Pour débattre de 2024 (1/3)
Sans doute notre lectorat, plus nombreux en 2024 que n’importe quelle autre année post-Covid, apprécie-t-il les formats plus resserrés que nous adoptons désormais. Les longues chroniques se font rares, ce qui n’empêche pas les articles fleuves puisque nous aimons trier, classer et forcément débattre, ce qui fait par exemple de nos bilans mensuels de belles opportunités de découvertes. Je saute sur l’occasion pour partager avec vous un bilan tout personnel de cette année musicale. Il y aura forcément de l’underground mais aussi, et c’est ma petite particularité dans l’équipe, (un peu) de mainstream (tout relatif, ne vous attendez pas à voir Billie Eilish pour autant) et même de l’autopromotion (à dose homéopathique, une mention par partie). Ce qui nous fera donc trois volets contenant chacun 8 albums (pour faire 24 en 2024), une autopromotion et un bonus.
24. Four Tet - Three
"Three est du même calibre que son prédécesseur. L’auditeur y entendra des beats à l’efficacité redoutable, mais également une belle panoplie de mélodies et d’effets, puisque l’on retrouve aussi bien des odes electronica rappelant le Caribou de la belle époque qu’un savoureux downtempo, sans oublier les répétitions en basse fréquence chères à Four Tet et les ovniesques Daydream Repeat, premier single, et Three Dreams, morceau final, dont les compositions à tiroirs et les rythmiques explorent tant de directions qu’il serait vain de les résumer."
23. Starflyer 59 - Lust For Gold
"Jason Martin, personnage central de Starflyer 59 depuis un premier album homonyme publié en 1994, accouche ici de sa plus belle sortie depuis au moins la moitié des années 2000, soit rien de moins que huit disques. Pourtant, la recette n’a pas changé. L’Américain, adorateur du shoegaze britannique de Ride et Slowdive, ne se fait pas prier pour mâtiner sa musique du meilleur des formations précitées : l’électricité et la batterie rugueuse des premiers et les nappes oniriques des seconds, le tout avec une voix qui tient tout à fait la route."
22. kareem - Trax for the year 3G$$$
L’un des rares disques de cette sélection que je n’ai, à l’époque de sa sortie, pas commenté. Il m’a fallu les indispensables rattrapages de mon compère Rabbit pour réécouter cet album qui, étrangement, était passé en dehors de mes radars l’an dernier. Imaginez Antipop Consortium ou Blockhead et une musique industrielle berlinoise. Mélangez l’ensemble, ne retenez que l’atmosphère, sombre et radicale, les instrumentations (on se passe ici de voix) et vous aurez un aperçu de l’uppercut que constitue cet album de kareem !
Lire l’avis des copains dans le bilan de janvier.
21. Emika - HAZE
"Ce n’est plus tout à fait la Emika de Ninja Tune mais, depuis ce premier album, c’est bien la version 2024 de la Britannique qui en est sans doute la plus proche et, assurément, la plus enthousiasmante. La comparaison avec Burial mérite toutefois d’être nuancée puisque l’on ne retrouve pas sur HAZE la noirceur absolue développée par William Bevan. A l’inverse, un certain optimisme noir se dégage parfois de ces compositions qu’on devine essentielles pour l’artiste lorsqu’elle indique : "j’avais ces morceaux dans ma tête depuis plusieurs années, ce disque a sauvé ma vie".
Rien n’est feint dans la démarche d’Emika et cet album rempli de contrastes, non content d’être paradoxalement assez immédiat, se bonifie au fil des écoutes. Percussions façon dubstep donc, voix saccadée, à la fois enivrante et hantée, pianos néoclassiques glacés, réverbérations hantologiques, tout concourt à faire de ce disque une expérience profonde qui ne demande qu’à être répétée à la manière du The Eraser de Thom Yorke - œuvre solo la plus aboutie du leader de Radiohead - dont l’influence semble manifeste sur cet album qu’Emika définit, justement, "comme un mix de Thom Yorke, Burial et Nils Frahm."
Lire l’avis complet et celui des copains dans le bilan de mai.
20. Maeki Maii - Sur des charbons ardents
"Difficile de chroniquer un disque-somme de 22 titres mêlant, comme l’explique son auteur, "autant d’inédits que de featurings, des remixes ou des morceaux déjà sortis en singles". D’autant plus délicat lorsque chacun des titres mêle punchlines renversantes et élégance. Maeki Maii possède cette capacité à suivre la direction proposée par les différents producteurs, tout en insufflant aux morceaux son charisme et sa personnalité. De fait, si les instrus évoluent dans des contrées variées, l’auditeur est toujours lié à ce fil conducteur qu’est cette voix qui crève l’écran mais pas les tympans. Forcément, les plus pressés se contenteront de picorer ici et là ce qui leur convient le mieux, et après tout, pourquoi pas. À ce petit jeu, il faudra surtout éviter de passer à côté des deux premiers titres, sur des productions de Sabba et Druggy, des remixes de Wolf City et 154 fRANKLIN aka Innocent But Guilty ou encore Adieu l’ami. En attendant la suite, très vite !"
