Le streaming du jour #1338 : Zelienople - ’Show Us The Fire’
Lorsque l’on découvre la pochette du nouveau disque de Zelienople, on se prend à penser qu’il s’agit là d’une nouvelle victime du "do it yourself radical". Sérieusement, n’y avait-il pas mieux que cette photographie pour illustrer l’album ?
La "hype" est cyclique, et elle a pris la mauvaise habitude de ramener vers elle certains courants qui, par essence, lui résistaient jusqu’alors. Le DIY est donc, lui aussi, tombé dans ses filets. Et là où l’urgence et l’aspect radical de cette éthique en justifiaient le fondement et l’existence, on se surprend désormais à voir poindre des disques dont le contenu et le contenant tendent vers le concours de "je-m’en-foutisme".
Cet homme hissé sur une échelle face à un mur de lierre, capuche sur le visage et vu de dos semble constituer une parfaite illustration de cet état d’esprit. Graphiquement, on pourrait penser à un mauvais copycat de Jessica93. Erreur. Cette pochette en dit bien plus qu’il n’y paraît sur les trente sept minutes du seizième album de Zelienople.
En effet, si l’individu représenté ne semble pas être dans une forme quelconque de démonstration, il en va de même pour Show Us The Fire. A l’instar du Uptown final, un free-jazz downtempo est régulièrement de la partie, et, à défaut de tout ronronnement, le calme et la plénitude se dégagent alors des compositions du collectif chicagoan. La dimension onirique n’est jamais très éloignée, d’où la hauteur prise par l’homme placé au sommet de l’échelle.
En plus d’une dimension naturelle caractérisée par le lierre, cet album se mérite. L’auditeur en découvre petit à petit les différentes nuances et la magie. La démarche est comparable à la découverte d’un trésor dont l’ouverture est récalcitrante. Le mystère et l’attente sont des composantes préliminaires indispensables au plaisir. En ce sens, l’auditeur aura tôt fait de se sentir concerné par le visage masqué et l’allure recroquevillée du personnage figuratif. Lorsque l’on découvre un tel trésor, on ne le hurle pas sous tous les toits, on reste discret.
Discrétion et sobriété. Tels pourraient être les maître-mots de Show Us The Fire. Le leader Matt Christensen, également à l’origine des drones du projet Good Stuff House, utilise en effet sa voix d’une manière hypnotique en utilisant un registre monotone mais jamais redondant (Don’t Stop Until You Die).
Entre slowcore, post-rock, ambient et free-jazz, il serait difficile de réduire à une seule étiquette le contenu de cet opus singulier, qui peut être appréhendé comme une réincarnation modernisée - mais l’original n’a de toute façon jamais sonné daté - du Spirit of Eden de Talk Talk, sur lequel on croise aussi bien les spectres de Godspeed You ! Black Emperor, Sonic Youth dans leurs moments les plus apaisés (notamment au niveau vocal sur Doubt The Reasons), Dead Letters Spell Out Dead Words ou encore We Are Ghosts. Du beau monde, assurément, mais Zelienople n’a rien d’un ersatz et, au regard de l’identité musicale assumée sur cet opus, il ne fait guère de doute que ce groupe figurera rapidement dans la liste de ceux qui influencent, plutôt que de ceux qui sont influencés. Il y a en tout cas suffisamment de matière sur Show Us The Fire pour faire germer de nouvelles idées qui, telles le lierre, pourront se reproduire.
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