The John Venture : un-fucking-believable !
Il y a tout juste un an, nous rencontrions une petite moitié de The John Venture, fusion entre Angil et B R OAD WAY dont le premier album éponyme, entre l’inspiration "hip-folk" des premiers et l’électronica hantée chère aux seconds, venait de sortir et allait marquer la fin d’année 2006, voire même bien davantage. A l’occasion de notre dossier consacré au label Anticon, laissons donc Fabb (chant, piano), Jan (machines, programmations, piano) et VJ Raize (vidéo), tous trois membres de B R OAD WAY, nous parler avec passion de l’influence qu’a eu le label californien sur la naissance et le parcours d’équilibriste de leur groupe, unique en son genre dans le paysage français. L’aventure c’est la Venture.
Dans The John Venture, qui fait quoi ?
VJ Raize : Je fais les images au sein du groupe, je fais partie à la base du groupe B R OAD WAY, The John Venture étant une fusion de deux groupes, Angil et B R OAD WAY. Donc je suis le VJ de B R OAD WAY.
Jan : Je m’occupe des machines, tout ce qui est beats, laptop, effets en général, et piano.
Fabb : Je m’occupe de tout ce qui est vocal dans B R OAD WAY, et dans John Venture je me suis collé aux voix avec Mickaël (de Angil), et puis un peu de piano et un peu de guitare aussi.
Abordez-vous différemment écriture et composition de Angil et B R OAD WAY à The John Venture ?
Fabb : En fait on va dire que ça n’a absolument rien à voir, enfin pratiquement rien à voir. Donc moi je peux parler de B R OAD WAY, parce que je ne suis pas dans Angil, mais avec B R OAD WAY on fonctionne de façon vachement instinctive c’est un truc où chacun amène son petit grain de sel petit à petit et puis on n’hésite à pas trancher dans le lard très vite, et à se dire franchement, très vite, si on n’aime ou on m’aime pas. On tombe rapidement d’accord sur une ligne directive, et les morceaux naissent assez vite en principe. Angil je sais que c’est surtout Mickaël qui amène une base assez complète à ses musiciens, qui sont les Hiddentracks.
Donc par rapport à John Venture, car c’était la question, on s’est mis des contraintes volontairement. On avait envie de travailler ensemble, c’était une évidence qui nous trottait dans la tête depuis pas mal de mois en fait. On s’est rencontré pendant une semaine pas loin de Saint-Etienne, on avait fait une résidence dans un lieu de répétition et de spectacles, ça avait donné lieu à un concert où Angil avait joué au premier étage et B R OAD WAY au rez-de-chaussée, et pendant que le concert d’Angil se déroulait en haut, B R OAD WAY réceptionnait en bas les voix, les guitares, les percussions, les cuivres, les images puisqu’on avait mis des caméras évidemment car dans B R OAD WAY la vidéo est un des paramètres essentiels, et on recréait donc avec B R OAD WAY au rez-de-chaussée d’autres morceaux avec ce que nous envoyait Angil en direct. Pour parler franchement c’était vraiment casse-gueule parce qu’il y avait une chance sur cent pour que ça fonctionne vraiment. On a pu se rencontrer pendant une semaine pour mettre deux-trois petites choses au point, mais malgré tout un concert ça reste un truc où l’aléatoire est roi donc après voilà, c’est super difficile de garantir aux gens que ça va marcher. En plus on a non seulement fait ça, mais aussi donné aux gens la possibilité de se balader d’un étage à l’autre pour qu’ils se rendent compte de ce qui se passe, des univers des deux groupes, etc. Donc c’était une vraie mise en danger, qui au final, d’ailleurs je pense que tout le monde sera d’accord avec moi, nous a tous rendus très contents, car tout a super bien fonctionné, le public a joué le jeu de se balader entre les deux trucs, on a eu des super retours, les gens ont vraiment voyagé, ont vraiment été déconnectés, et au final, de là est partie l’idée de bosser plus profondément avec les Angil. Et puis en plus il faut dire qu’humainement pendant cette semaine on a vraiment hyper bien connecté, notamment avec Tom qui était au trombone ce soir [au concert du 10 octobre 2006 au Divan du Monde, ndlr], Flavien aux platines et Mickaël donc le chanteur, guitariste et pianiste de Angil. Donc après c’est ça qui a donné