle things that shape our creations that normally don’t get mentioned. Looking at tv writing on the arm of the sofa, burning a Black & Mild down to the filter, listening to Lee ’Scratch’ Perry it’s all things that happened in the making of Opium. Dub Intermission is a freestyle I put together on the fly after listening to Lee Perry. The concept created itself, I just had to be patient, focused and confident in where I was taking the lyrics.

- I like to think of Opium as more of a short album than an EP. I think it’s lean and mean. Your flow is precise and there’s not a minute too long, not a track too long. The tracks of Trackscan are minimalist but tell a lot with very little. Was this economy of means deliberate on your part ?

I would say the production is very deliberate, most of the tracks are second version. More boombap oriented than some of the original tracks I recorded. Trackscan really took the time to come with the right vibe to make my vocals pop. The length of the tracks compliments my approach with the lyrics. Less is More.

- I know this is a very stereotypical question, but I’d like you to tell us a bit about the name of your duo with Trackscan, CID-Central Organ for the Interests of All Dissidents. Inevitably, given the current context, where the very concept of democracy is under threat just about everywhere, this name has a singular resonance.

The name is all Trackscan, I don’t know the origin, when he came up with it. I was asked my thoughts about the name during the mastering of Opium. It’s a excellent name, it has potential for me to create a mythology and depth to it with possible future projects.

- We mentioned earlier the cinematic feel of the album. Is it the first in a forthcoming series ? Are you planning any further developments in this universe ?

We are still currently working on promoting Opium. It’s a strong possibility CID will be coming back with a new project or projects.

- There’s one line that particularly struck me : "every asshole was once a victim". It’s very telling, but what meaning do you personally put into it ?

That toxic jerk you can’t stand was once a victim of the same kind of person. Instead of growing and becoming a better person, he becomes that weak person thinking that’s what strength is. Should you judge them for that or leave it to karma ?

- "Slow Motion is the way I prefer" you declaim on Seeds of a Plot. It’s a bit like your profession of faith, isn’t it ?

It’s my way of paying homage to dub and dub poetry.

- You’ve taken particular care with the artwork by Metatektur, with this superb vinyl edition and this completely crazy cover. Tell us the story behind it.

My input was chosing the black & white version of the artwork with Trackscan. I wish I had a interesting story to tell about it. I’ve never formally met Metatektur, just his artwork.

- You’ve worked with Grosso Gadgetto, R$kp and Innocent But Guilty on several occasions. What are your links with France ?

I’ve toured in France with Fujako in 2010 and 2014, France has always had a great response to Black Saturn. I was on Alrealon Musique when it started in Lyon, France around 2008 before it’s moving to Philadelphia and New York. I’d like to tour in France again in the near future.

- You’re always welcome here. Finally, do you have any exclusives to share with IRM readers for the coming months ?

I’ve got several releases coming in 2025. January 3rd my collaboration with Acheleg and Igor Amokian has officially dropped on Terminal Toybox Tapes. It’s a limited edition cassette tape project also available on digital download. January 7th I have released the first video for Black Saturn vs. Subduxtion, Smash, Drill, Dub. We’re putting out a compilation of our stuff as a group, remixes / unreleased. We haven’t set a release date as of yet. February I will be releasing a full 14 song album with Canadian artist BoneCreate. Also lookout for collaborations with Igor Amokian and Jon Shuemaker. Readers can find me on facebook, instagram, X, YouTube @blacksaturntv and Bandcamp (https://blacksaturn.bandcamp.com). My radio show on Radio Rap Tees aired Saturday nights in Paris. I did a few episodes, "The Black Saturn Experimental hip-hop show". The episodes are still on Mixcloud (https://www.mixcloud.com/blacksaturn).

- Thanks for your time.


Interviews - 10.01.2025 par Ben


IRM Podcasts - #21/ 2023 : le hip-hop foisonne dans les franges (par Rabbit)

2023 fut une fois de plus une grande année pour le hip-hop indé et underground, proportionnelle à son inanité et son innocuité toujours grandissantes dans le mainstream. On revient dans ce podcast sur une partie de ces réussites, avec tout de même quelques têtes de gondole mais une majorité d’artistes sous-médiatisés et souvent méconnus des amateurs du (...)