Maeki Maii : "Mon roman, c’est ma discographie"

Il est assurément le rappeur le plus littéraire de sa génération et ce n’est pas là le seul de ses talents. Maeki Maii avait fini l’année 2024 en trombe avec pas moins de deux albums coups sur coups : l’éclectique Sur Des Charbons Ardents et l’album de remix From Maeki With Love. Le voilà qui s’apprête déjà à marquer de 2025 de son empreinte avec Saut de l’Ange, album qui sortira le 4 avril et signe le retour de sa (très fructueuse) collaboration avec l’excellent beatmaker chilien LJazz. C’est à cette occasion que le désormais quadragénaire a accepté de revenir sur sa très riche carrière et de se livrer avec franchise et volubilité sur bon nombre de sujets, de la musique à la littérature en passant par l’Italie, le football ou l’état de notre monde. Avec ce style qui n’appartient qu’à lui.
IRM : Salut Maeki. Il y a chez toi quelque chose de très ambivalent : un côté très iconoclaste et un autre finalement assez traditionnel, un peu old school (je pense notamment à ta manière de revendiquer ton ascendance italienne). Comment expliques-tu cette tension entre ces deux concepts opposés ?
Maeki Maii : C’est un truc qui se ballade dans mon sang, une virée entre l’Italie du Sud de ma mère, chaleureuse et chantante, et l’est de l’Autriche de mon père, rustre et paysanne... Une ambivalence marquée aussi dans mon thème astral avec mon signe froid du Capricorne et la folie de mon ascendant Sagittaire et ses gros sabots. Ma personnalité est baignée dans cette dualité, dans ce constant western dans lequel les différentes parties de moi-même se scrutent à travers des regards perçants entre la poussière et le cagnard. C’est quelque chose que je vis très bien mais qui peut m’attirer quelques animosités, surtout quand les personnes s’aperçoivent que je ne suis pas qu’un joyeux luron extravagant mais aussi un misanthrope endurci. Mais au milieu de tout ce bordel règne la partie la plus intéressante de moi-même : ma naïveté. C’est uniquement cette dernière qui me fait "ruer dans les brancards" car en vérité je n’ai pas conscience de ça, et j’en ai strictement rien à foutre, de mon point de vue se sont plutôt les autres qui sont plongés dans une sorte d’apathie bourgeoise, cette crainte de déplaire et ne pas vouloir faire de vagues. Rester sur les eaux calmes de leur zone de confort. Cette attitude de petite mijaurée me débecte. Mais finalement, en y réfléchissant, cette ambivalence je l’avais soulignée dans le clip de Neptune, pour mon deuxième album Du Crack sur le Danube en 2018, avec les deux Maekis qui dialoguent, le mafioso et le moine fou, personnages qu’on retrouve dans Sonoran en 2023 avec Tokyo Killer Boy et El Topo. Comme quoi j’arrive à rester cohérent dans tout mon bordel.
On a parfois l’impression que tu es tiraillé entre misanthropie et bienveillance (pour reprendre le titre d’un de tes albums). Peux-tu nous éclairer ?
Au fil du temps je me suis aperçu que je ne pouvais pas me contenter de la misanthropie car elle me figeait dans une sorte de lâcheté, celle de rester cloîtré dans une zone de confort putride qui empêche de me sublimer. Alors j’ai pris la route de la bienveillance, armé de ma naïveté, j’ai découvert un terreau idéal pour faire germer ma connerie, mais être bienveillant ne doit pas faire oublier que le monde est peuplé de fils de putes. J’essaie de faire transparaître cette absence de manichéisme dans ma musique autant pour moi que pour les autres, mes nombreux titres introspectifs tels que Purple Submarine sont là pour me rappeler que je suis un connard comme les autres.
De Naples à Dante en passant par Imperator, l’Italie, et à travers elle, la Rome Antique, t’a beaucoup inspiré. Quel est ton rapport à la Grande Botte ?