l’idée "tiens, et si on s’enfermait quelques jours, on ne prépare rien et on voit ce que ça donne". On mélange les groupes, on prend les musiciens, on les met dans un shaker, on mélange tout, on branche tout, on pré-enregistre et on fait les morceaux. Et voilà, en janvier dernier pendant dix-huit jours on s’est enfermé dans un local, et on est parti sur une idée de pousser le truc encore plus loin en disant : tous les jours ou tous les deux jours, on enregistre un morceau, qu’on finit et sur lequel on ne revient plus, et puis on avance, on avance, on avance. On a fait ça et ça c’est passé super bien, le tout entrecoupé de super bonne bouffes parce c’est hyper important pour nous. Résultat, on va dire que ça en a surpris plus d’un, on ne pensait pas que ça marcherait à ce point-là, que ça collerait à ce point-là, que ça fusionnerait comme ça, que les gens prendraient leur place aussi facilement, et on s’est retrouvé avec neuf titres. Très vite on s’est dit que ça avait l’air assez hallucinant car on se retrouvait avec quelque chose de vachement éclectique mais en même temps avec une espèce de cohérence, comme on m’a dit tout à l’heure : un bordel organisé, et c’est un petit peu ça. Pour nous ça nous a fait l’effet d’avoir vraiment réussi à faire un truc en très peu de temps. Et résultat, on est arrivé avec ces neuf titres, on les a réécoutés avec du recul, et on s’est dit que non on n’avait pas rêvé, que c’était vraiment un truc intéressant, et après le processus est allé super vite. Le label de Angil a décidé de nous aider à le sortir via le distributeur ’La Baleine’, il y a un tourneur qui bosse pour la boîte ’L’Entreprise’ à Toulouse, qui s’est tout de suite intéressé au projet et grâce auquel on a pu jouer à La Cartonnerie à Reims, un lieu hallucinant au niveau de la programmation, au niveau de l’équipe, de tout, ce sont des gens incroyables, et là on a quelques dates super sympas, dont celle de ce soir, d’autres à venir à Saint-Etienne, à Vendôme aux Rockomotives, et de nouveau le 29 octobre à Paris à La Flèche d’Or.
Ecoutez-vous beaucoup de musique ? Et si oui essayez-vous d’oublier cette inévitable forme d’influence lorsque vous écrivez, composez et enregistrez, ou au contraire la revendiquez-vous ?
Jan : Alors oui, effectivement, on est très boulimiques de musique. Après je ne peux pas répondre pour tout le monde, car on fonctionne assez différemment part rapport à ça, mais pour ma part, je le revendique vraiment, car par exemple sur le projet John Venture, c’est vraiment une période où je suis retombé dans Devo, groupe de fin 70, début 80, et du coup forcément il y a plein de samples de Devo qui se retrouvent à l’intérieur. Après il fallait faire le tri dans tout ça, on ne refait pas du Devo. Et tout le monde fonctionne assez différemment par rapport à ça, Mickaël est pareil, très boulimique, Fabb un peu moins, avec par contre des influences très fortes, dont il se détache aussi, donc voilà c’est assez différent selon les personnes.
Quel est votre réaction si l’on vous qualifie de groupe hip-hop ?
Jan : Hip-hop, c’est assez général en fait, mais du coup pourquoi pas, vraiment pourquoi pas, parce que justement on est très influencé par la scène Anticon, ou la scène new-yorkaise avec Def Jux. Anticon qui justement revisitent le hip-pop, où c’est tous des gens qui viennent de ça à la base, et qui mélangent. Des gens comme Why ?, ou des gens comme Subtitle, même s’il ne fait pas partie d’Anticon mais c’est pareil, ce sont des gens qui cherchent ailleurs en tout cas et qui viennent de cette base-là.
VJ Raize : Elle est vraiment revendiquée dans John Venture, cette influence. Il y a quelques morceaux qui sont très très hip-hop, mais hip-hop déviant, mélangé à de la pop, de l’expérimental, avec tout ça réussi... mais oui effectivement il y a cette base hip-hop, il y a des chants comme dans Stein Waltz, c’est du hip-hop, mais déviant.
Jan : Oui voilà, c’est vraiment par rapport aux textes, c’est pour ça que je vais laisser parler Fabb là-dessus, mais c’est juste pouvoir poser une instru et après tout est libre, on peut arriver à en faire un morceau hip-hop avec un refrain pop, et voilà.
