The John Venture + Sole - Ground Zero (Lyon)
le 3/12/2007
The John Venture + Sole - Ground Zero (Lyon)
J’arrive en retard au Ground Zero, un peu inquiet d’avoir manqué le début du set de The John Venture qui si l’on s’en tient au programme devait ouvrir les hostilités de cette soirée placée sous le signe du "hip-hop déviant" cher aux amateurs d’Anticon. C’est d’ailleurs l’un des plus illustres représentants du label californien qui en sera le clou tant attendu, mais pour le moment les portes sont encore fermées, et n’ouvriront finalement qu’un quart d’heure plus tard, aux alentours de 20h30. Car du retard, je ne suis pas le seul à en avoir et les six membres de The John Venture sont encore sur scène pour leur balance, qui n’en est d’ailleurs qu’au tout début puisque le groupe, victime d’un retard indépendant de sa volonté, ne pourra débuter son set qu’aux alentours de 21h30.
En attendant, un petit tour au stand merchandasing s’impose, d’autant que c’est Sole lui-même qui s’en occupe au moment où je pénètre dans la petite salle. Il cède bientôt sa place à John Wagner, batteur de Skyrider, le groupe qui l’accompagne sur son dernier album et partagera logiquement la scène avec lui quelques trois heures plus tard. J’achète donc trois galettes signées Sole sous pochettes cartonnées, quasi-introuvables en dehors des concerts de leur auteur, ravi de pouvoir empocher le lot pour à peine 15 euros sans avoir à passer par la case frais de port du label Anticon (lequel d’ailleurs ne les propose sans doute pas tous sur son site officiel). Et si Songs That Went Tin , compilation d’inédits sortie en 2005, s’avèrera quelque peu décevant par rapport à la moyenne il est vraie assez exceptionnellement élevée des productions du meilleur musicien américain en activité, le EP Exhile sorti en début d’année et surtout l’album Desert Eagle Vol. 1 , dont je ne sais toujours rien à l’heure actuelle si ce n’est qu’il a été enregistré à la maison par Sole avec l’aide de sa femme Yasamin aux claviers et aux backing vocals, auraient valu à eux seuls le déplacement au Ground Zero, sans même parler du concert qui va suivre.
Au retour de Sole, qui me rend lui-même la monnaie sur 20 euros, j’ose enfin l’aborder pour lui demander avec l’aide précieuse de ma fiancée qui saura comme toujours pallier aux faiblesses de mon piètre niveau en anglais oral, le privilège d’une interview par e-mail, ce qu’il acceptera avec plaisir. Après un échange d’adresses virtuelles en bonne et dûe forme, je m’en vais donc assister à la balance de The John Venture, au terme de laquelle je pourrai enfin saluer en chair et en os deux des membres du groupe et leur annoncer officiellement leur passage dix jours plus tard en 13ème position du calendrier du désormais fameux Fresh & French Tour d’Indie Rock Mag, une nouvelle accueillie avec enthousiasme par Jan et VJ Raize. Ils m’avoueront de leur côté regretter de ne pas avoir eu suffisamment de temps à leur arrivée pour organiser un duo avec Sole, véritable idole à leurs yeux qu’ils n’auront finalement fait que croiser ce soir. Le coeur y était, mais les circonstances en auront voulu autrement, et après la fin du set de The John Venture, Fabb, chanteur et pianiste du groupe, ne manquera pas de témoigner à Sole toute son admiraton en lui offrant un exemplaire de leur album.
Malgré cette légère déception pour moi qui espérais tant voir cette rencontre si souvent fantasmée se concrétiser de la même manière qu’avec Jel à la Flèche d’Or en octobre 2006, performance à laquelle je n’avais malheureusement pu assister que par vidéos interposées, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes lorsque le groupe au grand complet commence finalement à jouer, entamant son set par un Names atmosphérique et cinématique à souhait. Toutefois, cette euphorie de début de concert ne durera guère puisqu’entre deux morceaux, Mickaël, chanteur-guitariste du groupe et leader d’Angil, annonce de but en blanc qu’il s’agit du dernier donné par The John Venture, et remercie le public de l’accueil qu’il a su apporter à cet éphémère cross-over entre Angil et B R OAD WAY. En fan absolu de l’album éponyme du groupe paru fin 2006 et n’ayant jusqu’alors entendu aucun bruit qui aurait pu laisser prévoir la fin si rapide de cette passionnante aventure mélangeuse, j’encaisse le coup avec étonnement et un peu de tristesse, tandis que ses talentueux acteurs, visiblement un peu fatigués mais on les comprend en cette fin de tournée, enchaînent avec une ferveur intacte toutes ces pépites - déjà presque des classiques à mes yeux - que je suis néanmoins profondément heureux de découvrir sur scène et dont la mélancolie s’accorde parfaitement avec le tour qu’a soudain pris le concert, transformé en soirée d’adieu.
