Après le regain d’électricité de Neigh​ !​ !, c’est l’heure du retour aux sources pour Bent Sæther et Hans Magnus Ryan, toujours en petit comité sur ce double album éponyme qui ne s’intitule pas Motorpsycho pour rien. Alternant entre deux batteurs (Ingvald André Vassbø de Kanaan et Sex Magick Wizards, et Olaf Olsen de Frøkedal qui les accompagne sur scène depuis le départ de Tomas Järmyr), la paire norvégienne aux plus de 35 ans de carrière renoue en effet ici avec le psychédélisme heavy épique et long format auquel le projet est naturellement associé... et pourtant... Comme rien n’est jamais gravé dans le marbre avec les natifs de Trondheim et anciens pensionnaires de Rune Grammofon, capables de passer du prog (direction avec laquelle on avoue avoir un peu de mal, cf. encore il y a quelques années The Crucible et Kingdom of Oblivion) à la musique orchestrale ou de la noise à la pop psyché débranchée, les surprises ne manquent pas entre deux échappées guitar-héroïques en flux tendu (Lucifer, Bringer Of Light ou Three Frightened Monkeys), esthétique 70s dont le groupe est l’un des derniers capables à nous faire avaler l’emphase avec une classe intersidérale.

Après tout, Motorpsycho - l’album, c’est aussi le grand retour de Deathprod (Supersilent) à la production, un atout qui laisse des traces aussi bien sur le court interlude onirique piano/mellotron de Kip Satie (hommage évident au compositeur des Gymonpédies) ou l’étrange intro électronique à l’omnichord, presque nintendocore, de Balthazaar, que sur l’étonnant Neotzar (The Second Coming) dont les 21 minutes sautillent allègrement de la chanson post-classique dissonante (avec la compatriote Thea Grant au micro) au pur hard rock à l’ancienne, pour mieux nous prendre à contrepied avec un break ambient acoustique du plus bel effet avant un final au souffle irrésistible de véritable petit orchestre électrique qui voit Sæther, principal vocaliste, songwriter et multi-instrumentiste du disque, empiler avec brio les couches d’arrangements maximalistes - guitares, piano électrique, synthés, mellotron et choeurs notamment. Ajoutez à cela le spleen capiteux du violoneux Laird Of Heimly puis de l’envoûtant Bed Of Roses dans la continuité du diptyque précédent - et en particulier du Big-Star-esque Yay ! de 2023 - et l’évidence d’un très grand cru s’impose rapidement à nos oreilles, qui à vrai dire n’en espéraient pas moins au regard du retour en forme initié par Ancient Astronauts il y a trois ans.