Le streaming du jour #162 : DJ Shadow - ’The Less You Know, The Better’
Cinq ans d’absence sur disque après un Outsider inégal et marqué par une frime toute californienne, des performances live de toute beauté et quelques avant-goûts sur EP partagés entre regain de classe et pure esbroufe, on ne savait vraiment pas quoi attendre de DJ Shadow en 2011, ni même si l’attente en elle-même était une bonne idée. Pourtant, s’il serait facile d’excuser la baisse d’inspiration d’un créateur de formes dont la moitié de l’électro et du hip-hop d’aujourd’hui dépend de près ou de loin, il sera peut-être moins aisé d’accepter ce que l’Américain, en réalité, semble être devenu tout à fait consciemment : un musicien soucieux avant toute chose de se faire plaisir et d’inculquer un minimum de bon goût à la génération shuffle.
Voilà qui explique peut-être la mauvaise blague de NPR qui s’est amusé à mettre les morceaux du disque dans n’importe quel ordre (plus vraisemblablement une erreur qui nous fera opter pour une écoute piste par piste) et justifie sans doute l’absence du très bling-bling I’m Excited tout juste digne d’un mauvais Dizzee Rascal sur la version Deluxe qui lui préfère notamment la sombre progression de l’instrumental Def Surrounds Us parmi les trois titres ajoutés. D’ailleurs, un sample vocal en milieu d’album résume parfaitement l’idée. "Here we are now at the middle, more and more I have the feeling that we are getting nowhere. Slowly, we are getting nowhere, and that is the pleasure".
Car si The Less You Know, The Better ne révolutionne rien et répond à une construction pour le moins aléatoire ou qui sait peut-être comprise du seul Joshua Davis, c’est bien le post-modernisme d’un Private Press que convoque à sa manière ce quatrième opus du pionnier de l’abstract aux atmosphères souvent bluesy mais sautillant allégrement du métal sur breakbeats hip-hop de Border Crossing au groove old-school de Stay The Course où s’illustrent élégamment Talib Kweli et Posdnuos des De La Soul, de la pop mélancolique de Sad And Lonely, renouant avec l’esprit soul de ces chansons rétro que Shadow a l’habitude de disséminer dans ses mixtapes et qui culminera plus loin sur Redeemed, au psychédélisme électrique et frontal d’un Warning Call tubesque sans avoir l’air d’y toucher avec au micro un autre grand colleur électro-pop du nom de Tom Vek, ou encore de l’urgence blaxploitation du bien-nommé Run For Your Life à la violente détresse du crépusculaire et très personnel Give Me Back The Nights.
En guise de ventre mou, quelques fautes de goût à l’image d’I’m Excited où même le beatmaking épileptique de l’auteur d’ Endtroducing semble réduit à l’état de simple gimmick, du déjà connu I Gotta Rock dont le nihilisme tape-à-l’oeil ne prend jamais vraiment, ou même d’un Scale It Back sapé par les accents r’n’b de la chanteuse de Little Dragon, trois titres que Shadow a au moins le mérite d’enchaîner pour nous aider à les zapper plus facilement. Mais pour le reste c’est un plaisir plein et sincère que génère ce nouveau cru, tout compte fait on n’en demandait pas tant.
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