Hey Colossus - Four Bibles
Four Bibles, nouvel album d’Hey Colossus, constitue une nouvelle étape dans la lente mue des Anglais.
1. Bees Around The Lime Tree
2. Memory Gore
3. Confession Bay
4. It’s A Low
5. (Decompression)
6. Carcass
7. The Golden Bough
8. Palm Hex / Arndale Chins
9. Babes Of The Plague
10. Four Bibles
À la première écoute, j’ai détesté ce disque. Envolé, le gros grain. Évacuée, l’approximation. À la place, un son chirurgical et plus rien ne dépasse. La voix aussi s’est policée. La mue entamée avec l’indéboulonnable In Black And Gold a atteint son stade ultime : Hey Colossus donne désormais l’impression d’être complètement domestiqué. Et pour la première fois, je suis resté bloqué devant sa porte sans ressentir la moindre envie d’en franchir le seuil.
À la première écoute, j’ai détesté ce disque mais sur la deuxième, c’était déjà différent. Un truc m’a turlupiné. Comment ai-je pu me retrouver à écouter Carcass vingt-huit fois d’affilée ? C’est chirurgical et sans beaucoup d’aspérités certes mais ce morceau, là, vraiment... Un grand morceau.
Ensuite, sur les suivantes, mon cerveau a fait le yoyo entre écoute religieuse et réintégration très agacée des étagères. À certains moments, je trouvais Four Bibles génial, à d’autres, au contraire complètement raté. Depuis, ce n’est ni l’un ni l’autre. Juste un très bon album d’un groupe passionnant. Capable de faire se succéder un morceau plein d’emphase avec force piano et violon qui frôle le trop-plein sans jamais l’atteindre (It’s A Low) et un instrumental complètement bizarre, faussement inachevé, qui emmène le groupe loin des stades qu’il semblait convoiter l’instant d’avant (Decompression). Mais bon, ça n’est pas nouveau avec eux, ce côté Janus. Sur le précédent, The Guillotine, on naviguait déjà allègrement entre îlots de désespoir et vagues tendues et bruitistes. Four Bibles conserve cette dynamique en dents de scie qui fait que l’on ne sait jamais trop à quoi s’attendre lorsqu’un morceau s’achève et que va débuter le suivant. Surtout, on a de plus en plus l’impression d’être face à un humanoïde à la peau translucide - un écorché presque - et que l’on peut lire les conflits émotionnels et telluriques qu’il abrite sous son enveloppe, véritable moteur du groupe depuis ses débuts, il y a onze ou douze disques. C’est pour ça qu’on ne peut pas taxer Four Bibles d’album génial et encore moins de ratage complet, le groupe est tout simplement bien trop humain pour cela.
C’est pour ça aussi que tout ce qu’il sort est approximativement (et pour ma part, infiniment) plus intéressant que n’importe quoi d’autre. Voilà qui explique en tout cas cette chronique tardive.
Four Bibles, c’est d’abord une poignée de morceaux grande classe où le spleen érode l’arrachage qui égratigne le spleen à son tour dans un va-et-vient ininterrompu : Memory Gore, Confession Bay, It’s A Low ou encore Babes Of The Plague sont autant de petites saletés qui ne paient pas de mine de prime abord mais finissent par révéler leur potentiel hautement addictif sans qu’on n’y prenne garde. D’autant plus que la production massive fait briller leurs chromes de mille feux. Personnellement, je préfèrerai toujours le Hey Colossus un peu dégueulasse, recouvert de rouille et de boue amère, cherchant une mise au point approximative où le flou est aussi important que la netteté mais force est de constater que ces morceaux - au cordeau et bien peignés désormais - sont tout simplement imparables. Peut-être pas autant que le fabuleux Carcass - l’indépassable sommet planqué en fin de face A que le groupe va d’ailleurs bientôt sortir en single accompagné d’un tellurique inédit - mais il s’avère très difficile de ne pas succomber à leur écoute.
Four Bibles, ce sont aussi les onze minutes de The Golden Bough qui ouvre la face B. Un morceau tout mou, légèrement invertébré au regard de ce qui l’entoure, mais qui lui aussi finit par se frayer un chemin vers l’encéphale pour y déverser des endorphines à grande eau. Pourtant, fondamentalement triste et mal foutu, rien ne le prédestine à faire naître autre chose qu’un ennui renfrogné chez l’auditeur mais dans mon cas, c’est tout l’inverse qui se produit.
Four Bibles, ce sont enfin Palm Hex/Arndale Chins et le titre éponyme, deux trucs un peu anecdotiques qui peinent à s’imposer mais dont le disque ne pourrait se passer. Le premier permet au groupe de recouvrer tous ses muscles après avoir joué au mollusque sur The Golden Bough, le second (curieusement amputé de sa nuée de larsens sur le vinyle) emmène lentement (et brusquement sur vinyle donc) Four Bibles vers le silence définitif.
À la première écoute, j’ai détesté ce disque mais je sais bien qu’au final, il reviendra souvent sur la platine. C’est vrai qu’Hey Colossus a changé et qu’il touche aujourd’hui au dernier élément qu’il n’avait pas encore touché et faisait jusqu’ici le lien entre tous ses albums - le son crade, le gros grain - mais il reste néanmoins ce qu’il a toujours été : un grand groupe.
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