2012, année du dragon ?

Chaque année, à partir de la fin novembre, les tops annuels pleuvent. Et chaque année, l’intérêt de l’exercice me semble de plus en plus limité tant les similitudes entre ces prétendus classements indépendants sont criantes. A ce petit jeu, outre l’utilisation assumée - mais espérons-le, non narcissique - du "je", les lignes qui suivent n’auront pas pour prétention d’élire les meilleurs albums parus en 2012 mais ceux que je redécouvrirai, je le sais déjà, avec plaisir dans dix ans. A l’instar d’un Neon Golden qui, malgré sa décennie d’existence, est l’un des albums chauffant le plus ma platine ces derniers temps.

A un point tel que j’ai été sérieusement tenté par l’idée d’effectuer un top de l’année 2002. A quoi bon en effet classer chaque année des albums sans même s’autoriser à regarder dans le rétro ? Cette année ayant été marquée, de mon côté, par d’agréables retrouvailles avec certains disques indispensables et pourtant laissés de côté depuis trop longtemps, cette initiative se serait tenue. Néanmoins, celle-ci se rapprochant de notre overd00’s aussi bien en termes de démarche que d’albums plébiscités, - les Neon Golden, Furious Angels, Out of Season, Deadringer, Geogaddi et autres 18 n’apportant pas grand chose au lecteur averti - je l’ai finalement mise de côté pour m’intéresser davantage, comme le veut l’usage, à l’année - placée sous le signe du dragon de l’autre côté de l’Oural - qui vient de s’écouler.


Album live

1. Orka - Live At Trans Musicales

Je ne suis pas très friand des albums "live". Aux expérimentations scéniques, j’ai toujours préféré la précision et le temps qu’offrent le studio pour peaufiner les détails. Aussi, je n’avais dans un premier temps pas prévu d’honorer un artiste dans cette catégorie. C’était avant d’écouter le Live At Trans Musicales d’Orka. Entre vieilles connaissances plus musclées et une belle poignée d’inédits, ce petit bijou peut offrir tout ce qu’on est en droit d’attendre d’un live. Et pas seulement une copie des versions studio.

Chronique IRM


EPs

Je ne suis pas, à la base, un inconditionnel du format EP. Sans doute avais-je besoin de me laisser emporter dans l’univers d’un artiste, chose qui nécessite une durée relativement conséquente. Mais 2012 pourrait m’avoir fait changer d’avis sur la question...

5. Ambinate - Horizon EP

Le format EP semble ainsi finalement être celui qui me permet le plus facilement d’adhérer à des artistes composant de l’ambient. Très onirique, l’EP d’Ambinate a également une dimension cinématographique qui rend l’ensemble passionnant.

Chronique IRM


4. How To Destroy Angels - An Omen EP

En attendant l’album l’an prochain, le nouveau projet de Trent Reznor et sa compagne Mariqueen Maandig associe prises de risques et évidence mélodique avec une facilité déconcertante.

Chronique IRM


3. Sorrow - Art Is Dead EP

J’ai toujours apprécié l’abstract hip-hop à la sauce RJD2 ou Man Mantis. Sorrow est assurément l’un de leurs plus brillants disciples. Onirique, cet EP explore différents sentiers en maintenant le même niveau d’exigence.

Chronique IRM


2. Burial - Kindred EP

J’ai découvert Burial sur le tard et je ne comprends d’ailleurs toujours pas pourquoi je n’ai pas eu la curiosité d’écouter plus tôt les compositions proposées par William Bevan tant les atmosphères sombres et enivrantes qu’il instaure correspondent à celles que j’affectionne particulièrement.

Chronique Autres Directions


1. Munno - Early Idle EP

Un EP qui démarre par un sample de Sufjan Stevens et qui parvient à maintenir un niveau d’exigence intact sans faire tâche en même temps qu’il mélange les influences. Toujours pas tentés ?

Chronique IRM


LPs

25. Library Tapes - Sun Peeking Through

Tous les ans ou presque, David Wenngren me fait le même coup. Celui de l’album totalement instrumental qui explore tellement d’horizons différents que la surprise est chaque fois aussi grande. Déléguant les cordes arrangées à la perfection (Julia Kent et Danny Norbury usant du violoncelle et Sarah Kemp du violon), le piano du Suédois épouse celles-ci merveilleusement. Si cet album évolue dans les mêmes eaux que ses prédécesseurs, cela ne m’empêchera pas de l’apprécier à sa juste valeur.

