Winter Family - South From Here
Le risque, lorsqu’un groupe est touché par un événement douloureux, consiste à réduire leur production suivante à cette péripétie. Il serait probablement trop réducteur de dire que South From Here est hanté par l’ouragan Sandy qui, en 2012, touchait les membres de Winter Family au point de détruire tout leur matériel. Pour autant, cela constitue l’élément introductif de la genèse de ce disque.
1. Archaic Landscape
2. No World
3. Spring Roll
4. Ikea
5. Yallah
6. Jesus
7. Miss Bonaventure
8. The Land of the Free
9. Cortelyou Rd. (We Shall Overcome)
10. Nina
11. Gaza
12. Delightful Blindness
13. Imagine
En effet, après un premier éponyme minimaliste en 2007 puis le charmant Red Sugar enregistré entre une église lorraine, une ferme sarthoise et Jérusalem quatre ans plus tard, Ruth Rosenthal et Xavier Klaine s’apprêtaient à poursuivre leurs pérégrinations en composant des bandes originales accompagnant des spectacles de danse.
S’ils y viendront - la sortie de No World en 2015 en atteste - leur troisième véritable disque ne sort donc qu’en ce cru 2017, et il est clairement orienté par le nouveau matériel que s’est procuré le duo à la hâte, en l’occurrence une boîte à rythme et un synthétiseur de fortune.
Sur South From Here, Winter Family nous raconte une histoire désarticulée comme peuvent parfois l’être la vie ou un mauvais trip - psychédélisme oblige - mais toujours convaincante et cohérente.
Cela débute avec la pop synthétique d’Archaic Landscape où une voix haut perchée fourmille d’arrangements divers, préparant le terrain pour l’ambient granuleuse supportant quelques fields recordings dépouillés d’un No World sur lequel la voix se fait déclamatrice.
Déjà, la teinte principale du disque se dégage avec cette alternance entre pop songs hantées et ambient déstructurée. Les percussions peuvent se faire dandinantes, comme sur un Spring Roll où la nappe principale de synthé rappelle le thème du Chicago de Sujfan Stevens en version accélérée, alors que la voix fondue s’intègre à l’ensemble dans une évidence remarquable. Et là encore, c’est un minimalisme qui succède à cette élégance rythmée puisque Ikea voit Ruth Rosenthal déclamer (presque) a capella, les quelques notes de piano l’accompagnant dans un exercice de style que ne renierait probablement pas Nick Cave au regard de la ressemblance, malgré des timbres différents, dans la manière de placer sa voix et de manipuler les mots avec rugosité.
D’autres incantations du même type se succéderont, d’un Jesus (forcément) mystique soutenu par une rythmique minimaliste en passant par les charmantes déclamations de Delightful Blindness. Mais tout n’est pas à l’avenant, et l’électricité peut se faire sentir (Yallah) et les influences sont finalement diverses, de la pop synthétique psychédélique de Cortelyou Rd. mêlant les spectres de Eels et MGMT pour les claviers mélancoliques du premier et la partie vocale assez proche des seconds, à un The Land of the Free évoquant la colère et la perte dans une électricité étouffante portée par une voix synthétique saturée à la Fitter Happier (Radiohead).
Mais il y a surtout quelque chose de profondément glacial sur ce disque, comme l’oriente d’ailleurs le nom du groupe, et il n’est donc pas étonnant que les groupes scandinaves soient évoqués au moment du recueil d’influences. Ainsi, Miss Bonaventure accepte davantage de réverbération alors que les nappes synthétiques et la cavalcade de la rythmique rappellent Sin Fang.
Si le disque souffre légèrement de sa longueur, le chant contestataire de Gaza sur fond de textures enlevées offre un regain d’intensité bienvenu. Profondément humain, South From Here parvient à considérer le calme après la tempête sans pour autant oublier les ravages de celles-ci. Sur le plan matériel, mais surtout au niveau des séquelles mentales. Un disque profond, tourmenté, mais parfois résolument optimiste. Complexe et passionnant, en somme.
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