Le streaming du jour #1958 : Resina - ’Traces’
Quoi de plus approprié qu’intituler Traces un album qui s’est nourri du reliquat de désespoir et des vestiges de violence de l’arrondissement de Wola, ancien ghetto et cadre de l’insurrection de Varsovie toujours défiguré plus de 70 ans après. C’est là en effet que la violoncelliste Karolina Rec a enregistré après un éponyme remarqué en 2016, ce deuxième opus défendu par 130701, sous-label post-classique de FatCat abritant déjà notamment, entre autres habitués de nos pages, Olivier Alary, Dmitry Evgrafov et quelques-unes des plus belles sorties de Max Richter ou Hauschka.
C’est dans cette même veine insufflant dramaturgie cinématographique et textures ambient (Procession) à un héritage classique contemporain que la Polonaise, hum, trace son sillon, avec force chœurs élégiaques et spectraux (Surface), cavalcades de percussions martiales assurées par son compatriote Mateusz Rychlicki (Resin), idiophones mystiques ballotés par une brise fantôme (le tribal In In) et surtout ces cordes, lamentations capiteuses et parfois même poignantes (In) qui laissent place aux sombres dissonances de méditations angoissées sur l’absence dans le recueillement d’un demi-silence (Glimmer) ou aux grouillements organiques du fingerpicking et autres stridences mortifères dans une ambiance de film d’épouvante ésotérique (Leftover).
On pense à d’autres grandes expérimentatrices du violoncelle ambient, Hildur Guðnadóttir pour ses travaux les plus hantés ou récemment Shanna Sordahl (cf. les hachures lancinantes à la fin de Surface), au Richard Skelton de Wolf Notes voire aux chœurs du génial Treny de Jacaszek pour l’envoûtement abstrait des harmonies vocales (Lethe), mais c’est finalement du côté du dark ambient expressionniste de Kreng ou d’Adrian Anioł (tiens, un autre Polonais) que se situerait par exemple la véritable ascendance d’un Trigger dont le crescendo de tension menaçant aux discordances panoramiques se fait particulièrement viscéral.
Une découverte qui laisse des traces (ben oui, forcément, hein), et si vous aimez les lignes inquiétantes, étouffantes et abstraites de sa pochette, laissez donc une chance à l’opus précédent, il est au poil (touffu même) et vous ne serez pas déçus !
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