100 artistes, 100 albums : les incontournables (Part. 3)
Été 2008, Indie Rock Mag vous propose un dossier incontournable, inédit et indispensable. Prenez un sujet du Forum Indie Rock intitulé "vos 100 meilleurs disques de tous les temps", ajoutez-y une poignée de formules validées par l’INSEE, mixez le tout avec des choix de la rédaction intercalés en parfaite cohabitation et vous voici face à ce que l’on peut considérer comme 100 artistes, 100 albums incontournables (des temps modernes).
40. Love - Forever Changes (US - 1967)
Arthur Lee et Bryan MacLean. Deux songwriters d’exception. D’un côté le mégalo instable et surdoué idolâtré par Jim Morrison et admiré des Rolling Stones, qui mit le pied à l’étrier à Jimi Hendrix. De l’autre le génie discret paradoxalement ami du tout-Hollywood grâce à son père architecte des stars, et marqué à vie par les Beatles. De quoi signer le temps d’une alchimie quasi-miraculeuse le plus bel album de pop psychédélique que les années 60 aient connu. Après un très bon premier album remarqué entre autres pour sa reprise électrisante de la chanson de Burt Bacharach My Little Red Book, dont les riffs inspireront à Syd Barrett le Interstellar Overdrive de Pink Floyd, Love, passé par un changement de line-up salutaire et poussé par le label Elektra qui imagine déjà le groupe de Los Angeles en chef de file emblématique du mouvement psyché, livre coup sur coup la même année deux albums qui demeureront les pièces maîtresses de sa courte discographie. Da Capo d’abord, dont les six premiers morceaux fusionnent l’écriture lounge tordue de Bacharach, la pop psychédélique donc et le rock garage en faisant également la part belle à des influences jazz, brésiliennes et baroques, avant de laisser place à un morceau-fleuve de 19 minutes dont les plages instrumentales se font peu à peu hypnotiques jusqu’à préfigurer le krautrock dans sa dernière partie. Ensuite vint Forever Changes.
Dès l’ouverture sur le génial Alone Again Or aux influences latines marquées, repris plus tard par The Damned puis Calexico notamment, le ton est donné : des mélodies folk-pop acoustiques au lyrisme fiévreux, un songwriting d’une limpidité exemplaire, un vibrato de cordes à coller le frisson et des arrangements de cuivres dont les accents mariachi viennent rappeler que Love fut l’un des premiers groupes pluri-ethniques à percer dans les charts, on tient là un véritable classique instantané, et la suite sera le plus souvent du même acabit. C’est donc Bryan MacLean qui s’illustre en premier, pour récidiver plus loin avec Old Man, assurément l’une des chansons les plus poignantes de l’album, co-signant au passage avec Arthur Lee le touchant Andmoreagain sur lequel s’exprime sans détour la profonde sensibilité des deux hommes. Puis c’est ce dernier qui se charge du reste, à commencer par A House Is Not A Motel, clin d’oeil à la chanson de Bacharach (encore lui) A House Is Not A Home et sommet épique et enfiévré (avec l’extraordinaire Maybe The People Would Be The Times Or Between Clark And Hilldale) d’un album dont les arrangements orchestraux font merveille sans jamais s’imposer de même que les soli de guitare qui s’intègrent aux morceaux en toute simplicité (cf. également le superbe break de guitare morriconienne au milieu de The Daily Planet, morceau arrangé semble-t-il par un certain Neil Young d’abord pressenti comme co-producteur aux côtés d’Arthur Lee et Bruce Botnick avant sa défection au profit de son groupe de l’époque, Buffalo Springfield).
Deux songwiters d’exception. Voilà donc le secret du rayonnement de ce diamant des années 60 (qui se permet même d’inscrire Love parmi les pionniers du prog rock avec son final à tiroirs You Set The Scene) redécouvert sur le tard par plusieurs générations de musiciens (de The Jesus And Mary Chain à Voxtrot en passant par Yo La Tengo, The Brian Jonestown Massacre ou encore Mazzy Star, qui a repris la chanson d’Arthur Lee Five String Serenade sur son magique So Tonight That I Might See ), mais sans doute aussi la cause du déclin de Love. Car en 68, Bryan MacLean quitte le navire, miné par l’héroïne que le groupe s’injectait en masse à l’époque, le reste du line-up ne tardant pas à suivre le mouvement. Quant aux moutures suivantes formées par Arthur Lee dans les années 70 puis à la fin des années 90, elles échoueront logiquement à retrouver l’essence du génie de Love, disparue avec une époque où l’insouciance le disputait au mal-être et le rêve aux désillusions.
