Erratique ou matheuse, exubérante ou plombée, punk ou arty, fascinante ou agaçante mais le plus souvent tout ça à la fois, la dernière sortie de New Amsterdam emmène le collectif et label new-yorkais sur un terrain encore plus glissant qu’à l’accoutumée, aux confins du free jazz, de la noise et de l’opéra.

Sorti fin mai, ce premier album de Big Farm réunit le guitariste Steven Mackey (Kronos Quartet, So Percussion - à ne pas confondre avec Steve Mackey de Pulp), le bassiste Mark Haanstra (AGOG), le percussionniste Jason Treuting (So Percussion), la flûtiste Alexandra Sopp déjà à l’œuvre chez les fabuleux NOW Ensemble ainsi qu’un quatuor à cordes, tout ce joli monde gravitant autour du chanteur lyrique Rinde Eckert dont la schizophrénie magnétique habite chacune de ces compositions en liberté.

Imaginez un Scott Walker castrato qui chanterait pour Motorpsycho, un crooner no wave qui se frotterait à Naked City, un ténor en plein trip incantatoire ou Tortoise reprenant Vivaldi et dans chacun des cas vous aurez une idée toute relative de la façon dont peut parfois sonner ce disque entre deux contrepieds déjantés, multipliant saillies électriques, éclats blues décadents et fulgurances jazzy sous l’impulsion d’un Mackey au sommet de son art, pas loin de la classe d’un Marc Ribot jusque sur le feutré Margaret Ballinger qu’aurait tout à fait pu chanter Shara Worden sur son parfait All Things Will Unwind.

Shara Worden qui, pour boucler la boucle, avait justement croisé le guitariste américain il y a trois ans au générique du superbe Penelope de Sarah Kirkland Snider, fleuron de l’écurie de Judd Greenstein que vient rejoindre ce Big Farm au panthéon des œuvres capables de bannir à jamais les frontières entre science musicale et instinct, écriture et improvisation, avec un peu trop d’affectation parfois mais toujours suffisamment aventureux pour accrocher l’oreille.