Fabb : C’est vrai que pour John Venture, au niveau de l’écriture des textes, on a travaillé à la fois sur du sens, mais surtout on a commencé par bosser sur de la graphie, sur des lettres, des sons, des mots qui commencent tous par la même lettre ou par la même syllabe, ou qui ont tous le même nombre de syllabes, ou qui ont le même accent tonique, enfin on a beaucoup bossé sur la musicalité, la graphie, le son des mots, avant de bosser sur le sens. Et après avoir posé pas mal de matière dans un carnet, on s’est intéressé à regrouper ce qu’on avait écrit pour que ça donne un sens intéressant, et donc à des moments, tu as envie de te lâcher un peu, tu as envie de pousser le rythme de ton phrasé plus loin, plus loin, plus loin, et donc il y a un des morceaux de l’album qui s’appelle Stein Waltz, où ça tchatche à cent à l’heure et ça peut être considéré à la fois comme du hip-hop et peut-être aussi juste comme de la pop, je ne sais pas. Il y a un côté où la rapidité du texte fait que c’est un peu rentre-dedans comme ça, mais c’est surtout d’abord à la base un travail sur la diction, le mot, le son, ça reste un travail sur le son, quoi.
Quel groupe "obscur" aimeriez-vous voir connu et reconnu de tous ?
Fabb : C’est pas un groupe, c’est un artiste, et sans hésiter je te dis Fog. Il était sur Ninja Tune et maintenant il est sur Lex [Lex Records, ancienne filiale du label anglais Warp, ndlr], et il a ses musiciens. Personnellement, et je parle pour la plupart des membres du groupe, enfin en tout cas pour moi ça a été un des principaux virages musicaux dans ma vie ces dernières années.
VJ Raize : Fog c’est le mec qui est capable de te faire péter de la poésie en mâchouillant un chewing-gum et en faisant un rythme de batterie. Et ça c’est un truc que tu ne peux absolument pas expliquer, tu te contentes d’écouter, et là tu prends une espèce de tarte qui vient de nulle part et tu te dis : c’est pas possible, quoi. Le mec est en train de mâchouiller un chewing-gum, il te fait un beat avec, il est en train de tchatcher dessus, en plus et c’est ça qui est hallucinant, il a une voix vachement fragile, on n’est pas dans une espèce de grosse voix où quelque part tout est posé, c’est tout épais, c’est tout clair, non au contraire c’est fragile, je ne vais pas dire que c’est faux mais des fois quand-même c’est un peu limite, et en même temps cette fragilité possède une espèce de poésie. Ce mec après on s’est intéressé à son histoire, et ensuite on l’a rencontré, on était comme des dingues. Il a eu une maladie grave quand il était jeune, une pneumonie, et je ne sais pas si tout est lié, mais en tout cas ce mec-là a une espèce de sensibilité, une fragilité, je ne veux pas dire qu’humainement c’est le mec le plus parfait, on ne le connaît pas, mais musicalement il mérite d’être beaucoup plus connu que ça, parce qu’il nous a mis une putain de tarte... il le mérite, quoi.
Jan : Je voulais juste ajouter d’ailleurs que ce projet n’aurait jamais existé si justement il n’y avait pas eu ce type-là, parce qu’en fait on a découvert Hymie’s Basement, qui est la relation de Fog avec Why ? du label Anticon dont on parlait tout à l’heure, et du coup ces deux types se sont rencontrés et ont fait un album avec la contrainte d’un morceau par jour dans la cave d’un disquaire. Et cet album du coup nous a vraiment marqués et Angil aussi, étant donné qu’on a relativement les mêmes influences, et à la base c’est vraiment parti de ça, on s’est vraiment dit "pourquoi on ne ferait pas notre Hymie’s Basement à nous", quoi.
Plutôt cLOUDDEAD, Subtle ou Why ? ?
Jan : C’est une très très bonne question, mais définitivement cLOUDDEAD.
VJ Raize : cLOUDDEAD avec Why ? dedans.