RabbitInYourHeadlights
Il ne faut pas se fier à son nom, The Pale Fountains fut un groupe qui savait distiller des mélodies lumineuses et ensoleillées. En pleine vague cold-wave du début des années 80, la bande de Michael Head nageait à contre-courant avec ce superbe et parfait premier album Pacific Street. Inspirés fortement de Love ( Forever Changes en premier lieu), le groupe a réussi à composer des chansons intemporelles qui respiraient et respirent toujours la joie de vivre. Teintées de bossa nova et de soul, les ballades romantiques se révèlent enlevées et rayonnantes. Entre arrangements délicats et inspirés, cuivres radieux, percussions variées et guitares claires et limpides, le groupe de Liverpool, on le sent, dévoile sa passion pour l’easy listening façon Burt Bacharach. Michael Head chante de la plus belle des façons, avec classe et distinction, et d‘une voix chaleureuse et charmante. Mais voilà en avance sur son temps, The Pale Fountains ne connaîtra pas le même succès que The Smiths qui éclosent cette même année avec leur premier opus. Il restera dans l’ombre malgré un deuxième album tout aussi précieux From Across The Kitchen Table juste avant la dissolution du groupe. L’histoire se répètera avec Shack, le groupe formé par Michael Head et son frère, injustement ignoré du grand public et pourtant méritant une plus grande reconnaissance. Le groupe aura toutefois eu l’honneur de connaître un petit succès avec une de leurs chansons (rentrée dans le top 50 des charts anglais de l’époque) présente en bonus sur l’édition actuelle de Pacific Street, à savoir la magnifique Thank You qui sera le mot de la fin.
Darko
39. Elliott Smith - XO (US - 1998)
XO est le 4ème album de ce songwriter aussi talentueux que tourmenté. A l’époque de la sortie de ce disque qui marque un tournant dans la carrière et la vie de l’artiste, Elliott Smith signe chez Dreamworks. Cette nouvelle collaboration intervient suite au succès de son précédent opus Either/Or dont quelques morceaux figurent dans la BO du film Will Hunting et qui permit de mettre enfin en lumière un homme rongé par la timidité. Seulement, en pleine dépression, il se jette d’une falaise et s’en sort par miracle à peine quelques jours avant la sortie de XO. Paradoxalement, l’album se vendra par la suite à près de 200 000 exemplaires et devient alors son disque le plus vendu.
L’homme discret se livre ici sans aucune pudeur et dévoile au grand jour son côté loser en y abordant des thèmes qui lui sont si proches : le combat contre l’alcool sur Baby Britain, ses mésaventures amoureuses sur I Didn’t Understand, l’incompréhension de Oh Well, Okay, et malgré tout, l’amour qu’il tenait pour son beau-père sur le fabuleux Waltz #2, doté comme son nom l’indique d’une surprenante rythmique de valse. Le long de ces 14 compositions, l’artiste nous offre le meilleur, et donc le pire, de lui-même.
L’ensemble est pourtant faussement sombre, l’artiste ne nous enfonce pas dans ses déboires mais nous en préserve au contraire grâce à un rendu mélodique haut en couleurs. Il faut dire qu’un réel tournant artistique a été pris, les précédentes créations pratiquement dépourvues d’arrangements laissent place à un album beaucoup plus travaillé. Le piano fait alors pour la première fois son apparition, lui qui en jouait pourtant admirablement bien depuis son enfance. L’harmonie du folk et de la pop bénéficie pour la première fois chez l’américain d’une orchestration complexe, laissant apparaître des accompagnements inédits de trompettes, de cordes ou même de flûtes.
Ce virage dans la carrière d’Elliott Smith sera suivi d’une dernière réussite avec la sortie de Figure 8, avant que la vie de l’homme ne devienne de plus en plus laborieuse. Ses apparitions sur scènes se feront de plus en plus rares, son addiction à l’héroïne l’empêchant de se produire avec talent et dignité. Il faudra un drame, et le décès de l’artiste, poignardé suite à une lutte avec sa petite-amie, pour mettre un terme à cette spirale négative. Les thèses du suicide ou de l’homicide seront à tour de rôle retenues sans jamais apporter aucune certitude. La seule que nous ayons étant celle du regret d’avoir perdu le plus grand songwriter des années 90.