On pourrait ratisser encore plus large, de Ciao ! (mon premier clip, tourné en Italie en 2013) jusqu’à Dolce Vita (mon dernier titre d’Art Feeling de 2023), l’Italie est présente et ce n’est pas qu’une question d’origine. Pendant la majeure partie de ma vie je m’en battais allègrement les couilles de ces histoires parce que je ne connaissais l’Italie que par les Italiens de Genève qui, finalement, étaient plus Genevois qu’Italiens, mais la donne à changé après mon voyage en solitaire à Rome. J’étais parti dans le seul objectif de voir le lieu où Pasolini a été tué mais je me suis retrouvé dans un torrent de ritalisme pur (ritals du sud évidemment) avec mes différentes rencontres, Marino, Sergio et Damiano en tête. Un putain de maelström de vitalité qui m’a transcendé et porté aux nues mon italianisme intérieur sous l’œil bienveillant de Pasolini. Depuis, je n’ai eu de cesse de chanter ce pays qui m’a donné tant d’amour car quand on te donne de l’amour il faut savoir le rendre, ce n’est pas ce genre de saloperies qu’on garde pour soi comme un petit-bourgeois ingrat et mesquin.
Quand on pense Italie, on pense souvent football. Comment expliquer qu’aucun vers de tes nombreux titres n’y fasse référence ?
Après la merveilleuse coupe du monde de 2006, le football n’a plus eu grand intérêt pour moi. Cette année-là j’ai atteint le paroxysme de l’extase footballistique, ça me suffit. Et pour chanter l’Italie il n’y a pas que le foot, c’est peut-être ça que je n’aimais pas dans l’Italie pré-Rome, cet alignement de clichés berlusconiens foot-gonzesse-pizza qui réduit l’Italie à une caricature. Ce cliché devient acceptable seulement quand on a traversé tout le reste, toute sa beauté poétique et pleine de vitalité. Si à 50 ans t’as pas chialé de joie en Italie, tu as raté ta vie mon Rhilliss.
J’aurais pensé que tu sortirais un titre spécial quand le Napoli a été sacré champion après trente ans d’attente...
Je laisse ça à mes frères de Naples qui le font bien mieux que moi. Pour ma part j’ai déjà sorti un titre spécial pour Naples, Accatone (encore Pasolini) avec le fabuleux Italo IDL, véritable artiste napolitain. D’ailleurs c’est par lui que j’ai appris la possibilité que Napoli accède au scudetto. Je lui avais répondu "Tu verras notre morceau va porter bonheur à Napoli." Ça n’a pas manqué, mon karma de Gontran Bonheur a encore frappé !
Tu es supporter de quelle équipe, toi ?
Je suis un piètre supporter. Je me dis supporter de la Roma depuis mon voyage à Rome, mais entretemps je me suis créé beaucoup d’amitiés avec des Napolitains, donc on va dire que je suis content quand l’une de ces deux équipes gagne. Mes convictions footballistiques ne vont pas vraiment plus loin que ça, c’est dire.
Bon, après le foot, abordons un peu les livres (rires). Tu as une véritable approche littéraire de ton art. La seule évocation de titres tels que Dante ou William Blake le prouve. Quel est ton rapport à la littérature ?
En vérité je ne pige que dalle à toute la technicité de la littérature ainsi qu’à tous les autres arts en général, y compris la musique et le cinéma. Je ne suis qu’une éponge qui absorbe tout ce que je lis, vois, écoute, vis et le recrache dans un magma maekien et tout ceci dans une absence complète de stratégie. C’est comme ça que je crée : tout est intuitif, animalesque même. Dans l’absolu, je ne comprends rien à rien, et ça a toujours été ainsi. Parfois, on me dit que je suis quelqu’un d’intelligent mais c’est faux, je suis intuitif c’est tout. Je n’ai pas besoin de comprendre une œuvre pour l’aimer. Par exemple, je n’ai pas compris 80% de L’idiot de Dostoievski et ça ne m’a pas empêché de chialer à la fin de la lecture face à la beauté de l’œuvre.
Oui, c’est un rapport très organique. Dans Naples, tu évoques Curzio Malaparte. Quels sont, justement, les auteurs qui t’ont influencé ?
Je n’avais pas encore lu Malaparte quand j’ai écrit Naples. Ce passage que tu évoques sur le "Napoléon Bonaparte / Napoli Malaparte" m’avait été suggéré par mon ami Deck Damiano, à Rome. Il me l’avait "offert" car en Italien ça passait moins bien qu’en Français, me disait-il. C’est absolument génial que sur les centaines de textes que j’ai écrits tu évoques l’un des rares passages, peut-être même l’unique qui n’est pas de moi. J’adore ! Quant aux auteurs qui m’ont influencés, je dirais que, d’une manière générale, Pier Paolo Pasolini, Oscar Wilde, Marc-Edouard Nabe et Charles Bukowski sont ceux qui m’ont le plus impacté dans la création de mon univers, mais ca dépend des albums voire des morceaux. Dante, Castaneda, Jack London et William Blake m’ont beaucoup influencé pour l’album Au Temps pour Moi par exemple.