Chronique EtherReal


24. Pye Corner Audio - Sleep Games

Dans ses plus beaux moments, ce Sleep Games n’a pas grand chose à envier à Rob Dougan ou Boards of Canada. Au vu de la comparaison, il n’est pas difficile d’imaginer qu’il existe quelques passages plus dispensables sans quoi les seize morceaux composant l’opus ne seraient pas restés si confidentiels. Cet album d’IDM constitue néanmoins une jolie surprise qu’il serait dommage de bouder.

Chronique Des Chips et du Rosé


23. Andrew Bird - Break It Yourself

Après quelques albums que j’avais trouvés plus dispensables, Andrew Bird montre un regain de forme évident sur ce Break It Yourself. L’Américain a enregistré ce septième opus - plus insouciant, plus lumineux - dans des conditions live. Le résultat est des plus agréables.

Chronique IRM


22. Christ. - Cathexis - Motion Picture Soundtrack

Nous avons eu l’occasion de parler à plusieurs reprises de Christ. cette année. Néanmoins, ce Cathexis - Motion Picture Soundtrack fait l’objet de l’une des grandes réussites de l’année et il serait dommage de ne pas le souligner une nouvelle fois. Capable de capter l’intérêt de ceux qui ne sont pourtant pas forcément amateurs d’ambient et d’IDM, la recette de l’Écossais, à base de beats affirmés et de nappes aériennes parfois hantées, devrait nous accompagner pendant encore (au moins) quelques soirées hivernales.

Chronique IRM - Interview IRM


21. Mermonte - s/t

Le premier album - éponyme - des Rennais de Mermonte constitue l’une des bouffées d’air frais de l’année. Aux frontières de la pop et du post-rock, le collectif parvient surtout à être créatif et ambitieux tout en proposant des productions lumineuses et progressives dont on risque de ne pas se lasser de si tôt.

Chronique IRM


20. POulbO - Summer

La dream ambient électronique teintée de chill-out de POulbO aura constitué l’une des jolies surprises de cette année musicale. Après s’être fait la main avec le très convaincant Stringed Civilisation, le Niçois nous a ensuite offert l’excellent Summer dont les mélodies planantes mais jamais répétitives risquent bien de vous convaincre également.


19. Koi - Maelstrom

A mi-chemin entre l’abstract hip-hop et l’ambient, le premier LP d’Alex Galotti constitue l’un des incontournables de l’année dans le genre. Très aériennes, les dix compositions composant Maelstrom nous entraînent dans un voyage onirique des plus paisibles, sans jamais se répéter ou ennuyer. Sacrée performance qui me fait attendre avec d’autant plus d’impatience son successeur dont la sortie semble prévue pour 2013.

Chronique IRM


18. Soften - Rocket Science

Rocket Science fait partie de ces belles surprises qui viennent, chaque année, m’étonner peu avant le bouclage de mon top annuel. Écouté à sa sortie, puis de nouveau au moment des révisions permettant de boucler cet article, il a confirmé ma première impression. Il s’agit là, à la manière du Cold House de Hood, d’un disque hivernal dont on ne prendra la pleine mesure qu’aux alentours du solstice d’hiver. La pop entraînante du suisse Nils Aellen réserve en tout cas quelques sommets indispensables.

Chronique IndiePopRock


17. Wild Nothing - Nocturne

Après Gemini, on attendait sérieusement le prochain album de Jack Tatum. Toujours plus raffinée, la dream-pop de l’Américain ne tourne jamais en rond et dévoile petit à petit une multitude de trésors d’arrangements dont il est parfois difficile, après une seule écoute distraite, de mesurer la subtilité.

Chronique Novorama


16. Daily Vacation - Yumaque

Il aurait été difficile pour moi de boucler une année sans citer au moins un artiste signé chez le label Chez.Kito.Kat tant ce dernier m’apporte régulièrement son lot de chefs-d’œuvre. Le post-rock électronique du trio se laisse le temps de faire monter la pression pour offrir des progressions dont le melting-pot d’émotions est assez insaisissable. Charmante entrée en matière discographique, donc.

