Le streaming du jour #891 : Dale Cooper Quartet & The Dictaphones - ’Quatorze Pièces de Menace’
Le cut-up folklorique des titres des morceaux, l’ambient-jazz impressionniste et langoureux à la croisée de Supersilent et de David Sylvian avec lequel le chant de Ronan Mac Erlaine de nouveau invité au micro sur une petite moitié de titres a plus d’un point commun (cf. Nourrain Quinquet), les références à David Lynch bien sûr jusque dans le blues fantasmatique et déglingué de L’Escolier Serpent Éolipile ou Ignescence Black-bass Recule... deux ans après Métamanoir on pourrait penser que le temps n’a pas eu de prise sur la musique de Dale Cooper Quartet, et même s’en satisfaire. Et pourtant...
Pourtant, ce qui perdure jusqu’aux orchestrations délétères du fabuleux Lampyre Bonne Chère mais frappe surtout d’emblée à l’écoute du démesuré Brosme en Dos-vert, dont les 21 minutes de contrepieds feutrés nous font passer du drone le plus menaçant au jazz le plus méditatif ou encore d’une ambient de no man’s land martelée sur une forge fantôme à la mélancolie d’un piano égaré dans les brumes d’un passé révolu, c’est le regain d’ambition narrative dont fait preuve ce troisième album édité comme son prédécesseur par le label allemand Denovali - justement à l’honneur cette semaine sur les ondes d’IRM Radio.
Car au-delà d’une certaine audace offrant aux compositions de la troupe brestoise un sens du contraste qui lui faisait parfois défaut, cet évident pouvoir d’envoûtement que les deux premiers opus semblaient privilégier sur la durée d’une certaine progression atmosphérique d’ensemble se fait désormais à l’intérieur même de chacun de ces petits contes en clair-obscur, une somme de parties explicitée par le titre Quatorze Pièces de Menace et que le combo parvient néanmoins à déjouer à la lumière tamisée d’une narration d’ensemble riche en sensations contradictoires.
Ainsi, du monologue cru de La Ventrée Rat de Cave, dont la trompette affligée se pare d’une dentelle de drones plaintifs et de chœurs élégiaques, aux limbes veloutées de l’inquiétant Mange Tanche, en passant par le romantisme hantologique de Céladon Bafre ou la poésie névrosée d’Il Bamboche Empereurs, l’épure de Parole de Navarre fait place aujourd’hui à la geste d’une véritable tragédie grecque, sans la fureur et sans le bruit (encore que)... Ajoutez à cela le timbre vénéneux autant que vacillant de la nouvelle venue Alicia Merz bien connue de nos lecteurs pour son projet solo Birds Of Passage qui traîne son spleen sur le sus-nommé Lampyre Bonne Chère et un Calbombe Camoufle Fretin beau à vous transpercer le cœur, et vous obtenez l’un des rêves éveillés les plus fascinants et déroutants de l’année.
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