Mia Doi Todd (w/ Andres Renteria) - Morning Music
Quand la plus belle voix de l’Amérique d’aujourd’hui se contente de faire chanter les instruments, c’est à une véritable aurore musicale qu’elle nous convie, une symphonie lo-fi sans partition ni orchestre mais aux allures ambient d’éveil à la vie.
1. Harmonium One
2. Arise
3. Samai’i
4. Electrafficbirds One
5. Simple Things
6. Emotion
7. Electrafficbirds Two
On connaissait surtout Mia Doi Todd, multi-instrumentiste surdouée, pour sa folk intense et décharnée au psychédélisme hypnotique, influencée autant par Nick Drake, Elliott Smith ou Palace Brothers que par les musiques indiennes ("la musique classique indienne est celle que j’aime écouter dans les occasions et les humeurs les plus diverses" avoue-t-elle) et japonaises (après un an passé là-bas à étudier notamment le buto, cf. le clip de The Way), et zébrés par exemple d’arrangements aussi épurés que majestueux sur le fabuleux Gea qui dans un monde parfait aurait sans doute trouvé par chez nous l’an passé une place comparable dans le coeur des critiques à celle occupée par le dernier album en date de l’argentine Juana Molina.
Il le faudra bien un jour, que la réputation de la californienne traverse l’Atlantique avec plus de dix ans d’une disco exemplaire dont le chef-d’oeuvre, The Golden State, date tout de même de 2002, mais on ne pariera sûrement pas sur ce Morning Music pour renverser la donne. Manque en effet ici l’élément fédérateur de sa musique, qui a su séduire webzines et blogueurs au pays de l’oncle Sam depuis le plus coloré et luxuriant Manzanita en 2005, auxquels participaient notamment des membres de Dead Meadow et Beachwood Sparks : cette voix, unique en son genre, à la fois profonde et légère comme la brume, immuable et fragile, blanche et expressive, qui fascinera Scott Herren (aka Prefuse 73) au point de lui confier les choeurs célestes en ouverture du merveilleux Golden Pollen de Savath & Savalas en 2007, et déjà six ans avant lui Jimmy Tamborello pour son projet Dntel - Anywhere Anyone ça n’était pas n’importe qui n’importe où, mais bien la belle Mia dans les brumes stratosphériques du sommet d’envoûtement de Life Is Full Of Possibilies - éveillant également l’intérêt de remixeurs tels que Flying Lotus ou les suédois de Dungen comme en témoignera en 2006 la superbe compilation La Ninja : Amor And Other Dreams Of Manzanita.
La voix, un instrument qui brille donc par son absence dès Harmonium One (en écoute sur myspace), longue pièce d’introduction ambient ouverte par des percussions approximatives semblant venir d’un lointain subconscient, pour laisser place ensuite comme son titre l’indique à un harmonium indien dont les modulations doucement psychédéliques annoncent sur six minutes entêtantes la fin d’un sommeil sans rêve. Un piano le rejoindra bientôt sur Arise pour un réveil confus et embrumé, égrenant ses arpèges troublants dans ce qui nous apparait tout d’abord comme une forme de composition aléatoire.
Un jeu d’improvisation captivant et particulièrement évocateur qui permet à l’américaine selon ses propres termes de "se libérer du confinement des mots", aidée en cela sur Samai’i par le percussionniste Andres Renteria, collaborateur de longue date qui fait naître de son cajón ("un instrument en bois très populaire dans la musique cubaine" explique Mia) un rythme rapide et complexe en addition des bongos frappés par l’américaine et d’une guitare répétant à intervalle régulier le même accord, trame sur laquelle vient danser une flûte irlandaise rapidement rejointe par le bourdon psychédélique d’un tamboura, instrument indien proche du sitar, pour une suggestion foisonnante du fourmillement de la vie au petit matin.
L’homme et la nature vaquent déjà à leurs occupations tranquilles sur Electrafficbirds One, où l’on peut d’ailleurs entendre la circulation des voitures se mêler aux chants d’oiseaux, tels que Mia elle-même les percevait depuis le "Château des Chats", son home studio au bord de la LA River. Le piano alors se suffit à lui-même, demeurant seul et méditatif sur un Simple Things qui porte bien son nom malgré les modulations électroniques subies par l’instrument comme autant de réminiscences oniriques de la nuit passée.
Comme sur Samai’i, Emotion voit ensuite Andres Renteria ajouter une seconde ligne de piano à l’écheveau complexe et mouvant des mélodies acoustiques discrètement rythmées par un udu, percussion africaine en glaise dont la simplicité et l’harmonie des formes n’ont d’égales que celles de cette ode merveilleuse à la contemplation, dernière étape avant l’expérience transcendantale d’Electrafficbirds Two qui semble dénouer les fils mélodiques et instrumentaux des morceaux précédents comme autant de chemins à arpenter pour parvenir à la sagesse.
Sept morceaux seulement, ou plutôt sept parties indissociables d’un même mouvement musical aux multiples niveaux de lecture, récit intime d’un début de journée ordinaire, tableau impressionniste du frémissement d’une bourgade campagnarde au petit matin ou allégorie métaphysique d’un éveil spirituel peut-être, un éveil au monde, à la nature, à la sensation de la vie ou pourquoi pas aux sens, autant d’interprétations possibles pour vibrer à l’unisson de cette oeuvre majeure de la musique contemporaine.
Sur ce neuvième opus enregistré en quatre jours à peine en son fief de Los Angeles sous l’égide du producteur et multi-instrumentiste Jonathan Wilson, la grande Mia retrouve sa voix mais aussi le percussionniste Andres Renteria à l’œuvre sur son superbe Morning Music de 2009 pour accoucher de son disque le plus apaisé et coloré à ce jour, en toute (...)
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