Spoon fait partie de ces groupes nord-américains au même titre que Built To Spill, Modest Mouse ou The New Pornographers bénéficiant d’un succès croissant aux États-Unis mais dont la reconnaissance tarde toujours à pointer le bout de son nez de ce côté-ci de l’Atlantique. Fondé au milieu des années 90 par Britt Daniel (chant/guitares) et Jim Eno (batterie), le groupe s’est construit une discographie sans fausse note qui culminera en 2002 avec Kill The Moonlight, séduisant un public de plus en plus nombreux aux États-Unis. Évoluant dans une veine plus pop que ses prédécesseurs, Ga Ga Ga Ga Ga, nommé en référence à la mélodie martelée au piano du deuxième titre de l’album, pourrait aisément servir de pourvoyeur de tubes cet été, si les radios voulaient s’en donner la peine.

Eructé par la voix légèrement éraillé de Britt Daniel, le premier titre du disque, Don’t Make Me A Target avec ses guitares tranchantes sonne comme un classique de rock indé américain à caser dans une compil’ entre les Pixies et Guided By Voices. Après l’expérimental et ambient Ghost Of Your Lingers, le très spectorien et sublime You Got Yr Cherry Bomb dévoile une nouvelle facette dans la musique de Spoon qui a visiblement décidé de réchauffer sa pop survitaminée par des refrains cuivrés et des ambiances soul estampillées Motown. Les belles intentions seraient cependant vaines si le groupe ne se révélait pas sur Ga Ga Ga Ga Ga comme une formidable formation de studio dévoilant des trésors d’arrangements à la précision redoutable. Les basses de Don’t You Evah ou Rhthm And Soul rebondissent dans les enceintes et viennent donner une nouvelle ampleur aux rythmiques, qui forment toujours la colonne vertébrale de la musique de Spoon, le jeu de batterie subtilement négligé de Jim Eno se complétant toujours à merveille avec les guitares rythmiques et lignes de piano de ses camarades.
Impeccablement produit par Jon Brion, The Underdog fait office de single parfait synthétisant pop blanche et soul noire avec une évidence déconcertante. Comme Elvis Costello, Britt Daniel chante toujours avec des cendres encore brûlantes au fond de la gorge, parfois une simple phrase qui en dit long et se suffit à elle même (« It’s just my japanese cigarette case/Bring a mirror to my face/Let all my memories be gone »), avant d’enflammer les pistes de danse avec un Finer Feelings incandescent.

Le sixième album du groupe se termine par un titre sûrement pas innocent (Black Like Me) dont le piano évanescent et les cordes en vrille ne sont pas sans rappeler A Day In The Life.
10 chansons. A peine 36 minutes. Spoon n’est sûrement pas le groupe du siècle et Ga Ga Ga Ga Ga , probablement pas un chef d’oeuvre mais pourtant quelque chose de rare dans la pop par les temps qui courent : juste un putain de bon disque.