Chronique IRM


15. Aodhán O’Reilly - Seascapes

Avec Seascapes, Aodhán O’Reilly aura constitué pour moi l’une des révélations de l’année. Ses compositions expérimentales tirant tantôt sur le post-rock, tantôt sur de la musique atmosphérique au piano, s’enchaînent avec une évidence déconcertante. Même si les morceaux ne sont pas très longs, l’artiste prend le temps de faire monter la sauce, usant du crescendo avec habileté.

Chronique IRM - Interview IRM


14. Baden Baden - Coline

Sur Coline, Baden Baden effectue un véritable travail d’équilibriste. Aux premières écoutes, certains (rares) passages m’avaient semblé légèrement mielleux. Ce sentiment s’est néanmoins rapidement envolé. Comme pour The National, l’atmosphère dégagée par Baden Baden a besoin d’être apprivoisée pour libérer toute sa grâce. Et nous combler.

Chronique FroggyDelight


13. Pinback - Information Retrieved

Soyons clairs d’entrée, Information Retrieved n’est pas le meilleur album de Pinback. Il comporte néanmoins suffisamment de sommets pour être un très bon album. La patte de Rob Crow et Zach Smith est toujours très prégnante et je regretterai seulement un léger passage à vide en fin d’album, fort heureusement oublié avec Sediment, final aux allures d’apothéose.

Chronique Novorama


12. Borko - Born To Be Free

Celebrating Life figurait déjà parmi mes disques de chevet. C’est dire si j’attendais avec impatience le second album de l’Islandais qui passe ce cap haut la main. Moins en retrait que sur son prédécesseur, le chant de Björn Kristjánsson laisse le terrain libre à des orchestrations cuivro-électroniques dont la justesse épate. Un bijou.

Chronique IRM


11. Tindersticks - The Something Rain

Le regain de forme des Tindersticks depuis l’excellent The Hungry Saw est incontestable. Si j’avais été moins charmé par Falling Down A Mountain, la magie opère de nouveau avec The Something Rain. Dès les premières notes de Chocolat, morceau de neuf minutes sur lequel le spoken word du claviériste David Boulter fait mouche, on saisit une dimension personnelle sur cet album composé après la perte de nombreux proches du groupe ces deux dernières années. Pour autant, n’allez pas imaginer une ambiance à la Electro-Shock Blues, les Anglais évoquant plutôt un "disque de guérison". Qui se trouve également être intimiste et passionnant.

Chronique IRM


10. Dinosaur Jr - I Bet On Sky

Avec Dinosaur Jr, j’ai sans doute fait les choses à l’envers. Il a fallu que, par hasard, j’écoute I Bet On Sky, pour tomber sous le charme du sens mélodique d’un Jay Mascis dont l’album solo Several Shades of Why m’avait pourtant ennuyé l’an passé. Ce n’est qu’alors que je me suis plongé dans le reste de la (pléthorique) discographie du groupe, seulement survolée distraitement jusqu’alors. Cette plongée dans le passé des Américains me permet finalement de considérer qu’aux côtés de Dinosaur, leur premier album, I Bet On Sky est un sommet discographique du trio. Pas mal pour une formation fondée il y a près de trente ans.

Chronique Soul-Kitchen


9. B R OAD WAY - Solo System Revolution

Après l’excellent Enter The Automaton, que j’avais découvert trop tardivement, les Stéphanois reviennent avec un nouvel opus. Toujours expérimental, le mariage entre les bidouillages électroniques et les mélodies pop du quintette fonctionne à merveille. Cet album a déjà quelques coups d’avance sur la concurrence et les prochaines années devraient permettre de découvrir à quel point Solo System Revolution était en avance sur son époque.

Chronique Froggy’s Delight


8. Beajn - Naeco

Des albums d’ambient, j’en écoute un bon paquet chaque année. Et pourtant, si certaines mélodies prennent immédiatement, il est rare qu’un disque du genre parvienne à me charmer du début à la fin sans entraîner un quelconque sentiment de lassitude. Naeco est de ceux-là. N’allez pourtant pas imaginer un disque aux changements de rythme réguliers, l’ensemble étant extrêmement homogène. Mais le soin porté aux détails sur les différentes nappes nous plonge dans un agréable cocon tout au long de ce voyage onirique.

Chronique IRM


7. T.Saul - Ear Movies Vol.1

S’il me manque évidemment du recul pour juger Ear Movies Vol.1, - l’album est sorti en décembre - il semble pourtant déjà clair qu’à l’instar des meilleurs travaux de Craig Armstrong, celui-ci se bonifiera au fil des années. Moitié d’Earthling, Tim Saul présente ici une sensibilité cinématographique qu’il a pu développer et enrichir au cours d’une décennie passée loin des projecteurs à diversifier ses influences en même temps qu’il multipliait les projets parallèles.