Des rimes vénéneuses de Night Shift Day Shift aux micro-tourbillons de cordes synthétiques d’Approximate Turnover Company en passant par la pop décadrée de Coin-Operated, l’urgence hantée de Stein Waltz et le tic-tac fuyant d’Imaginary Physical Ailments, les morceaux en live, dans une ambiance transcendée par les images des vidéos du groupe triturées en direct par VZ Raize et projetées en fond de scène, font honneur à leurs versions studio et l’unique reproche que l’on pourra leur faire ce soir sera peut-être justement de ne pas être assez sortis du cadre, d’avoir délaissé l’improvisation qui peut-être aurait pu leur donner encore plus d’ampleur en concert qu’ils n’en avaient déjà sur album. Mais entre le charisme de Fabb et Mickaël en rappeurs toujours improvisés malgré le temps, et le talent discret dont font preuve Jan aux machines, Gio aux effets et Flav aux percussions, le charme opère néanmoins comme je m’y attendais et c’est donc avec un peu de regret que je vois le groupe s’en aller après seulement six morceaux. Toutefois ils ne se feront guère attendre pour le traditionnel rappel, et même si l’on n’aura droit cette fois qu’à un unique morceau supplémentaire, le groupe ayant dû occulter, sans doute du fait de l’heure déjà bien avancée, l’évanescent Egg Music et le fantastique Old Europe (choisi justement par leurs soins pour figurer au programme du Fresh & French Tour), ce morceau vaudra bien tous les autres. Car c’est de "la mort du John" qu’il s’agit, comme l’annonce Mickaël, la gorge un peu serrée, et c’est sur la mélancolie de What Extra Mile et un final qui verra Mickaël, Jan et Fabb rassemblés autour du clavier, comme en recueillement sur chacune des notes égrénées dans ces derniers instants de passion collective, que se termine l’ultime concert de ce groupe hors-normes redevenu dès lors deux entités aux univers distincts.
Mais si VJ Raize, tout en rangeant son matériel une fois les lumières rallumées, me confirme effectivement le retour d’Angil et de B R OAD WAY à leurs occupations respectives, il m’avouera également qu’il s’agissait avant tout pour eux de ne surtout pas se répéter en renouvelant l’expérience trop hâtivement, ce qui ne veut pas dire qu’il ne sera plus question de projets communs à l’avenir... Et de me murmurer dans la foulée le nom de Deschannel, projet solo du stéphanois Anthony Goncalves dont nous parle également Mickaël dans l’interview donnée tout récemment par The John Venture pour le Fresh & French Tour, et qui devrait très bientôt faire parler de lui, avant de créer l’évènement au côté d’Angil pour une collaboration inédite... et peut-être même davantage encore. On n’en saura pas plus pour l’instant, mais ces bribes d’informations suffiront à me donner le sourire pour le reste de la soirée.
Et pourtant il me faudra tout de même quelques efforts pour le garder, ce sourire, car une demi-heure plus tard, Rature entre en scène à la surprise générale, alors que tout le monde attendait logiquement Sole et comptait sur ce duo français de hip-hop minimaliste pour clore la soirée et contenter les amateurs d’afters. Une erreur de programmation évidente si l’on en croit la réaction d’une grande partie de l’auditoire, au mieux déception et agacement de ceux qui espéraient pouvoir rentrer en métro sans rien manquer du set de Sole (une catégorie dont ma fiancée et moi faisions immanquablement partie), car mine de rien il est déjà 22h45 lorsque le duo commence à jouer et le métro lyonnais, dont la station la plus proche se situe à environ dix minutes à pied du Ground Zero, ferme ses portes aux alentours de minuit. Une réaction bientôt amplifiée par la performance de Rature, dont les quelques morceaux potentiellement efficaces sont sabordés par l’attitude clairement jemenfoutiste d’un groupe qui se veut punk et prend plaisir à faire traîner ses morceaux en longueur dans de pseudo-improvisations sans queue ni tête, entre deux lourdes assertions anti-sarkoziennes (Sole rattrapera le coup plus tard en se souvenant avec une amertume teintée d’ironie du pays de la liberté et de la fraternité qu’était encore à peu de chose près le nôtre lors de sa dernière venue il y a deux ans). Si certains semblent apprécier et s’agitent devant la scène au rythme de la batterie, du clavier saturé (assuré de la main gauche par le batteur, une sacrée performance en soi) et des rimes en yaourt du chanteur (car non, les paroles elles-même n’en sont pas chez les bien-nommés Rature), d’autres sortent et vont prendre l’air sous la bruine naissante, ce que je ne résisterai à pas à l’envie de faire une fois mis en boîte les quelques clichés nécessaires à l’illustration du présent compte-rendu.