Pol
Le relatif anonymat dans lequel The Go-Betweens traversa les années 80, restera à jamais une injustice totale. Originaire de Brisbane, le groupe australien fondé à la fin des années 70 autour du duo de songwriters Grant McLennan et Robert Forster, émigrera très tôt à Londres dans le but de faire carrière. Il ne réussira pourtant à réunir autour de lui qu’une poignée de fans persuadés que McLennan/Forster étaient les seuls à même de concurrencer la paire Marr/Morrissey sur le terrain de la pop romantique à guitares. Mais là où les Smiths vont rafler tous les suffrages, les Go-Betweens ne susciteront qu’indifférence. La faute à une côte glamour proche de zéro car les chansons (et les tubes potentiels) étaient là : belles, fragiles et innocentes comme un premier amour qu’on ne parvient jamais réellement à oublier.
A partir des indispensables Liberty Belle And The Black Diamond Express, Tallulah et ce 16 Lovers Lane (tous trois superbement réédités récemment), le songwriting de nos deux protagonistes s’affirme de façon exemplaire jusqu’à devenir intouchable. En 1988, McLennan et Forster sont dans des états d’esprit différents qui vont rejaillir dans les compositions de 16 Lovers Lane qui marque également le retour du groupe dans son pays d’origine, à Sydney. McLennan qui vit une histoire d’amour avec Amanda Brown, la violoniste du groupe, est responsable des chansons les plus optimistes et up-tempo du disque (Love Goes On !, Devil’s Eyes, Streets Of Your Town...) tandis que Forster qui se remet de sa rupture difficile avec Lindy Morrison, qui officiait à la batterie, nous offre ici des chansons désabusées et résignées (Love Is A Sign, You Can’t Say No Forever, Clouds...). Pourtant cette vision radicalement opposée du sentiment amoureux et de ses vicissitudes forme un ensemble incroyablement cohérent dont la finalité est toute entière tournée vers la recherche de la pop-song parfaite. Difficile par conséquent d’extraire un morceau particulier de 16 Lovers Lane, qui restera pendant plus de 10 ans le chant du cygne des Go-Betweens, puisque le groupe se séparera après ce chef-d’oeuvre jusqu’à sa reformation au début des années 2000. En 2006, la mort de Grant McLennan d’une crise cardiaque pendant son sommeil, signifiera la fin officiel d’un groupe qui en catimini aura réussi à se rendre tout simplement essentiel.
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Aurélien
38. Mogwai - Young Team (UK - 1997)
Les dernières notes de Mogwai Fear Satan ne cessent de résonner dans les oreilles, il n’y a plus de bruit, on est tout simplement sous le coup de l’émotion, de ce choc sonore, qu’est l’inaugural Young Team. Effectivement, c’est ce genre de sensation que l’on ressent la première fois (et bien des fois suivantes) juste après l’écoute de ce morceau épique et intense d’un quart d’heure qui clôture le premier album de Mogwai. Mais avant cet incroyable final, on est passé par tous les états avec notamment les pièces maîtresses que sont Like Herod et Summer, à la fois lancinantes et apocalyptiques. Et c’est bien sur ces deux visages que le groupe originaire de Glasgow aime jouer. Il privilégie les ambiances calmes pour mieux emmener l’auditeur vers des séquences bruitistes et dévastatrices, en se faisant guider par une basse tendue et omniprésente durant ces lentes montées progressives et hypnotiques. En fait, cette musique avec une précision minutieuse et une grande rigueur porte en elle les bases du post-rock entrevues chez Slint, une musique expérimentale qui n’a besoin d’aucune parole pour exprimer des sentiments de désarroi et de mélancolie (on pourra toutefois apprécier la participation vocale d’un de leurs compatriotes Aidan Moffat des excellents et feu Arab Strap sur R U Still In 2 It).