Marc-Edouard Nabe ? Je ne m’y attendais pas. Tu as un vrai talent de nouvelliste pour dépeindre des sortes de vignettes musicales. C’est particulièrement prégnant sur l’album Bienveillance avec des titres comme Copacabana, Cadillac Deamon ou encore Mystic Tequila. As-tu jamais pensé à sauter le pas et à te lancer dans l’écriture d’un roman ou de nouvelles ?
Il faut déjà noter que sur les 4 titres que tu cites, hormis Mystic Tequila, tous ont été produit par Jazzy-C, car au tout début je voulais faire un projet de 6-7 titres avec lui que j’aurai appelé Rhilliss Stories avec uniquement des petites histoires comme ça. Mais ça délaissait trop ces autres titres que j’avais sous la main, notamment ceux produits par Konstrukt, mon ami de toujours, dont Mystic Tequila, et qui ne demandaient qu’à vivre, les pauvres... C’est comme ça que Bienveillance a été créé. La Bienveillance elle n’est pas pour les rares auditeurs, ni pour le reste du monde, elle est pour ces morceaux qui vivent dans la joie et la bonne humeur, tous ensemble, pour toujours, main dans la main.
Pour ce qui est de la littérature, j’y ai pensé autrefois quand je croyais que j’étais un mec littéraire, mais il ne faut pas se faire d’illusion, c’est un domaine trop noble pour un clochard de mon genre. Je laisse ça aux vrais artistes de la littérature et aux prétentieux qui pensent l’être. À noter que j’écris mes textes de manière qu’ils soient lus autant qu’écoutés sauf que les seules personnes qui les lisent sont les non-francophones quand je leur envoie mes textes traduits par Google, par conséquent il n’y a quasiment qu’eux qui comprennent réellement mes textes. J’adore ce paradoxe typiquement maekien ! En vérité mon roman c’est ma discographie, il faudrait un Rhilliss suffisamment taré, l’auditeur parfait, qui arrangerait tous mes titres dans un ordre cohérent pour créer une œuvre "musico-littéraire" qui suivrait de bout en bout l’aventure maekienne.
Continuons à creuser dans cette direction. Au Temps Pour Moi est à mon sens ton album le moins narratif et également le plus abstrait. Sans doute aussi le plus littéraire. Comment expliques-tu cela ?
Au Temps Pour Moi avait pour but d’être un voyage - tous mes albums sont des voyages, je précise - au dernier cercle de l’enfer. Une œuvre hivernale suintant la mort parce que je sentais intuitivement qu’à la sortie de cet album j’allais devoir affronter une expérience sombre. Donc en l’écrivant et en le posant, je me préparais psychologiquement à vivre quelque chose de très dur. C’est d’ailleurs pour ça que j’ai sorti rapidement Bienveillance juste après, pour fermer cette porte macabre et fatale. Je n’y ai pas échappé : trois décès de proches en deux mois suite à la sortie de l’album.
J’aimerais qu’on revienne un peu sur Sonoran. C’est difficile d’être objectif parce que je suis partie prenante, mais, à mes yeux, dans cet album tu as inventé quelque chose de nouveau : une sorte de hip-hop psychédélique perfusé aux influences de Jodorowsky et Castaneda. On est à la fois dans la BD, le cinéma et la littérature ; dans le sacré et le profane. Qu’est-ce que tu voulais faire avec cet album ?
Le sacré et le profane sont deux faces d’une même pièce que j’avais déjà explorée avec mon Jeune Prière où la sodomie et l’éjaculation se mêlaient à la prière, le tout dans une atmosphère comique à la Buster Keaton, c’est-à-dire drôle sans esquisser le moindre sourire. Avec Sonoran j’ai voulu faire autre chose. Une sorte d’album de rap chamanique, un voyage dans le désert mais en éradiquant tout batifolage romantique. Un désert poisseux dans lequel la folie et la solitude baisent comme des sauvages loin de toute image instagramable. Ce genre de "non-lieux" où tu es acculé à l’introspection la plus totale, la plus pure, sans aucun échappatoire avec pour seuls alliés ta vieille pelle pour creuser au plus profond de toi et ta gourde orange pour ne pas crever de soif. En y réfléchissant, il est la suite logique d’Au Temps pour moi. On pourrait imaginer qu’après le désert de glace du Yukon de ce dernier, notre personnage s’engage dans le désert aride de Sonora, en Arizona, en passant par un road trip de Bienveillance dans une Cadillac démoniaque. Dans cet album j’y ai mis toute mon âme et ma sauvagerie.