Jan : Bah oui mais justement, définitivement cLOUDDEAD, parce que voilà ça regroupe tout ça, c’est pareil. C’est d’ailleurs pour ça qu’on adore ce label, parce que ce sont des rencontres, c’est un label avec plein de groupes à l’intérieur mais qui regroupent souvent les mêmes personnes, avec à la base Odd Nosdam et Sole, et du coup on retrouve à l’intérieur de cLOUDDEAD, Odd Nosdam, Doseone et Why ?. Donc le dernier album de Why ? on est tous super fans, c’est un album qu’on écoute en boucle. Et cLOUDDEAD je trouve que ça résume tout à fait le truc parce que le premier album est très instrumental, très électro, beaucoup de claviers analogiques mais pas beaucoup de voix. Le deuxième album qui s’appelle Ten est beaucoup plus pop, et justement on sent que Why ? a beaucoup plus pris part à ça, et puis lui aussi je pense qu’il a vachement évolué dans ce sens-là, et à mon avis, enfin je parle au nom de tout le monde, c’est vraiment un truc dans lequel on se retrouve tous parce que voilà, avec B R OAD WAY on a fait un premier album très instrumental, Angil a fait d’autres choses plus proches de la performance, et on revient tous sous une forme pop/hip-hop, et c’est d’ailleurs pour ça qu’on appelle John Venture "hip-folk-électro" car il faut donner une appellation et du coup ça mélange un peu tout ça, réellement. Donc oui, définitivement cLOUDDEAD.
VJ Raize : De toute façon cette question va être reposée une fois dans le camion, parce que j’aime bien savoir l’avis des autres. Mais sinon je suis d’accord avec lui.
Fabb : Ouais moi aussi. Mais après ils sont tellement riches les uns par rapport aux autres, qu’évidemment là il faut choisir ce que untel ou untel représente, mais après ils sont tous énormes. Mais c’est vrai que cLOUDDEAD regroupe le reste.
Jan : Sinon Subtle sont chez Lex Records, ils ont faits d’excellents trucs avec Ms. John Soda et tout, mais cLOUDDEAD c’est clair.
Plutôt Animal Collective ou Grizzly Bear ?
Jan : Pas Grizzly Bear en tout cas. Je vais repartir sur un label en te disant que Warp Records pour moi a fait de meilleures choses que Grizzly Bear. Voilà des gens comme Boards Of Canada ou Broadcast, c’est pareil, et c’est encore une fois assez incroyable, ce sont encore des influences où on se retrouve avec Angil, en faisant une musique à la base complètement différente. Voilà, pour moi c’est juste qu’il y a eu de meilleurs trucs que ça, et heureusement qu’il y a la petite filiale qui a priori fait partie de la même famille que Warp, Lex Records, pour nous satisfaire.
Ces artistes sont-ils une influence consciente pour The John Venture ?
Jan : On va encore dire oui, définitivement. Ouais c’est sûr, c’est vraiment des labels comme Anticon, Lex, Warp, qui nous font découvrir des choses, et vraiment ’big up’ pour ces labels qui justement ont le courage de sortir des artistes assez différents. Maintenant c’est clair, Anticon qui sort un album de Why ?, c’est sûr que c’est une influence première. Quand on vient ici de tout façon c’est ce qu’on écoute dans le camion, après on passe juste d’Anticon à Lex, ou à ce genre de trucs, on écoute Why ? ou sinon un vieux Beatles, ou des groupes des années 70, des années 60 comme Silver Apples, des gens comme ça, mais c’est vrai que pour nous le renouveau musical c’est sûr qu’il se passe là-dedans, donc ton interview est hyper bien ciblée.
Question malheureusement coutumière, que pensez-vous de la loi DADVSI ? Le téléchargement "illégal" : plutôt un outrage aux artistes ou un bon moyen de les promouvoir ?
VJ Raize : C’est une bonne question et c’est toujours un peu délicat de parler de tout ça, mais il se trouve qu’au final avec B R OAD WAY et plein d’autres, on a monté une plate-forme de distribution alternative qui s’appelle cd1d.com, et en fait ça répond à cette question où au final télécharger, c’est découvrir, on est les premiers à télécharger pour découvrir plein de trucs, et acheter c’est soutenir, donc voilà on est plus dans cette politique-là, parce que sinon on ne peut absolument plus avancer. Nous on n’est pas dans un major, on est dans un label indépendant, on essaye de tout faire nous-mêmes, on essaye d’exister, de sortir un album, il est difficile de se retrouver dans les FNAC, même en ayant un distributeur, eux aussi ont ces difficultés-là. Donc le téléchargement c’est super bien, c’est un peu comme si tu te retrouvais au début du siècle avec ton cheval etc. et tu dis "alors, la locomotive ou le cheval ?", c’est inévitable en fait, et ce n’est pas un mal, au contraire moi je trouve ça bien, ça permet une espèce de communication qui va partout. En fait c’est comme n’importe quel outil de télécommunication extrême. La télé pour moi c’est un peu la même chose, c’est un putain d’outil, très bien, sauf qu’elle peut être TF1 ou alors elle peut être autre chose, et je préfère autre chose, voilà. Après ce n’est que mon avis.