C’est ainsi en 1997, une année musicalement très riche, que Mogwai (remarqué avec Ten Rapid, la compilation de singles sortie quelques mois avant Young Team ) va créer la surprise et connaître un certain succès, ce qui permettra d’ouvrir les portes de ce genre musical encore peu connu à un plus large public (les Canadiens de Godspeed You ! Black Emperor et le label Constellation contribueront aussi à cette reconnaissance internationale). Dix ans plus tard, avec des concerts d’une grande puissance et des albums toujours impeccables, la bande écossaise reste une valeur sûre du genre même si elle subit fréquemment les critiques des puristes qui lui préfèrent des groupes moins médiatiques. Peu importe, il suffit de savourer son plaisir.
Darko
Malgré son enthousiasme souvent aussi démesuré que prématuré pour des groupes aussitôt révélés aussitôt oubliés, rares sont ceux pour lesquels la presse spécialisée va jusqu’à inventer un "genre". Ce fut pourtant le cas pour Low et pour une fois un gage de qualité puisqu’en 15 ans le groupe s’est imposé comme un véritable modèle d’intégrité et d’exigence au sein de la scène lo-fi américaine. Car la musique du trio de Duluth, Minnesota, emmené par Alan Sparhawk et son épouse Mimi Parker, est tout sauf tendance, ne l’a jamais été et ça tombe plutôt bien, n’a jamais souhaité l’être. Elle n’est pas insouciante ni colorée et encore moins dansante mais plutôt lente, atmosphérique, intense, tendue, fervente et un peu dépressive. Autant de caractéristiques qui leur ont valu ce qualificatif fourre-tout de "slowcore" (ou pour certains "sadcore"... qu’est-ce qu’ils ne vont pas inventer on vous le demande) qui leur colle à la peau autant qu’il les ennuie, le groupe lui préférant le terme "minimaliste" qui a déjà le mérite d’être assez abstrait pour éviter les rapprochements incongrus (cf. la liste des groupes généralement rattachés au slowcore selon Wikipédia) et parfois peu flatteurs.
Trust, le 6ème album du combo, en est d’ailleurs la parfaite illustration. Dès les premières notes de (That’s How You Sing) Amazing Grace, on plonge dans une atmosphère troublée, presque dérangeante. Le reste ne sera pas plus enjoué. Même si ça s’accélère parfois (un peu), comme sur Canada ou Last Snowstorm Of The Year, ce n’est que pour mieux retrouver la section rythmique pesante et sa redondance millimétrée, allant crescendo ou decrescendo au fil de la mélodie assurée quant à elle par le mariage des voix d’Alan et Mimi dont les harmonies sublimes apportent à l’ensemble un lyrisme vibrant. La guitare, pour sa part, s’attache essentiellement à créer une ambiance lourde et oppressante (Tonight). Au final, cette alchimie paradoxale donne un album d’une homogénéité quasi-parfaite sans pour autant devenir répétitif et lassant. Trust est ainsi devenu une référence du "genre" aux yeux de ceux qui aiment classifier et n’en demeure pas moins un chef-d’oeuvre pour les autres. La suite de la discographie du groupe, non moins passionnante, prendra néanmoins une tournure surprenante aux yeux de certains. The Great Destroyer, produit par Dave Fridmann, présentera des chansons plus percutantes et moins dépouillées alors que Drums And Guns, dernier album en date paru l’an dernier, entamera un virage vers le post-rock particulièrement évocateur du label Constellation. De bonne augure pour la suite...
Spydermonkey & RabbitInYourHeadlights
37. The Strokes - Is This It (US - 2001)
A l’aube des années 2000, tel un ouragan qui arriva sans prévenir, le monde n’avait plus qu’un nom à la bouche : The Strokes. La classe de Television, un chanteur rappelant Lou Reed, un côté new-yorkais que l’on n’avait pas retrouvé depuis les Ramones et un son qui doit beaucoup au Velvet Undergorund ou à Blondie. Avec 11 morceaux beaux comme une balle et bruts comme un coup de fusil, une pochette sulfureuse et un single involontairement provocateur qui arrive au mauvais (au bon ?) moment, New York City Cops qui tance gentiment les flics de New-York en pleine Amérique post-11 Septembre, les Strokes changent la donne. Instantané d’une époque où tout s’est accélérée dans le sillon du passage au 3ème millénaire, Is This It permet le changement d’époque. Point de bug informatique, de voitures volantes ou d’attaque extraterrestre mais un album au combien capital pour la génération à venir. Les Strokes possédaient la bonne dégaine, une poignée de singles fabuleux (Hard To Explain, The Modern Age), et l’art subtil de se trouver au bon endroit au bon moment. L’Amérique chérit ses enfants-rois grâce à qui elle supplante enfin la rivale anglaise. Casablancas chante son époque comme Kurt Cobain une décennie avant lui.