Dernièrement, en réécoutant, Au Temps Pour Moi, je me faisais la même réflexion. Il y a une vraie connexion entre ces deux albums. Cependant, Sonoran est un four complet. Comment tu le vis ?
Très bien, le petit pincement au cœur passé, toutes mes rancœurs ont fini inlassablement dans mon broyeur interne. À force d’accumuler les déceptions, je me suis forgé une solide carapace. Tant pis si tout le monde passe à côté de cette fresque. À force, l’indifférence m’indiffère. C’est un peu le sort réservé aux connards de notre genre. Il ne faut pas oublier que l’industrie musicale n’engendre que des perdants. On peut s’imaginer stars ou pire encore artistes mais finalement nous ne sommes qu’une pincée de sel dans cette grosse bouillabaisse dont l’ingrédient principal est la fils-de-puterie.
Nous avons évoqué tes racines italiennes tout à l’heure, parlons un peu de la culture asiatique qui tient une place importante dans l’univers maekien. Tu cites autant Miyazaki que Kitano. Comment y viens-tu ? Quel est ton rapport à celle-ci ?
Mon premier titre japonais c’est Sanjuro de mon album Du Crack sur le Danube, hommage assumé au cinéma d’Akira Kurosawa qui m’a fortement influencé. C’est vrai que le Japon prend beaucoup de place dans mon univers, il ne faut pas se leurrer tout a commencé grâce au Club Dorothée comme quasiment tous les Rhilliss de mon âge. Quelle folie de pouvoir regarder "Ken le Survivant" à 8 ans, le mercredi matin en mangeant ses tartines de Nutella. Bien plus tard, quand j’affinais ma cinéphilie, c’est Akira Kurosawa qui m’est tombé sur la gueule et ce fut le Paradis. Mon asiatisme est une mythologie que je me suis créée. En piochant dans mes propres références, mon imagination, mes délires, j’ai créé une Asie maekienne. Je ne sais pas à quel niveau elle correspond à la réalité et je m’en fous. Tout ça c’est allégorique et c’est surtout l’occasion de balancer des références que j’aime. Mais si on prend l’exemple de Tokyo Killer Boy, j’ai voulu monter un film entre John Woo et Takeshi Kitano, et dans cet exercice tous les lieux cités, les noms de bars, les routes, les quartiers existent vraiment. En googlisant j’ai apporté de la réalité à la fiction, la virtualité doit être un outil au service de l’artisan et non l’inverse.
Jouons un peu : je vais te donner quelques morceaux de ta discographie parmi mes préférés. Je te demande de nous dire ce qu’ils t’évoquent.
Naples
On le saura que c’est ton morceau préféré ! (rires) Blague à part ce morceau m’évoque une rencontre magique avec Wiro, Davide Irah et DJ Slyde, c’était à Lausanne, je me promenais avec mon fidèle Dabtwo, ce fratello avec qui nous venions de faire le tour du sud de l’Italie quand soudainement j’entends parler italien derrière nous, je me tourne et aperçoit trois Rhilliss scintillants et suintant le Sud. Il m’en faut pas plus pour les aborder, trois Napolitains, deux rappeurs et un beatmaker en visite sur Lausanne. Le miracle à l’italienne. Depuis, ce sont tous comme des membres de ma famille. Rapidement ce featuring est né sur une prod de John Volatyl.
Dante
Encore du ritalisme et pas n’importe lequel car c’est une collaboration avec la légende helvetico-rital Dissipé. Ça faisait longtemps que je voulais un titre mythique à côté de cet immense artiste et quand nous préparions l’album Au Temps pour Moi avec R$KP , j’avais l’ambition d’amener des featurings épiques (Crapulax, A’s, Sauveur Eloheem... rien que ça) . Pour ajouter du sublime au sublime, Dissipé à tenu de faire son couplet de Dante dans la langue de Dante.
