Le streaming du jour #1830 : Kölsch - ’1989’
Après 1977 et 1983, Kölsch poursuit logiquement avec un troisième long-format intitulé 1989 sur lequel il met à nouveau en musique un chapitre de sa vie.
Si le premier volet de ce triptyque s’arrêtait sur l’année de sa naissance et les souvenirs qu’il a pu accumuler par procuration, le second s’intéressait à une année de pérégrinations à travers l’Europe. Des souvenirs enfantins plutôt agréables qui contrastent avec la douloureuse année 1989 marquée du sceau d’une séparation parentale.
Rune Reilly explique qu’il s’agissait d’un "moment difficile de ma vie, duquel je me souviens surtout de la coloration grisâtre des éléments : les sentiments, le temps et ma propre mine sombre" dont il est parvenu à s’extirper en "faisant du skateboard, en écoutant de la musique avec un walkman et en explorant la ville environnante". Rien que du commun pour un pré-adolescent en proie à un délitement de la cellule familiale, qui n’a alors d’autre solution que de se tourner vers un monde extérieur forcément effrayant.
"La musique m’a sauvé" indique le Danois, et il a désormais suffisamment de recul pour dompter ces souvenirs douloureux. Aussi se côtoient certains titres minimalistes comme l’étrange 14 oscillant entre piano dépouillé et boucles en retenue, et d’autres plus entraînants, à l’image d’un In Bottles qui lorgne vers une dance que le chant trop emprunté d’Aurora ne parvient pas à dynamiser, pour la seule fausse note du disque.
L’auteur de la série Speicher (soit "mémoire" en allemand) ancre toujours les sonorités qu’il exécute dans un contexte particulier faisant écho à son histoire personnelle. Pour autant, ses propositions ne sont jamais égocentriques. Elles partent d’une démarche authentique que chacun des auditeurs peut transposer à sa propre existence. Sur l’introduction 1989, des cordes stridentes contribuent d’emblée à installer un sentiment d’étroitesse que les beats saturés de Serij vont accentuer.
Cette alternance entre saccades chaloupées et variations flottantes semble relative à la déprime périodique qui a touché le Danois à cette époque. La vision d’un monde gris semble l’avoir tellement impacté que plusieurs de ses titres porte le nom que cette teinte prend dans différentes langues. Hasard ou non, ces morceaux font partie des plus ambitieux et des plus aboutis de ce recueil.
En effet, les boucles de synthétiseur répétitives mais entêtantes de Grey épousent des beats affûtés dans une osmose stimulante, tandis que Grau applique une formule similaire pour parvenir à un résultat singulier et que la belle montée en puissance d’un Gris vaporeux à souhait constitue l’un des points d’orgue de cette sortie, les beats cristallins densifiant petit à petit le pouvoir d’attraction de nappes oniriques. Entre techno et IDM, le Danois Kölsch propose un disque aussi introspectif qu’ouvert sur le monde, à la fois dansant et méditatif, mais toujours stimulant.
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