Puis ce fut la rançon de la gloire. Une tournée marathon où les 5 de New-York frôlèrent maintes fois la sortie de route, un second album mal-aimé et pourtant tellement passionnant ( Room On Fire, 2003). Revenus de nulle part, les Strokes rendirent en 2006 une autre version des faits, la spontanéité en moins, le recul et le cynisme en plus avec First Impressions Of Earth, manière de se défaire de ce lourd héritage afin de tourner la page et de dire une énième fois fuck ! à tout ceux qui les avait enterrés après les avoir encensés.
Casablancas
Pour parler du groupe de Jon Spencer on aurait aussi bien pu choisir Orange, ou encore Now I Got Worry dont le groove sauvage de punk band moderne nourri au funk comme au blues ou au rockabilly ne connaît quasiment aucune baisse de régime. On se souvient notamment de l’explosif Identify et de sa guitare-drone bourdonnante (une minute à peine de déflagration hardcore à faire passer les hymnes rageurs des Sex Pistols pour de la musique de chambre), de 2Kindsa Love avec son ébauche de techno-rock préfigurant les albums suivants des Chemical Brothers ( Dig Your Own Hole ) et The Prodigy ( The Fat Of The Land ), du disco-rock de Dynamite Lover qui depuis a fait des petits ou de Can’t Stop qui tendait déjà vers cette même direction à la David Holmes qu’on retrouve sur Acme avec le blues-rock à la place de l’électro : une fusion hybride entre musiques noires et blanches devenue tellement naturelle qu’elle collera désormais au groupe comme une seconde peau.
Profondément roots et résolument moderne, pétri d’influences diverses et variées mais unique en son genre, Acme, avec ses producteurs et ingénieurs du son triés sur le volet - Dan The Automator, Alec Empire, l’habitué Jim Waters, Calvin Johnson (Beck, Modest Mouse), Nick Sansano (Sonic Youth, Public Enemy), Chris Shaw (Butthole Surfers, Weezer), Jim Dickinson (Big Star, Screamin’ Jay Hawkins) ou encore Steve Albini (déjà présent sur le premier album éponyme du groupe en 92) - fait encore aujourd’hui figure d’OVNI dans l’americana moderne. Parfois comparé un peu facilement à Odelay, l’album, bien éloigné néanmoins des collages post-modernes qui caractérisaient à l’époque la musique de Beck (croisé d’ailleurs sur Orange le temps du single Flavor), serait plutôt à rapprocher des Beastie Boys de Check Your Head ou Ill Communication (Mike D, qui apparaissait justement dans la vidéo de Flavor où il vire Beck comme un malpropre, participera d’ailleurs l’année suivante à l’album de remixes Acme Plus en compagnie notamment de David Holmes, Moby et Dan The Automator) dans sa façon de mêler garage rock, punk, rhythm & blues, hip-hop, électro, funk et soul sans une once d’ironie et avec une classe folle pour en faire une forme musicale inédite, un melting-pot profondément new-yorkais, improbable et pourtant tellement évident.
Le tubesque Talk About The Blues, produit comme une poignée d’autres morceaux par Dan The Automator, alors très demandé (il venait notamment de mettre en son l’année précédente les sommets métissées de l’album de pop psyché/funky/panjabi le plus irrésistible des années 90, When I Was Born For The 7th Time des anglais Cornershop), aurait pu tuer le disque avec son clavier saturé annonciateur d’une apocalypse imminente et pourtant furieusement groovy, son riff de guitare funky et torturé, sa batterie heavy, ses breaks hip-hop sortis d’on ne sait trop où et le chant erratique plus magnétique que jamais de Jon Spencer qui se posait à l’époque en showman insensé. Pourtant Acme, parfaitement cohérent malgré sa diversité d’influences, continue de monter progressivement en puissance jusqu’au formidable final sur Attack, bombe blues-rock dronée à l’indus par Alec Empire (Atari Teenage Riot) sur une rythmique épileptique digne de The Prodigy. Même les chansons les plus classiques sont souvent construites sur le mode des boucles de la musique électronique et font toujours preuve d’un sens mélodique compensant largement les pics de sauvagerie de l’album précédent, qui culmine notamment sur le refrain de Blue Green Olga avec Jill Cunniff de Luscious Jackson aux backing vocals. Do You Want To Get Heavy ? fusionne blues, doo-wop, beatbox et coups de grosse caisse explosifs tandis que Lovin’ Machine, ponctué de "han !" lascifs à la Kool & The Gang, ose un break de piano rock’n’roll sur une rythmique proche de la drum’n’bass. Bernie, enfin, ressort le bottleneck du placard pour inventer le rhythm & blues du XXIème siècle, urgent et saturé, avec des choeurs féminins préfigurant The Go ! Team.