Chinatown
Un de mes chefs-d’œuvre. J’étais dans ma période "chinoise" à cette époque, j’ai toujours été attiré par les quartiers chinois, c’est un délire cinématographique avant tout, mais j’en ai construit une sorte de mythologie maekienne. Je me souviens parfaitement de la création de ce morceau : on était seuls au studio avec John Volatyl et il m’a sorti un sample de l’Enfer d’une obscure chanson chinoise. Evidemment, la prod est géniale, la signature de l’oiseau genevois, et j’ai écrit mes couplets d’une traite, le deuxième en premier d’ailleurs. J’avais en tête une anecdote de Dabtwo qui me racontait qu’aux États-Unis, il existait des bus qui ne voyageaient que de Chinatown en Chinatown et je l’ai rajoutée dans le refrain. Puis il y a eu le clip. Réalisé par Kwilu, un grand Noir à l’élégance insurpassable. Ce fumeur de cigares transpire la classe de la tête au pied. Il était venu à la maison avec son comparse et un casque de soldat américain. Il m’a laissé en roue libre, j’étais complètement éclaté, j’enchaînais les rhums et les dabs, ça ne voulait rien dire et en même temps c’était parfait. La prod est incroyable, le clip est fabuleux et mon texte n’est rien d’autre qu’un casse-tête chinois, une énigme en mandarin dont même moi n’en ai pas encore extirpé tous les mystères qui y résident. C’est Chinatown.
Double Panda
Encore une chinoiserie mystique produite par John Volatyl, mon morceau le plus "accessible"... Mainstream comme disent les Péruviens. Ce morceau, je l’avais écrit à mon travail, sur ordinateur. J’avais la prod en tête et mon boulot me faisait royalement chier à cette époque alors je compensais en écrivant des titres au lieu de jouer mon rôle de fidèle employé. Je voulais faire un morceau universel, dans lequel tout le monde pouvait se reconnaître. Un truc fédérateur, j’aime ça fédérer. C’est sûrement mon plus grand rêve, celui de faire LE morceau fédérateur dans lequel tout le monde pourrait se reconnaître tout en ne trahissant pas mon identité maekienne. Ce titre en est une tentative, il y en a eu d’autres - La Terra notamment. Quand je suis arrivé au studio avec mon texte imprimé depuis mon travail, il y avait Ciflow, ce jeune et luxurieux Rhilliss en goguette, dont le sourire cap-verdien illumine même les démons les plus sombres. Il était sur-emballé par le titre, Volatyl aussi, j’ai demandé à Ciflow de faire les ad-libs, que ce titre ne soit pas qu’un titre maekien mais un travail d’équipe, c’est ma philosophie, gardez toute la lumière sur soi c’est un truc de petite pute. Bien sûr celui-là aussi fallait le clipper, c’est Marvin Skeudovitch qui s’y est collé, un génie juif que je connaissais des Internettes. Dessinateur de talent, ce fou a dessiné à la main chaque plan du clip. C’est littéralement un clip fait main du début à la fin. On en fait plus des comme ça. Évidemment ce fut un bide mais je suis sûr que les anges du Paradis se régalent à se mettre le clip en boucle. Seuls les anges savent.
Copacabana
Là on est plus dans les histoires de studio, c’est la période où j’enregistre chez moi, tout seul comme un petit artisan, ce que je suis d’ailleurs, une sorte d’artisan de la poésie. Ce titre Copacabana est particulier car il s’inscrit dans une dynamique d’écrire des histoires, tout comme Étage 38 ou Tokyo Killer Boy, on suit un personnage dans son aventure souvent macabre, toujours dans une démarche cinématographique car quitte à ne pas pouvoir faire des films j’en fais des chansons. Il suffit de mettre ton casque, fermer les yeux et pendant quelques minutes et tu vis un film complet. Copacabana est un de ces "titres-films" et plus particulièrement un remake du film d’Henri-Georges Clouzot, "Le salaire de la peur" combiné à son remake par William Friedkin, "Sorcerer". Mais avec ma vision derrière, ce qui est intéressant dans ce titre c’est le refrain qui est le mantra du personnage principal qui se répète inlassablement durant l’histoire. C’est tout mon univers qui est là-dedans, celui du mantra. Avec les thèmes récurrents, la dimension mystique de mes textes, mes chansons sont semblables à des mantras répétés en boucle, le derviche-tourneur des mots. Comme l’Ave Maria et le Padre Nostro chez les catholiques, chacun de mes refrains est une prière. Amen.
