Amon Tobin - Foley Room
Avec le passionnant Foley Room, Amon Tobin fait entrer le sampling dans le XXIème siècle, donne à l’électro pointilliste de faux airs de musique concrète, et transcende le bruitisme par la grâce d’un génie mélodique qu’on ne lui connaissait pas.
1. Bloodstone (feat. Kronos Quartet)
2. Esther’s
3. Keep Your Distance
4. The Killer’s Vanilla
5. Kitchen Sink
6. Horsefish
7. Foley Room
8. Big Furry Head
9. Ever Falling
10. Always
11. Straight Psyche
12. At The End Of The Day
Disons-le d’emblée, Foley Room (ainsi nommé en référence à la salle d’un studio de cinéma dans laquelle sont échantillonnés les bruitages), non content de marquer un renouveau que l’on attendait pas forcément dans la démarche musicale d’Amon Tobin, petit prince de la drum’n’bass installé au Canada, dépasse en outre d’assez loin en complexité, en profondeur et en beauté tout ce que le musicien d’origine brésilienne avait pu produire jusqu’ici en dix ans de carrière.
Composé à partir d’un catalogue de bruits et de sons enregistrés par Tobin lui-même au cours de ces dernières années, ce septième album officiel du fer de lance du label Ninja Tune (en comptant sa bande originale pour le jeu vidéo Splinter Cell Chaos Theory sortie en 2005) met en effet de côté les basses lourdes qui faisaient encore il y a peu sa marque de fabrique au profit d’un entrelacs mélodique particulièrement organique, recomposé par un savant collage de sonorités naturelles ou urbaines et de samples instrumentaux aussi bien modernes que traditionnels.
De l’extraordinaire Bloodstone d’ouverture, sur lequel les violons dissonants aux accents yiddish et le piano hanté du Kronos Quartet se mêlent aux beats puissants et agités pour dessiner dans un déluge dérangeant la menace à venir, jusqu’au final cinématique à coller des frissons d’At The End Of Day, construit sur un sample majestueux des cordes troublantes de Thomas Newman, Amon Tobin nous plonge ainsi dans son univers angoissé et inquiet avec un talent de mélodiste et une richesse d’inspiration que l’on n’avait pu qu’entrevoir jusqu’ici dans les meilleurs moments de sa discographie déjà pléthorique.
Esther’s sonne comme la rencontre apnéique d’Erik Satie et Trent Reznor sur fond de beats lourds et de bruits mécaniques, et plus loin, après le psyché rock menaçant de Keep Your Distance et les envolées célestes du superbe The Killer’s Vanilla, ce sont les chants de baleine de Kitchen Sink, tranchants comme des lasers, qui nous préviennent d’un retour ponctuel du musicien à ses premières amours drum’n’bass. Ce sera également le cas sur Ever Falling, tempéré par un piano et des choeurs élégiaques, avant que le suspense d’une envolée de harpe ne laisse place sur Horsefish à la béatitude électro-acoustique d’un mirage ambient-folk. Puis, sur l’éponyme Foley Room, un déluge d’électro bruitiste et dyslexique composé de samples découpés au scalpel vient rivaliser avec le maître Aphex Twin, tandis qu’avec Big Furry Head, une ambiance lourde et obsédante naît des distorsions électro sur fond de beat martial et des arpèges équilibristes d’une harpe inquiétante.
L’album nous gratifiera même sur la fin, avec Always, d’un véritable tube électro-rock digne du meilleur de Death In Vegas et The Prodigy réunis, ponctué d’envolées de cordes à la Michel Legrand (!), immédiatement déjoué par le superbe et aventureux Straight Psyche, dont la folk psychédélique se transforme peu à peu en un espèce de funk onirique aux accents blaxploitation. Mais le plus beau dans tout ça, c’est que cette multitude d’influences et de sonorités, parfaitement digérées et recomposées par Amon Tobin, s’assemblent avec tellement d’évidence, de naturel et surtout de sentiment que l’on est loin, très loin ici du simple exercice de style, même brillant, auquel on pouvait s’attendre avec ce genre de projet conceptuel : avec Foley Room, on touche, purement et simplement, au sublime.
Quatre remixes de Kitchen Sink, dont l’un par Sixtoo, sont en écoute sur la page myspace d’Amon Tobin.
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