Croisé en featuring chez billy woods ou Moor Mother, on avait véritablement découvert l’univers du rappeur new-yorkais AKAI SOLO assez tard finalement, via un Spirit Roaming défendu il y a deux ans par le label du susnommé MC de Armand Hammer, Backwoodz Studioz, alors qu’il était déjà loin du coup d’essai avec en 3 ans une petite dizaine de longs formats, EPs et "mini-albums" disons, ces soi-disant LPs de 25 minutes en train de devenir la norme dans une certaine frange du hip-hop indé depuis quelques années - on ne va pas se lancer là-dessus même si le DREAMDROPDRAGON qui nous occupe ici flirte une fois de plus avec l’escroquerie du haut de ses 32 minutes pour pas moins de 20 dollars... en digital (allez, on va mettre ça sur le compte de l’inflation).

Revenons plutôt à la musique car là est l’important et en la matière ce nouvel opus de l’Américain nous donne la sensation d’un passage de palier, même si l’on retrouve à la production des collaborateurs récurrents du MC, que ce soit TwentyFifthNight (que l’on soupçonne à moitié d’être un pseudonyme du rappeur lui-même, n’ayant jusqu’ici produit que pour lui), Wavy Bagels (également rappeur, entendu sur le petit bijou de Phiik & Lungs cette année où AKAI SOLO fait aussi une apparition), August Fanon (habitué des beats et/ou collages pour Mach-Hommy, Sleep Sinatra ou Armand Hammer, encore eux), ou encore l’excellent Roper Williams, metteur en son de Fatboi Sharif avec lequel AKAI SOLO avait déjà sorti un EP et qui signe ici en toute simplicité, avec un Endless tout en loops surannées au traitement psyché, l’un des sommets "beatless" du disque.

Il faut dire que dans la continuité de la sortie précédente, le tout juste trentenaire originaire de Brooklyn et venu au hip-hop par la découverte d’Aesop Rock (on fait pire) laisse libre cours à son goût pour l’onirisme avec ou sans beats, témoignant par ailleurs d’une liberté encore plus assumée dans les circonvolutions d’un flow entre rap de chien fou, storytelling tendu (Post Dark), introspection et incursions pitchées, à la mesure d’une curiosité démultipliée pour les chemins de traverse divers et variés. Rythmiques déstructurées (Who Up Next ???, SOLO LEVELING, Bleeding Black), boucles entêtantes de samples rétro (Paint Smear) ou les deux à la fois (le superbe Let The Saved Solve Their Issue signé d’un certain melik inconnu au bataillon), touches de lyrisme orchestral (All For Us) ou rêveries syncopées (No Peace In A Glare), sans même parler des instrus ambient et gondolées de TwentyFifthNight qui encadrent l’album, tout y passe et pourtant jamais le disque ne donne l’impression de se perdre ou d’hésiter entre plusieurs directions, fonctionnant de manière assez surprenante dans ce kaléidoscope d’atmosphères et d’idées.

Une très belle confirmation !