Sonoran
C’est aussi un de mes préférés, c’est la clôture de ma trilogie du désert avec El Topo et Eldorado, pour l’album éponyme je voulais que le titre soit la pièce maîtresse de l’album. Souvent les chansons-titres d’un album me déçoivent. Je ne voulais pas offrir ça à mes auditeurs, ni à moi-même, ni à l’excellent producteur Wolf City, le prince du (vrai) underground, qui ne mérite rien d’autre qu’un torrent de bienveillance éternel dans sa gueule de beau gosse. Dans ce titre je zigzague entre une interprétation langoureuse et des éructations ; c’est l’équilibre entre la rage et la sagesse, la folie et la raison, le yin et le yang. Toute la puissance du désert et la quintessence d’un autre de mes univers typiquement maekien, celui du Western Mystique : un mélange entre Sergio Leone et Carlos Castaneda. C’est aussi une apologie de la solitude et de la délivrance par la souffrance. Je souffre donc je vis.
Saigon
Pur délire introspectif avec cette mythologie du vétéran du Vietnam en arrière-plan. La confiance au temps, la conscience de ses propres démons. C’est surtout l’un des derniers titres que j’ai enregistrés à Genève avant de partir vivre chez les Frouzes. Encore une fois c’est John Volatyl à la prod, il faut souligner la qualité incroyable de son travail en tant que producteur et ingénieur du son, ce mec a une maîtrise instinctive du son, de comment mixer une voix, apporter de la puissance à ses beats. Combien de fois je l’ai vu à l’œuvre, tout paraît simple tellement c’est inné. Ce fratello est un véritable maestro de la musique, chacune de ses prods pue le génie à des kilomètres. Saluez l’artiste !
Pour ce titre j’avais un clip fait maison, j’en ai fait quelques-uns qui se prélassent sur mon Youtube, en mode téléphone, montage basique, juste pour le kiff car merde, tout ça c’est pour le kiff avant tout et dans celui-ci j’y ai ajouté le rire de mon fils comme introduction. C’est la meilleure partie du morceau, le rire de mon fils c’est la meilleure partie de ma vie.
Cyberpunk
Excellent que tu évoques ce morceau, encore une collaboration de luxe made in Audius, Seigneur comme je me régale a explorer de nouveaux univers avec tant d’artistes variés aussi talentueux. Celui-ci c’est une collab avec Magma Lows, producteur électro originaire de ce grand pays qu’est l’Espagne, ce magnifique enfoiré m’a bien poussé à sortir de ma putain de zone de confort avec cette prod incroyable. C’est essentiel pour un artiste de sortir de cette zone putride qu’est le confort, c’est comme ça qu’on évolue, dans le danger, les obstacles, le labeur et l’inconnu. Ne jamais hésiter à foutre les pieds dans la merde tant qu’on reste cohérent avec nos valeurs. Par conséquent je me suis laissé bercer par cette prod complètement timbrée avec un texte rétrofuturiste qui malmène l’époque et la société de consommation, Magma Lows a vraiment assuré sur le mixage et le mastering. Un travail propre, efficace et sans fioritures. Chapeau l’artiste.
Little Brother (feat. Jason Langvee)
Ooooh oui ! Qu’est-ce que je l’aime mon Jason. Franchement ce chanteur me régale, humainement d’abord mais aussi artistiquement. Ce mec j’ai envie de faire un album avec, un truc qui serait complètement dans l’ambiance de cette collab. En vérité ce titre n’est pas un titre original, à la base c’est un solo de Jason, il me l’avait envoyé et je lui ai dit direct : "Écoute frérot, faut qu’on en fasse une version duo." La machine était lancée. Dans ce titre c’est avant tout Langvee qui étincelle, sa voix, son charisme, sa musique, le bluesman d’Ontario brille de mille feux. Derrière, mon petit couplet nonchalant ne fait rien d’autre que lui donner encore plus de lumière et c’est tant mieux car il faut absolument que le monde découvre Jason Langvee.
Ces derniers temps, tu multiplies les one shots, les collaborations avec plusieurs artistes internationaux, notamment par le biais de ce collectif que tu as monté avec d’autres musiciens via la plateforme Audius. Peux-tu nous expliquer un peu ce projet ?
