Angil & B R OAD WAY - The John Venture
Alors, finalement, The John Venture, c’est quoi ? Une joint-venture à l’américaine entre Angil et B R OAD WAY ? De l’électro-hip-folk ? Ni Angil ni B R OAD WAY ? Un film noir ? Warp et Anticon en visite en France ? Un peu tout ça ?
1. Names
2. Coin-Operated
3. Imaginary Physical Ailments
4. Stein Waltz
5. What Extra Mile ?
6. Old Europe
7. Night Shift Day Shift
8. Approximate Turnover Company
9. Egg Music
Et si The John Venture c’était tout simplement un équivalent français inespéré et néanmoins crédible à l’indépassable album de 13&God (on aurait également pu citer Hymie’s Basement, mais le groupe en parle déjà très bien dans l’interview qu’il nous avait accordée en octobre dernier) ? Car comme l’avaient fait The Notwist et Themselves (Jel, Doseone et Dax Pierson du label Anticon) en 2004, deux membres d’Angil (plus deux autres aux arrangements de cuivres) et le quatuor B R OAD WAY, deux groupes aux sensibilités musicales a priori très différentes et pourtant nourris d’influences communes, se sont retrouvés à composer et enregistrer ensemble en un temps record (18 jours contre... 17 pour 13&God) un album qui synthétise le plus naturellement du monde hip-hop, électronica, pop et jazz en un même univers cinématique et impressionniste, ample et entêtant, tour à tour mélancolique, angoissé et lumineux. Mickaël d’Angil et Fabb de B R OAD WAY se partagent le micro, jouant sur les sonorités de l’anglais (ici pas de chant en français, mis à part un featuring de SoulJah’Zz sur Night Shift Day Shift), oscillant entre phrasé hip-hop et chant plus classique, se jouant même de cette frontière ténue que Massive Attack a déjà abolie depuis longtemps.
L’album est proposé avec un DVD contenant un clip pour chaque morceau. Une initiative originale et passionnante, qui permet non seulement à l’auditeur de retrouver les sensations ressenties en concert où ces mêmes vidéos, projetées en fond de scène et triturées par VJ Raize, ajoutent encore à l’hypnotisme de la musique du groupe, mais également de réinterpréter l’album à la lumière de ces petits films expérimentaux dominés par un noir et blanc expressionniste et influencés par le film noir et l’Amérique de la prohibition. Cet univers visuel s’appuie principalement sur des images d’archives des années 30, se servant de cette époque pour livrer un constat sur notre société actuelle. Le groupe garde ainsi une certaine distance et un regard critique, cette même distance avec laquelle les personnages de leurs clips, tout comme nous, spectateurs, regardent le plus souvent les images extérieures de la société au travers de fenêtres, vitres de voitures, lucarnes et qui leur permet de conserver une certaine indépendance par rapport aux évènements pour demeurer des témoins, sans interaction directe avec l’extérieur. Le groupe semble rapprocher notre époque de celle de la prohibition, où la corruption régnait en maître... de là à faire de The John Venture un Incorruptible, il n’y a qu’un pas que l’on peut allègrement franchir au regard de la radicalité toute personnelle de leur démarche.
Sur Names, une lanterne et les notes d’un piano éclairent le monde, tout comme le groupe qui joue le rôle d’un écrivain/journaliste tapant sur sa machine à écrire, témoin de son temps rendant compte de l’état de la société, de sa violence. La musique reflète cette ambiance de film noir psychotique, avec ses réminiscences de cuivres et percus inquiétantes, puis ses touches de guitares et d’électro industrielle qui assombrissent le décor. L’artiste (les musiciens de jazz dans le clip) doit être capable de guider, dénoncer, prendre position tout en laissant la liberté à l’auditeur/spectateur de choisir son camp... A la fin, la cloche semble vouloir réveiller la conscience collective, ou peut-être sonner l’issue imminente d’un destin dont la marche inéluctable était rythmé par le flow de Mickaël et Fabb tout au long du morceau.
Coin-Operated est beaucoup plus direct, avec son piano enlevé, son handclapping et son rap accrocheur. Le temps file au rythme rapide de ce conducteur de locomotive aux gestes mécaniques, qui emmène avec lui des centaines de passagers, défiant les éléments (brouillard, orage), sans jamais dévier de sa route vers un horizon plus clément.
