Fuck Buttons - Street Horrrsing
Hype dévastatrice, critiques unanimes chez tout le gratin de la presse anglo-saxonne et programmation dans tous les festivals de l’été. En théorie, Fuck Buttons avait tout du parcours d’un groupe surestimé, profitant habilement de la vague et du succès facile. Imaginez maintenant que Street Horrrsing soit l’une des expériences les plus dingues de 2008, un album ravageur dont le souffle destructeur et meurtrier nous a submergés. Et si la hype ne s’était, pour une fois, pas trompée ?
1. Sweet Love For Planet Earth
2. Ribs Out
3. Okay, Let’s Talk About Magic
4. Race You To My Bedrorom/Spirit Rise
5. Bright Tomorrow
6. Colours Move
Porté par une dynamique plus proche du disque autiste, un peu élitiste, a priori confidentiel, perdu quelque part du côté d’Autechre, que de l’album branché au souffle court à la Vampire Weekend, Street Horrrsing est un sommet, ravissement pour les oreilles et torture pour les tympans. Curieusement propulsée au sommet, cette odyssée cataclysmique est un chemin sans retour dans le néant. Des sons vides et abstraits qui s’entrechoquent sans cesse pour un ouragan sonnant telle une symphonie de fin du monde.
Délicieux oxymores. On entre sur un titre au nom qui ne pourrait moins évoquer ce qui va se produire. D’emblée le son est menaçant, inquiétant. On tremble sans trop savoir ce qui va se passer. Quelques notes de piano, témoins oubliés qui se sont souvenus d’une violence passée. L’ensemble se nomme Sweet Love For Planet Earth, logique dénomination au charme mélancolique. Tout semble tenir jusqu’à ce qu’une guitare saturée aux accents shoegazing, sèche et rude comme le froid vent d’hiver balaie l’ensemble d’un revers de main. Les magiciens de ce miracle, Andrew Hung et Benjamin John Power, artificiers insensés de cette déflagration sonore, remplissent en quelques secondes une plaine qui était vide et cristalline. Plaçant leurs coups avec parcimonie mais précision, les deux anglais habitent l’ensemble de l’espace, mettent en scène une destruction planifiée des structures musicales dont ils s’affranchissent le temps de 6 morceaux et de 50 minutes de génie brut.
Un sample de voix démoniaque et terrifiant, influencé par le Psyence Fiction de UNKLE ou le Endtroducing de DJ Shadow, fait exploser cette tension sous-jacente qui devient palpable, seule trace de voix et d’humanité - hallucinée et aliénée certes - de cette fulgurante et imparable décadence. Introduction magistrale pour une épopée grandiose, vous venez en 10 minutes de pénétrer dans un disque piégé, constamment sur la tangente, de deux stratèges machiavéliques qui ne vous laissent plus le choix.
Dans cette apocalypse macabre, les deux virtuoses de la destruction n’avancent pourtant pas masqués et possèdent une vision globale de leurs influences qui leur permet d’être justes. Dans ce brouillard où l’on se perd, on sent bien que l’univers de Fuck Buttons est ultra-référencé. Canonniers de Bristol, Massive Attack et autres Portishead forment l’avant-garde de cette ambiance voilée dont on retrouve la trace sur les principaux éléments rythmiques à travers des envolées tribales parfaites. L’infanterie est formée par les brumes du shoegaze poisseux d’un Jesus & Mary Chains période Psychocandy et les saboteurs de Boards of Canada dont les quelques tentatives de rejoindre leur mélodies vaporeuses sont réduites à néant par des fulgurances sonores échappées d’Autechre ou de Squarepusher sans le côté free-jazz.
En parfaits virtuoses, les gamins ne sont jamais écrasés par cet héritage, s’en jouent à merveille et ne laissent aucune chance à l’auditeur, traqué dans ce paysage à la beauté sauvage, méthodiquement démoli par des saturations inflexibles qui avancent inlassablement. A l’arrière, ces satanés samples de voix de déments, qui hurlent, déchirant la nuit et qui seuls font tressaillir cette apocalypse bruitiste démontant sans heurts toute trace de vie. Cette éternité éphémère, rêveuse et implacable, atteint des sommets que l’on pensait réservé aux artilleurs chimériques de Warp. Et si justement Street Horrrsing réussissait là où la dernière pointure du label anglais, Gang Gang Dance avait échoué ? Loin des élucubrations tribales et des sonorités ethniques gênantes du disque des new-yorkais, Fuck Buttons est un voyage pyromane, quasi-suicidaire d’une sculpturale beauté défigurée, qui vous explose à la gueule dès les premières secondes.
Un cadeau empoisonné que l’on souhaiterait infini. Un songe nébuleux qui pue le soufre, une bizarrerie indispensable et itérative, sorte de réponse en miroir au bluffant Midnight Souls Still Remain de M83, les éruptions lancinantes en plus. Bright Tomorrow, c’est The Field avec un sens du rythme et des mélodies, bourrasque lorgnant sur les terrains de la techno, sorte de crépuscule solaire, oracle qui apparaît quand tout a disparu, éclairage d’un tableau lumineusement noir, ravagé une ultime fois par l’évidence d’un Colours Move, mur de bruit blanc massif et dévastateur. Quelques notes de guitare qui déversent leur larmes et un rythme tribal qui balance sa colère sur ce qui a survécu, quelques bruitages animaux qui hurlent leur désespoir.
Tout est détruit, noir et sans espoir. Profondément nihiliste et misanthrope, ce disque envoie quelques ondes revivifiantes, rencontre fantasmée et aujourd’hui vécue entre abstraction bruitiste, mélodies ténébreuses et drone répétitif aux mouvements immuables. Bravant toutes références et étiquettes, ce voyage grisant ne porte qu’un nom : Street Horrrsing.
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