Clairement Audius est devenu mon terrain de jeu favori, merci à R$KP de m’avoir lancé dessus. C’est dommage que cette plateforme n’ait pas plus de succès surtout que désormais on peut mettre nos titres/albums en vente à la Bandcamp avec une commission de la plateforme plutôt modeste, on est loin de la Spotifyrie crapuleuse. En tout cas j’y ai fait des rencontres artistiques fabuleuses, Ljazz, Stewart X, Jason Langvee, Uezurii, Druggy, Miracle, Ryahu, Scan-N-Kutt, Sabba... la liste est longue ! Derrière on a commencé la création du CollabHaven Collective, le principe c’est de favoriser et multiplier les collaborations entre artistes de divers horizons. C’est Ljazz et Uezurii qui ont lancé ça, j’ai été un des premiers à grimper dans le navire, pour le moment on est un peu en stand-by, certains trucs se font dans l’ombre mais il y a un projet que j’ai sorti qui symbolise parfaitement le CollabHaven c’est Sur des Charbons Ardents. Dans le top 3 de mes meilleurs albums, le projet est le résultat de toutes ces collaborations en one shot mises bout à bout dans une cohérence plutôt stupéfiante. Malgré les différences de styles, de producteurs, d’univers, j’ai réussi à monter quelque chose de fiable, une sorte de playlist maekienne pour Easy Riders en goguette. C’est l’esprit de CollabHaven qui est dans ce projet. Des artistes du monde entier réunis sur un projet, c’est le principe de l’unité. Je parle jamais d’unité, je l’applique.
Je trouve que ça fonctionne très bien avec Ljazz. Votre projet Art Feeling était mortel. Pensez-vous sortir un long format prochainement ?
A noter que Ljazz a quitté le collectif CollabHaven suite à des mésententes internes dont je suis resté à l’écart. Mais Ljazz est un frère et un génie de la musique, l’association entre le jazz et le rap c’est lui qui l’incarne le mieux. Ça touche au sublime. On a fait notre premier projet à une vitesse éclair, c’est avec sa musique que je me sens le mieux, dans laquelle je suis le plus libre, Art Feeling est une œuvre d’art, un tableau de la renaissance italienne, c’est sophistiqué, intime, élégant, je me suis laissé porter dans une errance sauvage grâce à ses sublimes musiques. Pas de refrain sauf dans Dolce Vita, pas de limite, que du laisser aller. C’est ce chilien magnifique qui me pousse dans cette atmosphère, cette stratosphère même. Évidemment un deuxième projet est en cours, et pour IRM j’offre l’exclusivité du titre : Saut de l’Ange et, parce que je vous aime, des invités : Crapulax, LK de l’Hotel Moscou, Moïse The Dude et Dr. Koul. Dans ce nouvel album je vous garantis, il n’y aura que des chefs-d’œuvre, le Maekisme et le Ljazzisme poussés à leur paroxysme, tous les invités ont livrés des performances au-delà de la perfection et les prods de Ljazz sont toutes plus bouleversantes les unes que les autres. Ce sera moins lo-fi qu’Art Feeling, même si vous allez trouver des pointes de poésie plus infinies que le désert. Cet album il va falloir l’immortaliser correctement car même pas né il est déjà culte. Ouais, le natif de Santiago est certainement l’un de mes binômes préférés, le second ? On va en parler très vite.
Là encore, je vais m’effacer et te laisser la parole, mais peux-tu nous parler un peu de French Riviera ?
Qu’est-ce que je vous avais dit ? Le voilà mon autre binôme préféré : Wolf City. Dernièrement quelqu’un disait que notre association transpirait la musique, j’avais pas remarqué, mais putain, c’est beau donc c’est vrai. French Riviera est né pendant Sonoran, dans cet album je voulais que les quatre éléments apparaissent dans la tracklist alors j’avais fait Eaux Calmes. Sauf que Sonoran c’est le désert, et dans le désert il n’y a pas d’eau et quand j’ai enregistré Elégie pour un truand c’est Wolf City qui a dit : "Putain faut faire un projet French Riviera, et on met Elégie et Eaux Calmes dedans." Bien sûr, j’étais partant. Dans ce projet, c’est le cinéma franco-italien des années 70 qui est représenté. Les films de Melville, de Bertolucci et aussi le cinéma underground US avec "Macadam Cowboy" et "The Last Run". Mais la grande ombre qui plane au-dessus de ce projet est celle d’Alain Delon, il est mort un mois après la sortie de l’album, sans preuve du contraire mon morceau Alain Delon serait donc le dernier hommage à l’acteur légendaire fait de son vivant. Bonjour l’Histoire. Certains pourraient se demander comment un anarchiste de mon espèce peut-il rendre hommage à un fasciste tel que Delon. Mais ce sont des futurs fascistes qui pensent ainsi. En produisant "Mr. Klein", en jouant pour Visconti et Antonioni, Delon a plus fait pour l’antifascisme que ces petits kapos de l’internette, ces moralisateurs pré-nazis qui s’imaginent que la censure rend libre. Alain Delon c’est le personnage qui incarne le plus la French Riviera, il fallait donc faire ce titre. C’est un album d’anarchiste avant tout, et les productions guitarisantes de Wolf City nous emmènent dans cette balade pour clochards célestes, libres et vivants. À noter que le seul featuring est italien (évidemment). Ce sont mes potes Dek, de Rome, celui-là même qui est responsable de ma punchline "Napoléon Bonaparte / Napoli Malaparte", et Wiro le Napolitain avec qui j’ai fait le morceau Naples, dans lequel j’ai sorti la punchline de Dek et accessoirement ton morceau préféré. Putain la boucle est bouclée. Dans French Riviera nous sommes tous réunis pour un braquage à la napolitaine, la vie doit ressembler à ça : un braquage à la napolitaine dans la French Riviera.
