Live Report : Benjamin Biolay (Carré Sévigné, 12 Janvier 2017)
Près de deux mille personnes s’étaient réunies hier soir au Carré Sévigné pour assister à ce que Benjamin Biolay définira lui-même comme sa "rentrée des classes", soit son premier concert de l’année 2017.
Avant le début des hostilités, c’est une première partie plutôt rafraîchissante qui s’est présentée face au public. Âgée de vingt ans, Pomme fait partie de ces artistes qui sont capables, avec une simple guitare, de susciter et maintenir l’attention de l’auditeur sur plusieurs titres. Cinq pour être précis dont, comme le précisera la chanteuse, un seul qui surfe sur des vagues plus optimistes, le reste de son répertoire étant plutôt teinté d’une forme de mélancolie bien masquée par des compositions à la fausse candeur.
Après une pause de vingt minutes, qui permettra de mesurer que l’on ne doit pas être bien nombreux dans la salle à ne pas encore avoir fêté nos trente ans, le public étant essentiellement composé d’individus à la quarantaine plus ou moins tassée, c’est évidemment l’homme de la soirée qui fait son entrée sur scène, précédé par ses cinq musiciens qui, à l’image du public, semblent également avoir une certaine expérience de la vie.
Élégant avec son costume et ses cheveux courts, Benjamin Biolay se présente au public en le remerciant déjà vivement, répondant ainsi à une ovation appuyée de l’audience. Dans ses mimiques, on repère déjà chez l’artiste tout ce qui peut énerver, et que lui reprochent d’ailleurs volontiers ses nombreux détracteurs : un aspect démonstratif poussé à l’extrême, qui le pousse ainsi à distribuer des baisers au public en embrassant ses mains, geste qu’il répétera à de multiples reprises au cours de la soirée.
Mais ceux qui parviennent à percer les résistances qui peuvent logiquement émaner lorsque l’on rencontre ou entend Benjamin Biolay savent depuis longtemps que ces "mimiques" ne sont rien d’autre qu’une manière de masquer une timidité bien réelle, et qu’elles ne sont en rien un excès mais la simple retranscription d’une vraie reconnaissance qu’il attribue à son public. A la fin de Dans La Merco Benz, jouée en milieu de set, Biolay ponctuera d’ailleurs le titre d’un "Le temps passe, mais c’est toujours aussi bon, voire meilleur", qui s’ajoute au mémorable "Mon amour hélas, le temps passe".
Le Français prend plaisir sur scène, et il parviendrait presque à rendre cela communicatif. Pourtant, Biolay n’est pas un grand parleur. Il réserve ses bons mots aux paroles de ses compositions léchées mais l’on surprend parfois un sourire adressé à l’un de ses musiciens. La seule déception de la soirée viendra peut-être d’ailleurs du choix des instruments joués sur scène. Un bassiste (Nicolas Fiszman), un guitariste (Philippe Almosnino), un batteur (Denis Benarrosh), sans occulter un musicien aux claviers (Reyn Ouwehand) et un autre au bandonéon (Pablo Gignoli), c’est déjà conséquent, mais tout de même, quelle déception de ne pas avoir de cordes frottées jouées sur scène, un titre comme La Superbe, ouvrant le premier rappel, débutant par un sample lancé par les claviers. La magie n’opère alors qu’en cours de morceau lorsque celui-ci se muscle avec l’apparition de la batterie.
Mais ce point négatif ne saurait altérer la qualité d’ensemble. Benjamin Biolay ouvre en effet son set avec un Palermo Hollywood léché et finalement assez fidèle à la version studio avant de faire un crochet vers La Superbe et un Padam superbement musclé par les musiciens dans une orientation plus rock sur laquelle BB prend un malin plaisir à haranguer la foule - qui le lui rend bien en lui rendant les cris qu’il vient chercher - au moment où il déclame "J’attendais en vain que le monde entier m’acclame, qu’il me déclare sa flamme".
Le musicien piochera dans chacun de ses disques, ne s’attardant heureusement pas sur Vengeance, seule fausse note dans son parcours, mais nous réservant quelques beaux moments, comme cet enchaînement où il se place derrière son piano pour jouer Dans Mon Dos et Ton Héritage. A l’exception évidemment du récent Palermo Hollywood, les deux albums dont sont extraits ces deux titres sont d’ailleurs les plus représentés. Ainsi, une jolie version de 15 Septembre, en plus de Padam et du titre éponyme seront extraits de La Superbe tandis qu’A L’Origine sera représenté par Mon Amour M’A Baisé et une formidable version enlevée de Ground Zero Bar où Biolay prend un malin plaisir de modifier le "Ai-je voté pour Monsieur Bush ?" en le "trumpisant" pour coller à l’actualité.
Les deux sommets du Rose Kennedy initial seront également repris, que ce soit à l’occasion de Les Cerfs Volants qui débute le second et dernier rappel, ou un Los Angeles sur lequel on se rend compte que la voix de Biolay s’est modifiée avec le temps. En quinze ans, cette naïveté de surface s’est estompée, et l’on sent bien que le chanteur s’en rend compte sur scène, n’arrivant pas tout à fait à reproduire l’émotion de la version studio.
S’il est en revanche un domaine où il se fait plus efficace sur scène que lors des sessions d’enregistrement, c’est armé de son piano, à l’instar de cette version de Négatif qui, alors même que le morceau ne fait pas partie de ceux qui pouvaient générer chez moi l’attente la plus majeure, a bien failli m’arracher des larmes comme rarement un artiste aura été capable de le faire en live. En réécoutant la version studio, quelque chose s’est débloqué sur scène hier soir. Ce morceau ne pourra plus jamais être considéré comme un simple faire-valoir et méritera une attention pour cerner toute la subtilité des paroles.
Pour le reste, Biolay oscille entre reprises (celle du Tuyo de Rodrigo Amarante reprise dans la série Narcos, mais ni celle du Out of Time de Blur ni du Clint Eastwood de Gorillaz qu’il avait jouées récemment), inédit (Volver qui devrait sortir sur le Hollywood Palermo prévu pour mai 2017) et morceaux extraits de Palermo Hollywood (Ressources Humaines, La Débandade, Miss Miss) et conclut le set avec un Pas Sommeil qui prend encore une toute autre dimension en live.
En somme, malgré la déception que constituent l’absence de cordes et le peu d’éléments représentant le sommet Trash Yéyé - ces deux dimensions étant liées, cet album étant sans doute celui qui fait la plus belle part aux cordes - le concert donné hier par Benjamin Biolay fait néanmoins partie de ces moments rares lors desquels la communion entre un artiste et un public semble aussi réciproque qu’authentique. Avec un répertoire aussi classieux que celui d’un Biolay concerné, il n’y avait de toute façon guère de chance de passer à côté de quelque chose de grand et l’artiste, affublé depuis le premier rappel d’une veste trop grande pour lui sur laquelle s’inscrit dans son dos en lettres capitales "PALERMO HOLLYWOOD", passe plusieurs minutes sans dire un mot sur scène à remercier son public. On l’a dit, ses bons mots, Benjamin Biolay les garde pour ses textes. Ce qui ne l’empêche pas de communiquer sa reconnaissance d’une autre manière.
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