Chicken Feed - Inside The Machine
Bien que départie sur Inside The Machine de ses guitares noisy-pop au profit d’influences dub ou trip-hop, la pop électro-acoustique de Chicken Feed plane toujours aussi haut.
1. The Best In Me
2. Everyone
3. Inside The Machine
4. Up Then Down
5. I’m Holding You Closer
6. Are We Falling Over ?
7. Let Go, Don’t
8. Innocence & Decadence
9. All The Cards
10. Shoulders
Sur son premier album Finding Jim , qui nous avait fait découvrir l’été dernier son univers musical bigarré, Michael Boddy aka Chicken Feed offrait un grand bol d’oxygène à la pop anglaise et rouvrait ses perspectives aux quatre vents en convoquant de concert la folk-pop bucolique d’Alfie et les basses de Massive Attack, la synth-pop de Depeche Mode et les guitares métaphysiques de My Bloody Valentine, le psychédélisme électro du Primal Scream des débuts et la folie douce persistant jusque dans dans la veine la plus mélodique du Beta Band, principaux inspirateurs avec Jason Pierce (Spacemen 3, Spiritualized) de ce grand métissage cosmique de lyrisme en apesanteur et de groove mélancolique.
Une mélancolie qui domine sur ce deuxième album, avec notamment cette guitare acoustique devenue prépondérante et dont les arpèges atmosphériques évanescents rappellent par moments une figure décidément essentielle de la folk moderne, Gustavo Santaolalla (cf. l’ouverture instrumentale d’All The Cards, par exemple), les touches de piano qui parsèment l’album ou les choeurs féminins d’ange déchu qui hante le single The Best In Me ou la chanson-titre Inside The Machine. Moins éclaté, plus homogène dans ses sonorités que son prédécesseur, ce nouvel opus est plus sombre aussi (les cordes synthétiques d’Everyone, les claviers d’Are We Falling Over ?), dominé par une ambiance en clair-obscur héritée des influences dub et trip-hop de Mike Boddy, qui s’exprimaient déjà du temps de son groupe Delilah’s Gold, descendant folk-rock de Portishead transcendé par la voix envoûtante et étonnamment mimétique de Natalie Valentine dont Mike produit également les efforts en solo (un morceau de Delilah’s Gold et un autre de Natalie sont en écoute sur la page myspace du label de Mike, Blue Eye Records).
Plus insidieux, moins évident que Finding Jim , ce deuxième opus nécessite aussi davantage de temps pour imposer ses mélodies sinueuses, forcément moins accrocheuses au premier abord mais dont la profonde beauté se révèle au fil des écoutes à l’image de cette production électro-acoustique idéale, à la fois organique et métaphysique, où chaque détail de programmation, aussi discret soit-il, s’avère aussi indispensable qu’une grain à l’édifice d’un fragile château de sable mouvant. Un travail d’orfèvre qui vient nous rappeler que Mike Boddy est également un professionnel du son de plus en plus recherché, producteur ou ingénieur pour Jarvis Cocker (dont le chant l’a visiblement influencé pour ce nouvel album), Roxy Music, Billy Bragg ou The Fall.
Approfondissant le travail d’hybridation esquissé avec Finding Jim , le londonien parvient ainsi à se forger une identité propre dans le non identifié, quelque part entre folk, ambient, pop, électronica et "Bristol Sound". Un univers à part et pourtant immédiatement identifiable par ses références sonores (parmi lesquels le Massive Attack de Mezzanine , influence capitale ici) et ses thèmes récurrents, la perte d’un amour vécu comme celle d’une partie de soi-même (I’m Holding You Closer et sa nostalgie lumineuse), le tiraillement entre persévérance et abandon (l’abyssal Up Then Down ; le purgatoire de Let Go, Don’t, à rapprocher d’Autechre), la déchéance (Are We Falling Over ?, dont les bidouillages jazzy d’ouverture rappellent la bande originale de Taxi Driver signée Bernard Herrmann ; Innocence & Decadence), l’espoir rédempteur, et qui sait se faire le reflet de notre propre spleen et de nos peines intimes comme de notre envie profonde de continuer à exister et à aimer malgré tout (la superbe conclusion ouverte de Shoulders).
Mike Boddy s’impose donc avec cette nouvelle réussite, résultat d’une fusion aussi singulière qu’universelle et abordable, mais qui trouverait parfaitement sa place sur l’exigeant label Warp tant le sillon passionnant creusé par Chicken Feed avec Inside The Machine s’est radicalement mis hors de portée des comparaisons faciles, et définitivement éloigné des sentiers battus de la pop.
The Best In Me et Inside The Machine sont en écoute sur myspace, ainsi que le superbe Junior, face-B instrumentale du single The Best In Me . Pour commander l’album, rendez-vous sur le site officiel de Chicken Feed.
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