Chronique IRM


6. Godspeed You ! Black Emperor - Allelujah ! Don’t Bend ! Ascend !

La fidélité des Canadiens pour l’utilisation de points d’exclamation est plutôt un bon signe. Malgré dix ans d’hibernation discographique, le collectif de Montréal a encore des choses à dire. Comme souvent, les luttes populaires - ici, le Printemps d’Erable - décuplent la créativité d’Efrim Menuck et ses acolytes. Si Yanqui UXO restera pour moi le chef-d’œuvre de GY !BE, ce nouvel opus en constitue une suite crédible et logique. Un disque en phase avec son époque.

Chronique Goûte Mes Disques


5. Tristesse Contemporaine - s/t

Pas de jaloux chez Earthling. Nous avons parlé précédemment de Tim Saul, voici venu le tour de Mau, MC du duo. Si l’on attend toujours des nouvelles de Motorville, son alléchant projet aux côtés de Kid Loco et DJ Seep, celui qui préfère désormais le pseudonyme de Maik a su s’acoquiner avec Leo Hellden (ancien compère de Jay Jay Johanson) et Narumi Omori (croisée aux claviers de Telepopmusik, formation ayant d’ailleurs collaboré avec Mau par le passé) pour former, avec Tristesse Contemporaine un trio expérimental dont la profondeur des productions séduit d’emblée. On aurait pu craindre, au vu des influences de ses membres, un ancrage profond dans les années 90. Il n’en est rien. La musique de Tristesse Contemporaine est en phase avec son temps, sombre, rythmée et jamais plaintive.

Chronique IRM


4. Dominique A - Vers Les Lueurs

Bien qu’admirant Dominique A, je ne suis pas fan de toutes ses facettes artistiques. Aussi, à sa sortie, je n’avais pas pris le temps de décortiquer La Musique/La Matière. Je savais d’emblée que je n’allais pas y trouver mon compte. La donne s’est inversée avec Vers Les Lueurs. Plus évident, plus mélodique, l’ensemble constitue, avec La Fossette et Auguri, le sommet discographique du natif de Provins.

Chronique IRM


3. One Little Plane - Into The Trees

Bon, on ne va pas se mentir, lorsqu’un album démarre par la basse de Colin Greenwood, j’ai bien du mal à ne lui prêter qu’une oreille distraite. Mais force est de constater que Kathryn Bint - croisée sur le Melody Day de Caribou - a bien trop d’atouts à faire valoir pour se contenter de s’appuyer sur cet invité de luxe. Une voix touchante à la Emilíana Torrini, un sens mélodique évident et des arrangements sans fioritures offrent à l’auditeur un grand album.

Chronique IRM


2. Sigur Rós - Valtari

Avec Með Suð í Eyrum Við Spilum Endalaust et les projets parallèles de Jónsi, je craignais qu’il ne faille me résoudre à abandonner tout intérêt pour les nouvelles productions des Islandais. Heureusement, moins enjoué - ce qui ne leur réussit pas vraiment -, Valtari constitue autant un retour aux sources qu’une nouvelle évolution dans la discographie de Sigur Rós. Et un grand cru de la troupe de Reykjavik est forcément synonyme de podium sur un top annuel.

Chronique IRM


1. Dog Bless You - Ghosts & Friends

Samuel Ricciuti est décidément un homme exceptionnel. En plus d’opérer avec brio au sein de Beat For Sale et de signer, chaque année, de nouveaux artistes passionnants sur le label Chez.Kito.Kat, il nous avait caché - du moins sur le format LP, quelques splits et contributions diverses ayant été réalisés - sa cartouche la plus redoutable. En solitaire, c’est du moins une illusion au vu du nombre d’invités qui ne nuisent nullement à la cohérence de l’album, sous le pseudonyme de Dog Bless You, le Messin nous invite à bord pour un voyage émotionnel en première classe, à n’en pas douter, au vu du confort de celui-ci. A défaut d’être celle du dragon, 2012 était donc, au choix, celle du chat (Kito) ou du chien (doté du pouvoir de bénédiction).

Chronique IRM - Interview IRM