Le streaming du jour #1658 : Soon, She Said - ’The First Casualty Of Love Is Innocence’
Rien, ou presque, ne se démode bien longtemps. Ce concept semble n’être qu’un éternel recommencement, particulièrement sur le plan musical, où l’on n’a pas échappé au retour des synthés cheap il y a une poignée d’années. Ces derniers mois, c’est avec davantage de bienveillance mais aussi, avouons-le, une forme de crainte, que l’on accueille un contingent conséquent de sorties aux effluves shoegaze.
Depuis quelques années et le m b v de My Bloody Valentine qui ne nous enthousiasmait d’ailleurs pas nécessairement, les mètres-étalons du courant semblent avoir décidé de remettre les voiles. Et la nouvelle génération se sent tout à fait légitime à l’idée de les concurrencer.
L’une des dernières révélations dans ce domaine vient de Saint-Brieuc et répond au nom de Soon, She Said, hommage à peine dissimulé au Sometime Soon She Said des Boo Radleys, mais ce choix découle principalement de la nécessité de changer de pseudonyme après que le combo se soit aperçu que le Soon initialement choisi ne permettrait pas d’être référencé correctement, sans occulter le fait que différents groupes l’avaient déjà retenu.
Soon était pourtant un choix tout à fait adapté pour illustrer les compositions du combo costarmoricain. L’aube semble en effet constituer le moment idéal pour écouter The First Casualty Of Love Is Innocence. Une forme d’espoir accompagne l’instant où tout est encore possible, lorsque la journée ne fait que débuter, mais que la nuit de sommeil laisse encore des traces et qu’il convient donc de modérer son entrain.
Il y a de tout cela dans ce premier disque de Soon, She Said et, plus encore que les éléments précités, c’est particulièrement la digestion des transitions qui fait que cet album s’adapte particulièrement à une écoute aux aurores. Transition entre la nuit et le jour, mais également entre l’extérieur et soi-même. Dans cet interstice entre le psychisme et la rencontre avec autrui, l’espace potentiel cher à Winnicott, évolue donc le quatuor breton.
Forcément, les principaux orfèvres du courant dream-pop ne sont jamais très loin. Bien qu’à l’exception d’un titre, la voix principale, celle de Julien Perrin, soit masculine, c’est principalement à Slowdive que l’on pense, de l’instrumental Brain Fog que l’apparition d’accords traînants de guitare électrique mélancoliques et anguleux font évoluer vers un post-rock à la Robin Foster, aux vaporisations du Reach Out final.
Mais s’agissant des influences de Soon, She Said, la bande de Neil Halstead n’a pas le monopole et l’on pense à Ride lorsque les guitares se font plus rutilantes sur Letters And Stamps ou quand émane un espoir en mode mineur (Blue). D’autres défendront l’héritage de My Bloody Valentine sur Stay lorsque les guitares oscillantes se perdent dans des arrangements cotonneux, mais Soon, She Said ne reste pas exclusivement centré sur le shoegaze, en témoignent la dimension new-wave de Dazed et même l’héritage des Cure sur la dernière partie d’un Sad Smiling Girls hanté par une réverbération froide et circulaire.
Enfin, seul titre chanté par Laura Bruneau, Mess apporte une clarté vocale étonnante et finalement bienvenue, là où la voix de Julien Perrin est essentiellement noyée derrière un mur du son. Ferme sur ses appuis shoegaze, le groupe briochin n’en oublie donc pas d’édulcorer cet héritage évident en y apportant des éléments issus d’univers voisins. Soon, She Said ne peut évidemment pas tenir la dragée haute au chef-d’oeuvre produit cette année par Slowdive, mais ils surclasseront un nombre conséquent de suiveurs œuvrant dans ce domaine, et peut-être même quelques-uns des artistes de la première heure dont le come-back pourrait être moins abouti.
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