Romain Humeau - Mousquetaire #1
Nous pourrions rejoindre le troupeau et railler Romain Humeau avant même d’avoir écouté ce qu’il avait à dire. Nous pourrions également gagner la foule (monstre ?) et le dépeindre comme un énième ersatz de Bertrand Cantat, à la manière d’un Thomas Boulard (Luke) . Ecoutons d’abord Mousquetaire #1, troisième effort solitaire du natif d’Aix-en-Provence.
1. Struggle Inside
2. Marjane
3. Amour
4. Paris
5. Saragosse
6. Futures
7. Tensional
8. Politkovskaïa
9. Collateral
10. No One Wins
11. Velours de gosse
12. Ce soir les gens
13. Something I Can’t Touch
Auteur en 2005 d’un premier disque intitulé L’Eternité De L’Instant dont nous disions le plus grand bien dans le cadre de l’Overd00s, Romain Humeau avait entretemps repris les affaires courantes avec la formation Eiffel dont il est à la fois le leader et l’âme, proposant en 2007 Tandoori avant d’enchaîner deux ans plus tard sur le sommet A Tout Moment puis avec Foule Monstre en 2012. Il semblerait que l’hyperactif ait depuis mis en sommeil l’activité du combo pour se recentrer sur sa carrière en solo.
Le déroutant mais abouti concept Vendredi ou les Limbes du Pacifique est ainsi paru l’an dernier, suivi donc de ce Mousquetaire #1 qui confirme une chose : Romain Humeau n’est pas seulement habile lorsqu’il crache sa haine à la gueule du patronat. Non, les clichés ont beau avoir la vie dure, c’est avec une certaine délicatesse que l’on retrouve ici l’artiste dès les premières notes d’un Struggle Inside qui nous laisse d’abord craindre quelques dégoulinements avant de s’avérer efficace dès lors que le ton se durcit et que la rythmique s’emballe.
A vrai dire, c’est l’histoire de ce Mousquetaire #1. Romain Humeau n’y évolue pas dans le registre attendu par ceux qui aiment tant confronter leur opinion aux clichés. Le Français sait se faire délicat, mais il refuse d’être branché sur un courant unilatéral. Les délicats accords de Marjane ou du sommet Paris, pour ne citer qu’eux, se voient rapidement greffés d’un chant plus dynamique ou d’une irruption électrique quelconque. L’apport d’Estelle Humeau, femme de, aux claviers pourrait paraître anecdotique au premier abord, mais constitue une véritable plus-value dès lors que les mélodies s’installent.
Electricité, magnétisme, attrait pour le contrepoint, Romain Humeau sait charmer l’auditeur. Il parvient à contenir cette tendance à la « déclamation » pour se concentrer sur un chant impeccable. Car on a ici affaire à un artiste complet, et ce disque respire l’authenticité. Chacune des pièces respire la sincérité et est suffisamment solide pour justifier sa place sur cet enregistrement résolument pop, comme le précise l’ancien membre d’Oobik & The Pucks : « j’ai jeté beaucoup de compositions dans ma vie mais, sur cet album, j’ai souhaité retrouver ma pulsion mélodique enfantine ».
Le vendredi 4 novembre, à l’Ubu de Rennes, à l’occasion de la première date de la tournée, Romain Humeau a pu donner un aperçu de la fougue et de la verve qui l’habitent encore aussi bien sur disque qu’en live. Sans complaisance, mais (parfois) avec le sourire, l’index (à défaut du poing) souvent levé, quelques grimaces et mimiques de circonstance et avec une énergie débordante, l’artiste a pu communiquer avec un public conquis d’entrée (mais peut-être davantage encore à la sortie), jouant une bonne partie des titres de ce nouvel opus en rodage, si bien que trois titres (dont Paris et Collatéral) seront victimes d’un « faux-départ » imputable à un batteur pas blâmé par ses collègues pour le coup.
C’est qu’à l’imprévu, Romain Humeau sait comment réagir. Il utilise l’ironie. Nous gratifiant de vieux morceaux datant de son premier effort solitaire en 2005 (Sans Faire Exprès, L’Eternité De L’Instant) puis d’une reprise de Gorillaz (Last Living Souls), l’artiste a également mis en avant quelques paires d’inédits (notamment un Loveless prometteur) qui se retrouveront sur Mousquetaire #2 « car on arrivera bien à le sortir un jour, ce putain d’album ». Pas d’explication supplémentaire concernant la difficulté de publier ce disque, mais la réflexion semble étonnante puisque celui dont il est question aujourd’hui n’est sorti qu’il y a à peine un mois. Humeau souhaitait-il initialement en faire un double ? Quoi qu’il en soit, dans sa forme définitive, Mousquetaire #1 est suffisamment riche pour nous charmer.
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