Je pense que dans l’esprit le téléchargement c’est la même chose. A un moment donné de toute façon la chose est simple, on n’a pas à montrer du doigt, si personne ne joue le jeu, si on rentre dans un espèce d’entonnoir qui débouche sur une extinction de la culture indépendante, elle finira par arriver cette extinction. Les mecs, ou ils arrivent à s’acheter trois salades, trois tomates pour manger, ou ils n’y arrivent pas, et après s’ils n’y arrivent pas, il n’y aura plus de concerts, ce soir je ne sais pas ce que tu auras à écouter, tu auras un truc à écouter mais t’auras peut-être un truc super aseptisé, un truc que tu retrouveras demain à Carrefour, voilà. Donc cette espèce de diversité culturelle, je ne sais pas si tu as des enfants, mais moi j’aimerais bien que le mien ait au moins cette chance-là, ce choix, tu vois. Donc nous on se bat pour ça. Je trouve que télécharger, tout ça, c’est super bien, l’informatique aussi, si l’informatique n’existait pas nous on n’existerait pas non plus aujourd’hui, cet album a été fait parce qu’on a eu un ordinateur, qu’on a bidouillé comme des tarés avec Jan des logiciels en vidéo ou en son, et qu’à un moment donné on a pu s’enfermer dans une petite pièce pour faire du son qui puisse sortir n’importe où dans ce pays, ce qui n’était pas le cas il y a quinze ans. T’étais obligé d’aller dans un studio, ça coûtait je ne sais pas combien, donc aujourd’hui c’est bien. Par contre, c’est comme tout, c’est comme la téloche, ou tu fais du TF1 et ça devient la chute de l’Empire Romain, ou tu fais un autre truc, je ne sais pas, je ne veux pas citer d’exemple, c’est un peu trop facile de citer Arte, c’est un exemple mais il y a Arte et plein d’autres choses autour. Et tu en fais un espèce d’outil de communication ultime, parce qu’éduquer la masse, éduquer les gens, c’est bien, on n’est pas au début du siècle où on était obligé d’aller à l’Eglise pour apprendre le Bien et le Mal, on est là et à un moment donné si on peut avoir d’autres outils sans être spécialement croyant, c’est chouette. Donc le téléchargement : oui, mortel, mais il faut réfléchir à l’acte et à ce qu’on soutient. Voilà, Jan voulait rajouter un truc, mais je voulais dire aussi que c’est important de voter. (rires)
Jan : Non, juste par rapport au téléchargement dit "illégal", le ’peer to peer’, le truc magnifique c’est que c’est la plus grande bibliothèque qui puisse exister. Et ça d’ailleurs, culturellement, tous les labels, tous les groupes dont on a parlé, on n’aurait jamais eu accès à leur musique sans ça parce que justement, l’accès culturel qu’on a pour le moment c’est la télévision, c’est tout ça. Du coup pour découvrir, c’est parfait, parfait, parfait. C’est pour ça que je te parlais de Silver Apples tout à l’heure, c’est un truc qui date de 68, moi je découvre aujourd’hui et voilà mes parents qui ne connaissaient pas, quoi. Si on y a accès aujourd’hui c’est justement par rapport à cet outil, le ’peer to peer’. Il y a un petit truc qui en parle et on n’a pas besoin de craquer vingt euros, juste pour voir ce que ça raconte. Après par contre, quand on tombe sur des labels comme Anticon, sur des gens comme ça qui se bougent à fond pour la culture, et bien effectivement il faut soutenir : voilà un T-shirt, voilà un vinyle si les mecs sortent du vinyle, et en plus ça coûte moins cher qu’à la FNAC d’aller justement sur des sites d’américains, d’aller directement commander le truc chez les mecs qui te font péter ça pour dix dollars, et du coup ça te revient à moins de dix euros, avec les frais de port t’en as pour moins de quinze euros, ça arrive directement chez toi et par contre là ça va directement au label qui fait la démarche de chercher de nouveaux artistes super intéressants. Et voilà, le restant de la thune va à l’artiste que tu as kiffé en écoutant. Après ça n’est absolument pas contre le ’peer to peer’, ça c’est juste comme avant on allait à la bibliothèque, on se déplaçait, on allait prendre des skeuds s’ils étaient disponibles, choisis selon une sélection des bibliothécaires qui quand-même était limitée, avant d’avoir internet j’y allais trois fois par semaine et voilà, maintenant se retrouver avec ça chez soi c’est génial, mais ça reste une bibliothèque quoi, c’est pas la FNAC.
