Ólafur Arnalds - Symphony Orchestra Concert Hall (Shanghai)
le 4/11/2015
Ólafur Arnalds - Symphony Orchestra Concert Hall (Shanghai)
Peu coutumier des concerts assis, encore moins dans le silence cosy d’une salle pour concerts classiques dont les panneaux boisés, pavant un plafond démesuré, assurent une acoustique aussi précise que les visées laser des ouvreuses - les contrevenants aux interdictions photo et caméra en auront pris plein la rétine -, c’est néanmoins avec un soulagement coupable que j’installe ma carcasse vieillissante dans l’un des fauteuil au velours rouge pastel du Shanghai Symphony Hall, carré VIP s’il vous plaît.
Plus de Chinois que d’étrangers dans le public pour ce concert sold out, dernier d’une tournée sans fin qui verra l’Islandais, nous dira-t-il lui-même, marquer un long break côté scène jusqu’à 2017 au moins, c’est dire la belle réputation dont jouit Ólafur Arnalds au pays de Xiami - site de streaming ultime, goûtez-y, vous n’en reviendrez pas -, du guzheng et de la pipa. En guise d’instruments, pas de tentative traditionnelle pour autant, l’auteur d’Eulogy For Evolution s’en tiendra ce soir au piano - l’un à queue, l’autre droit au design suranné - avec deux jolies scandinaves l’accompagnant au violoncelle et au violon.
Ravi d’être là 5 ans après sa dernière escale shanghaïenne dans le cadre de l’Expo mondiale 2010, l’Islandais salue le public et se présente lui-même d’un air espiègle, en mandarin, comme le Prince du Piano islandais, provoquant quelques rires bienveillants qui laissent bientôt place à un silence respectueux une fois le trio installé derrière ses instruments. Ouvrant sur les arpèges impressionnistes du cristallin Þú Ert Jörðin, le musicien nous plonge rapidement dans un cocon de grâce et de mélancolie au gré de ses compositions pour films imaginaires dont le discret lyrisme se trouve rehaussé par des arrangements de cordes jamais envahissants.
Interprétant pour une majeure partie des morceaux issus du sommet ...And They Have Escaped The Weight Of Darkness (l’imparable Gleypa Okkur ; Undan Hulu), du plus intimiste mais non moins magnifique Living Room Songs EP (le sensible Ágúst et deux autres belles réussites dont on parle plus loin), de la compilation de singles en libre téléchargement Found Songs (Allt Varð Hljótt ; le tendre Ljósið), de la BO du film indépendant ricain Another Happy Day (Lynn’s Theme ; Poland qui fut composé... en Pologne nous dira Ólafur pour toute introduction) et bien sûr du dernier LP en date, For Now I Am Winter paru en 2013 (This Place Was A Shelter ; le dépouillé We (Too) Shall Rest en fin de set), l’ex batteur de groupes de metal islandais (véridique !) use d’Ableton via un iPad qu’il transbahute d’un piano à l’autre entre les chansons pour déclencher les beats profonds et downtempo (le merveilleux Near Light) et autres distorsions discrètes (Hands, Be Still) qui rythment ses compos les plus cinématographiques, marquant une pause tous les deux ou trois titres sur un fading des projecteurs pour laisser une chance à l’audience de sortir de sa torpeur enchantée le temps d’une salve d’applaudissements bien méritée.
Culminant sur le crescendo tragique et passionné d’un Only The Winds bien plus terrassant que sur disque qui nous laissera suspendus au bord de nos sièges, le programme de la soirée passe également par la mélodie poignante du beau Tomorrow’s Song et nous gratifie en exclu d’un tout nouveau morceau, impro testée pour la première fois en concert à laquelle se joigne les cordes frottées des demoiselles pour quelques arrangements timidement esquissés mais déjà inspirés. Enfin, après un peu plus d’une heure de magie épuré, le set se termine sur l’émouvant Beth’s Theme, extrait de la BO de la série TV Broadchurch dont Arnalds composera la bande-son de la saison 3 l’année prochaine, prévoyant également de consacrer cette période de relâche scénique à l’écriture d’un nouvel opus ainsi qu’à son projet Kiasmos dont on vantait il y a tout juste un an les élans cotonneux entre deep house et classical ambient, à l’occasion d’un premier album éponyme aussi efficace qu’élégant.
Mais il sera également grand temps pour l’Islandais, sans cesse tiraillé entre les studios berlinois de son compère Nils Frahm (avec lequel il vient de sortir l’excellent EP dub/ambient Loon), l’ébullition artistique new-yorkaise et les bureaux londoniens du label Erased Tapes, de retrouver le chemin du bercail : hasard de leurs calendriers respectifs, il salue en effet sa sœur présente dans le public, soulignant l’ironie de devoir voyager à l’autre bout du globe pour se retrouver en famille, avant d’entamer en rappel, seul sur scène, le délicat Song For Grandma aka Lag Fyrir Ömmu (Day 6 de ses Living Room Songs), dédié à celle qui lui donna l’amour de la musique classique. Depuis les coulisses, les cordes s’élèvent, assourdies, comme un écho dans le lointain, soulignant une dernière fois ce sentiment d’irréalité qui nous laissera au terme de ce bel hommage un sourire béat sur le chemin de la sortie...
Tracklist :
Þú Ert Jörðin ( ...And They Have Escaped The Weight Of Darkness )
Tomorrow’s Song ( Living Room Songs )
Hands, Be Still ( For Now I Am Winter )
Gleypa Okkur ( ...And They Have Escaped The Weight Of Darkness )
Allt Varð Hljótt ( Found Songs )
Ágúst ( Living Room Songs )
Ljósið ( Found Songs )
Lynn’s Theme ( Another Happy Day OST )
Near Light ( Living Room Songs )
Only The Winds ( For Now I Am Winter )
Poland ( Another Happy Day OST )
This Place Was A Shelter ( For Now I Am Winter )
Undan Hulu ( ...And They Have Escaped The Weight Of Darkness )
We (Too) Shall Rest ( For Now I Am Winter )
Beth’s Theme ( Broadchurch OST )
Rappel :
Song For Grandma ( Living Room Songs )
Photo : Amanda. Merci d’avoir habilement déjoué la surveillance des geôlières du Shanghai Symphony Hall !
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