Une démarche de rénovateur à rapprocher également, dans l’esprit du moins, de DJ Shadow qui sera justement convié tout comme David Holmes à co-produire six ans plus tard, toujours avec Dan The Automator, un Damage paradoxalement plus classique pour lequel le groupe s’est renommé tout simplement Blues Explosion.
RabbitInYourHeadlights
36. Belle & Sebastian - If You’re Feeling Sinister (UK - 1996)
La présence d’ If You’re Feeling Sinister (lire notre chronique) dans ce top 50 risque bien de provoquer des réactions diamétralement opposées chez nos lecteurs. Les uns trouveront logique et mérité que le chef d’oeuvre absolu de l’indie-pop 90’s britannique se retrouve ici. Les autres, trop aveugles ou hypocrites, s’exaspèreront d’y voir cet album qu’ils considèrent (sont-ils donc fous ?) comme nasillard, puéril, surrané et sans intérêt. Même si les détracteurs sont peut-être moins nombreux que par le passé, le génie de cet album beau, honnête et sincère commençant à sérieusement crever les yeux, il existe encore des auditeurs possédant des a priori négatifs sur le groupe écossais. Et pourtant...
Pourtant, 12 ans après, le monument qu’est If You’re Feeling Sinister, point de départ de la formidable discographie de Belle & Sebastian, est toujours aussi précieux, intimiste et généreux. Car il est ici 11 titres qui se vivent plus qu’ils ne s’écoutent. Un disque qui nous parle, que l’on aime. Simplement. Un album que la pochette, l’atmosphère et les morceaux rendent unique. Une contemplation tranquille de l’espace. Voilà ce que nous offre If You’re Feeling Sinister, véritable tranche de vie pour chacun de ses auditeurs attentifs, banquet sonore pourtant riche malgré la simplicité de son orchestration et de sa production. Stewart Murdoch, songwriter trop talentueux pour un monde trop turbulent et médisant qui ne le mérite pas, signe un hymne atemporel (Mayfly), une cinglante satire de l’industrie de disque (Me & The Major), quelques comptines éternelles (Like Dylan In The Movies, Get Me Away From Here, I’m Dying) et des morceaux d’une pure et intense mélancolie symptomatiques de la désespérance de la jeunesse anglaise (Fox In The Snow, The Boy Done Wrong Again). En 2008, la musique distillée par Belle & Sebastian est plus que jamais précieuse. Elle est même vitale. Son secret, lui, n’est toujours pas percé, ce disque unique semble désormais inégalable et il est probable qu’il en soit de même pour l’éternité.
Casablancas
De Belle & Sebastian à Kurt Cobain et Courtney Love (qui a repris Credit In The Straight World avec Hole), on ne compte plus les artistes qui ont été impressionnés et fascinés par Young Marble Giants. Il faut dire que l’unique album Colossal Youth (dont on parlait il y a peu de la récente réédition sur le Mag), œuvre de ce trio gallois sortie en 1980, demeure un vrai mystère qui restera à jamais inégalé. Comment un album à la production si minimaliste et froide peut-il sembler si riche et captivant ? On n’a toujours pas de réponse. On vous dira seulement qu’il suffit d’écouter cette simple guitare électrique contenue, cette basse tendue, ces quelques notes de clavier et cette boîte à rythme démodée et se laisser happer par les mélodies glaciales et hypnotiques tout en se laissant charmer par l’étrange voix berçante d’Alison Statton. L’impression de vertige vous gagnera rapidement comme sur ce Music For Evenings ressuscité sur scène :
Darko
Un dossier en 10 épisodes : part. 1 - part. 2 - part. 3 - part. 4 - part. 5 - part. 6 - part. 7 - part. 8 - part. 9 - part. 10
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