Lire les avis des copains dans notre bilan d’octobre.
19. vssp - Over the Sun
"Le Girondin a l’air aussi talentueux que sympathique, en atteste la chouette interview qu’il a accordée dans nos colonnes à Ben, et l’univers qu’il déploie sur Over the Sun m’a rappelé, en plus des influences décrites dans la précédente chronique, la facette la plus dépouillée de Ochre ou les travaux ambient de Moby. Profond et mélancolique, jamais anecdotique, ce disque parvient tout simplement à suspendre la notion de temps qui s’écoule."
Lire l’avis des copains dans le bilan mensuel de février.
18. Batard Tonique & NLC - Turbulences
"Nous sommes ici en présence d’un disque majuscule. Aux nappes cotonneuses à tendance néoclassique de Julien Ash s’ajoutent les rythmiques trip-hop de Batard Tronique conférant un caractère intrigant mais néanmoins savoureux et addictif à l’ensemble. Le disque est présenté comme "un voyage de presque une heure au cœur des tempêtes de sable, là où s’égarent les valeureux bédouins habitués au climat hostile, menés par leur sens de l’orientation céleste". Certes, les sonorités orientales font écho à cette pochette issue du désert, mais l’ampleur et l’ambition de ce Turbulences ont également tout de l’odyssée. Très abouti !"
Lire l’avis complet et celui des copains dans le bilan de juin/juillet.
17. Kiasmos - II
"Dix ans après un premier album homonyme, Ólafur Arnalds reprend les choses là où il les avait laissées avec Janus Rasmussen dans le cadre du projet Kiasmos. Et pourtant, la genèse des deux disques n’a rien à voir puisque le premier avait été composé en une quinzaine de jours, tandis que celui-ci découle d’un long travail. Sans doute n’est-il pas exagéré d’avancer que cela se ressent à l’écoute. Les textures se font plus denses et, surtout affluent les détails essentiels à ce type de musique électronique possiblement répétitive. Plus encore, la fusion opère comme rarement entre les arrangements orchestraux (alto, violon, violoncelle) et les productions synthétiques. Loin de ronronner (comme Ólafur Arnalds peut parfois le faire en solo), II est un disque à la fois dynamique et aérien. On en redemande !
Lire l’avis complet et celui des copains dans le bilan de juin/juillet.
Bonus :
Un chouette EP : Theis Thaws - Fifteen Days
"Il faut sans doute s’appeler Tricky pour accoucher ainsi d’une sortie aussi incarnée et teintée de son univers en étant paradoxalement aussi peu présent. En effet, le Britannique délègue ici la production au Français Mike Theis et s’entoure, comme à son habitude, d’une muse pour les parties vocales principales. C’est cette fois Rosa Rocca-Serra, dont l’univers singulier gagnera sans doute à être exploré plus sérieusement, qui endosse avec brio ce dernier rôle comme le contrepied parfait des incursions rauques de Tricky, rappelant parfois Martina Topley-Bird - excusez du peu - pour ce mélange d’intensité, de facilité et d’évidence. Les productions rappellent les heures les plus sombres de la discographie de l’ancien membre de Massive Attack (Pre-Millennium Tension et Angels With Dirty Faces en tête). C’est brumeux, froid, cela devient rugueux quand Tricky sort la tête du terrier, mais c’est d’une efficacité redoutable. Il fallait remonter à False Idols et Ununiform pour retrouver un Kid de Bristol en forme mais il n’avait sans doute pas été à pareille fête depuis le Knowle West Boy de 2008."
Autopromotion : Valgidrà & Antonella Eye Porcelluzzi - Break EP
Un EP sorti, en collaboration avec Antonella Eye Porcelluzzi au chant, en plein mois d’août. Une erreur commerciale, évidemment, à laquelle s’en ajoute une seconde : ce court format fait suite à un autre, intitulé La Colline, paru le mois précédent.
Ce projet me tient à cœur et, comme souvent avec Antonella, le processus de création a été très rapide. Ces morceaux sont donc des extraits d’humeur, les capsules d’une période de quelques jours ou semaines qui ont permis sa genèse, entre trip-hop et spoken word ensoleillé.
Four Tet sur IRM - Site Officiel - Myspace
Tricky sur IRM - Myspace
Antonella Eye Porcelluzzi sur IRM
Valgidrà sur IRM
kareem sur IRM
vssp sur IRM
Starflyer 59 sur IRM
Emika sur IRM - Myspace
Maeki Maii sur IRM - Bandcamp
Batard Tronique sur IRM
Kiasmos sur IRM
Julien Ash / NLC (Nouvelles Lectures Cosmopolites) sur IRM
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