Quel futur imaginez-vous pour The John Venture ? Cela devait-il être une expérience ponctuelle pour les membres d’Angil et B R OAD WAY ? Et si oui qu’en est-il aujourd’hui ?
VJ Raize : Ce qu’on imagine... on imagine tout, enfin on peut commencer par ce qu’on n’imaginait pas. On n’imaginait pas que l’album sorte parce qu’on voulait le garder comme une expérience un peu personnelle, enfin un truc qu’on garde pour nous tu vois, et au final on s’est dit : voilà le résultat et on a envie de le sortir, parce que ce résultat nous a bluffé, parce que t’as toujours envie, et c’est peut-être un peu nombriliste de dire ça mais t’as toujours envie de le faire écouter à d’autres, ne serait-ce que pour échanger ce qu’on est en train d’échanger ce soir, ça c’est la première étape. Après sur scène on s’est dit : c’est pas possible quoi, trop de bordel, trop nombreux, c’est déjà dur de louer un camion, d’avoir un sonorisateur, là il y en a deux tu vois, mais on s’est dit : allez pourquoi pas. Et j’aimerais remercier ce soir des structures comme ’L’Entreprise’ à Toulouse, qui est un tourneur en fait, et le mec c’est un fou : il est là, il écoute trois trucs et il dit "allez on fonce", il appelle trois potes, il nous cale des dates à Paris, à Reims, un fou, quoi. Et puis après voilà tu te dis que ça marche, alors tu continues, avec bien plus de dates, pour essayer de communiquer, c’est-à-dire de faire vivre ce truc-là pour voir un petit peu ce que les gens ressentent. Moi je prends la vie comme un jeu d’échec, je me dis que c’est bien de résonner avec trois coups d’avance, et de se dire que oui, pourquoi pas, pourquoi pas une deuxième expérience. Ce n’est pas un espèce de truc unique, même si ce n’est que personnel et du coup ça n’est pas sûr. Vu qu’on n’est pas dans une major, qu’on ne nous met pas des contraintes de fou, on n’a pas une épée de Damoclès sur la tête, alors dans l’esprit, pourquoi pas. La façon dont je vois la chose, c’est : pourquoi pas dans un an, un an et demi, deux ans, réitérer, et si on a l’impression d’aller au-delà, de le faire exister, on le sors, mais si on a l’impression de ne pas aller au-delà, on se le garde pour nous, pour la famille et voilà, quoi. Je ne sais pas si quelqu’un veut rajouter quelque chose là-dessus mais moi je résonne comme ça en tout cas, au jour le jour, ce projet c’est vraiment au jour le jour. On a nos projets respectifs qu’on n’abandonne pas, Angil sort son album bientôt [Oulipo Saliva, paru le 2 mai dernier, ndlr], nous on est en studio en ce moment, on travaille sur le prochain, donc ces projets-là c’est notre oxygène quoi, ces trucs-là de toute façon, quoi qu’il en soit, c’est nous et on ne les abandonnera pas. Et cet espèce de personnage hybride qu’on a créé, on l’a mis au monde, il est tout seul, il marche, et de temps en temps pourquoi ne pas aller lui tchatcher, tu vois, pourquoi pas...
Propos recueillis au Divan du Monde le 10 octobre 2006. Encore toutes nos excuses au groupe pour le décalage de publication, et encore merci à Fabb, Jan et VJ Raize pour leur disponibilité, leur sympathie et leur passion communicative.
The John Venture sera en concert le 16 octobre à Riorges, le 17 à Paris au Nouveau Casino, le 30 à Annonay et le 3 décembre à Lyon en compagnie de Sole, du label Anticon.
A lire également : notre chronique de The John Venture .
Interviews - 08.10.2007 par
,Non Angil et ses Hiddentracks ne sont pas partis organiser une comédie musicale à New York. Par contre, effectivement, ils ont choisi de tirer en diagonale en s’associant le temps d’un album avec les membres de B R OAD WAY pour créer un fameux The John Venture. L’aventure a donc été menée durant 18 jours en studio, avec à la sortie ni plus ni moins (...)
Alors, finalement, The John Venture, c’est quoi ? Une joint-venture à l’américaine entre Angil et B R OAD WAY ? De l’électro-hip-folk ? Ni Angil ni B R OAD WAY ? Un film noir ? Warp et Anticon en visite en France ? Un peu tout ça ?
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