Quand j’entre à nouveau dans la salle un quart d’heure plus tard, Skyrider est en train d’installer son matériel et j’ai réussi dans l’intervalle à trouver un chauffeur compatissant pour nous rapprocher de notre destination un peu trop éloignée pour les piétons contraints et forcés que nous étions devenus bien malgré nous. Celui-ci nous fera goûter deux heures plus tard dans la voiture en compagnie de deux autres chanceux auto-stoppeurs à la musique plutôt alléchante d’un rappeur japonais officiant sous le nom de Tha Blue Herb, découvert à domicile lors d’un voyage, mais en attendant nous retournons nous installer sur le banc du balcon où nous avions déjà passé le plus clair du set de Rature, pour attendre l’entrée en scène du génial Tim Holland, aka Sole et Mansbestfriend.
Une attente qui sera de courte durée car moins d’une quart d’heure plus tard, Bud Berning, William Ryan Fritch et John Wagner investissent la scène et prennent place derrière leurs machines et leurs instruments, suivis de près par Sole alors que résonnent déjà les premiers accords de A Sad Day For Investors, morceau d’ouverture de leur album commun Sole & The Skyrider Band . Un morceau saturé plus que de raison, et il en faudra encore un ou deux supplémentaires au groupe pour parvenir à régler le problème avec l’aide des techniciens du Ground Zero. Toutefois, le concert n’en pâtira guère puisque le ton en a été donné dès le début : il ne sera pas question de récréer ici en profondeur les ambiances complexes de l’album, mais bel et bien de les faire exploser sous les assauts d’un rock urgent, puissant et fiévreux, parfait écrin pour les rimes vindicatives et le flow-mitraillette de Sole, qui en profite pour déverser son trop-plein de rage et de colère avec une intensité dont sa drum machine fera également les frais. John Wagner lui aussi s’en donne à coeur-joir derrière ses fûts qu’il frappe sans relâche mais avec une précison intacte, tandis que Bud Berning triture ses machines avec une concentration parfaitement maîtrisée. Mais c’est finalement William Ryan Fritch qui m’étonnera le plus. Car si je m’attendais au vu de l’album à un tel talent d’instrumentiste, aussi bien à la guitare qu’au violon ou encore au clavier (Bud Berning n’étant pas en reste avec notamment son mélodica), je ne m’imaginais pas une seule seconde en revanche qu’il serait détenu par ce grand blondinet effilé à la bouille d’adolescent, dont je me demande toujours s’il a ou non plus de vingt ans.
Débuté aux alentours de minuit, le concert durera tout de même près d’une heure et demie, enchaînant dans le désordre l’intégralité des morceaux de l’album, qui restera pour moi comme l’un des tout meilleurs de cette année 2007. Les fans seront également aux anges en redécouvrant des classiques tels que Da Baddest Poet ou Tokyo (tous deux issus de Selling Live Water ), à tel point transformés par la densité et la puissance instrumentale du groupe qu’il me reste toujours à l’heure actuelle deux morceaux à identifier, moi qui pensais pourtant connaître la discographie de l’américain sur le bout des doigts... Avis donc aux lecteurs présents ce soir-là, n’hésitez pas à m’envoyer un mail si vous avez fait mieux, de mon côté je m’en retourne écouter Bottle Of Humans et l’indépassable Live From Rome , des fois que la mémoire me reviendrait...
Setlist The John Venture :
1. Names
2. Night Shift Day Shift
3. Coin-Operated
4. Stein Waltz
5. Imaginary Physical Ailments
6. Approximate Turnover Company
Rappel :
7. What Extra Mile
Setlist Sole & The Skyrider Band :
1. A Sad Day For Investors
2. The Shipwreckers
3. Ghost, Assassinating Other Ghosts
4. The Bridges, Let Us Down
5. Nothing Is Free
6. A Hundred Light Years And Running
7. Da Baddest Poet
8. Magnum
9. Sound Of Head On Concrete
10. The Bones Of My Pets
11. ?
12. In Paradise
13. One Egg Short Of The Omelette
14. On Cavalry
15. ?
Rappel :
16. Tokyo
17. Stupid Things Implode On Themselves
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