Du piano simple et lumineux qui ouvre Imaginary Physical Ailments naît d’abord la mélancolie, puis la confusion et les tourments à mesure que s’ouvre le morceau aux bidouillages hantés de B R OAD WAY. D’ailleurs les images du clip se floutent, comme les idées, les souvenirs, bons ou mauvais, le font avec le temps, qui semble passer en accéléré au fil du tic-tac d’une horloge devenue folle. Le chant se fait mécanique, comme pour symboliser une vie dominée par la course effrénée du temps, contre laquelle le groupe semble lutter pour garder son passé en mémoire et s’en servir pour mieux avancer, ne pas refaire les mêmes erreurs. Les images semblent d’ailleurs naître de la peinture, comme l’artiste recrée ses souvenirs. A la fin, l’arrivée de cuivres chauds et majestueux crée un contraste fort entre la réalité d’une vie aliénée et l’aspiration de tout homme à la liberté.
Ensuite, Stein Waltz démarre sur des claviers à la John Carpenter rappelant l’univers musical de Sole, sur lesquels s’entrecroisent bientôt électro schizophrénique et beats en décalage dominés par un flow urgent et angoissé. Tandis que dans son pendant visuel inquiétant, qui ressemble à s’y méprendre à celui du 1984 de George Orwell, les personnages se toisent et s’échangent des messages au travers de portes fermées.
What Extra Mile ? fait la part belle à un piano doucement hanté par des dérapages dissonants, tandis que la chaleur de cuivres jazz atmosphériques répond à la vie urbaine qui se déroule à l’écran. Puis le piano se densifie en couches bientôt ensevelies par des nappes de claviers.
La vidéo d’Old Europe laisse entrevoir un chef d’orchestre qui tente de conserver l’harmonie de son groupe. La guitare est acoustique, les percussions cristallines, pour un morceau particulièrement mélodique et lumineux. La mélancolie domine, mais au fur et à mesure viennent se superposer des images de fusillades en provenance de l’Amérique des années 30, auxquelles font bientôt écho des cuivres free et dissonants. Le chant prend le dessus sur le phrasé hip-hop, même si la frontière entre les deux demeure toujours insaisissable. Au travers de ces images et sonorités, l’influence américaine du groupe semble vouloir prendre le dessus sur l’harmonie fragile de cette Europe idéalisée et vieillissante (celle du chef d’orchestre), qui toutefois parvient encore à résister.
Sur Night Shift Day Shift, les paroles sont en grande partie expressionnistes et imagées, en particulier celles de SoulJah’Zz en français, le collectif préférant jouer sur les sonorités et la musicalité des mots. Mickaël et Fabb rappent ainsi sous l’influence évidente de Yoni Wolf (Why ?). Le ton est revendicatif et l’ambiance plutôt sombre : programmations et guitares évoquent à nouveau la marche du destin, appuyés par des cuivres mariachis discrets et une petite touche ska à la guitare.
Puis les notes de piano égrenées et la guitare acoustique répétitive de l’envoûtant Approximate Turnover Company, dont les cordes vibrantes mais discrètes rappellent The Postal Service, renoue avec l’inspiration pop radieuse qui caractérisait Angil à ses débuts et prenait déjà le dessus sur Imaginary Physical Ailments. Puis le morceau gagne en rythme et s’ouvre à des cuivres amples et aux dissonances d’une guitare électrique, tout en demeurant toujours aussi mélodique et mélancolique. Et c’est de nouveau l’écrivain témoin de son temps que l’on aperçoit en plein travail devant sa feuille alors que les images qui défilent derrière évoquent les débuts de l’industrialisation de masse, du travail à la chaîne et de l’uniformisation sociale.
Enfin, Egg Music, avec son piano et ses percus impressionnistes, apaisé en apparence mais torturé au loin par des cuivres gémissants, semble d’abord nous présenter le générique de fin de cette aventure, mais l’histoire revient en arrière. La fin n’est qu’un éternel recommencement. L’histoire semble ainsi vouloir se répéter et ne jamais s’arrêter : la violence des fusillades refait surface et l’homme, le regard perdu dans le vide comme résigné, continue néanmoins de faire face aux évènements tandis que finalement, d’autres cuivres apparaissent, plus mélodiques, pour clore l’album sur une touche doucement rétro. L’avenir demeure donc ouvert pour The John Venture, et cet album, on l’espère, ne sera pas le dernier...
Il y a tout juste un an, nous rencontrions une petite moitié de The John Venture, fusion entre Angil et B R OAD WAY dont le premier album éponyme, entre l’inspiration "hip-folk" des premiers et l’électronica hantée chère aux seconds, venait de sortir et allait marquer la fin d’année 2006, voire même bien davantage. A l’occasion de notre dossier (...)
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