Y a-t-il des artistes ou des beatmakers avec lesquels tu aimerais collaborer ?
Techniquement j’ai quatre projets à réaliser avec quatre producteurs précis, j’ai déjà toutes les prods et les aléas de la vie m’ont obligé à les faire poireauter. S’ils me lisent, sachez que je m’en excuse et me rattraperai prochainement. Mais pour te répondre je dirais oui et non, je préfère me laisser porter par le temps, ce temps qui voit apparaître et disparaître les personnes tout nonchalamment et au milieu de ce brouillard humain j’erre d’artistes en artistes, j’ai envie de collaborer avec ceux que la Vie me présente sur son plateau de surprises ou sa table d’évidences. Prendre du plaisir avec ceux qui veulent bien travailler avec moi plutôt que de courir après des fantasmes. Forcément y a des artistes connus avec qui j’aimerais bien feater mais y penser m’endort, je choisis l’éveil de la réalité.
Toutes les recettes de tes albums sont consacrées à la prise en charge de ton fils qui est autiste. Quel « message » voudrais-tu faire passer à ce sujet ?
Oui, mon fils vit avec son handicap, son handicap ce n’est pas son autisme qui fait partie de sa personnalité mais de vivre dans une société handicapée, malade, pourrie jusqu’à la moelle, incapable d’intégrer la magie extraordinaire qui habite mon fils. La France est particulièrement arriérée à ce sujet, c’est un monstre administratif qui te dévore sans pitié. Mon couple, que je croyais invincible, n’a pas survécu à ce maelström de merde bureaucratique et d’un quotidien laborieux sans perspective d’avenir. Bien entendu toute ma vie est centrée sur mon fils, très peu de petits plaisirs pour ma gueule, son bonheur est ma priorité, l’axe central de mon existence. Automatiquement chaque achat de mes albums équivaut à des cadeaux pour lui. L’esprit des gens est trop embourgeoisé, dès qu’ils voient un enfant différent ils l’associent à une mauvaise éducation et c’est souvent des gens issus des minorités qui sont les plus compréhensifs, c’est très Pasolinien au fond, le conformisme ambiant à dévorer trop de cervelles, seuls les écorchés vivent. La France d’aujourd’hui dans son néo-fascisme putride n’a même pas été capable de garder le "famille" pétainiste du Travail, Famille, Patrie, maintenant c’est Travail, Netflix, Patrie. La société de consommation a tout dévoré et commence à se dévorer elle-même. Qu’elle crève afin que les êtres aussi merveilleux que mon fils puissent dévoiler toutes leurs splendeurs d’anges.
Tu viens de sortir coup sur coup deux projets. Commençons par le premier, Sur des charbons ardents dans lequel tu multiplies les collaborations. Doit-on le considérer comme un album à part entière ou plutôt comme une compilation ?
Les deux ! Cet album fut construit comme une compil de morceaux déjà sortis sur Audius combinés avec quelques inédits sauf que, finalement, quand on l’écoute, il est d’une cohérence et d’une efficacité terribles. Sûrement l’un de mes albums préférés, il est vivant, ça vibre dans tous les sens et surtout il y a tout Maeki dedans. Il faut bien décortiquer les textes pour les déguster à leur juste valeur, certains sont essentiels. Mon idée avec cet album c’était de faire une compil de voyage parfaite, avec plein d’ambiances différentes, car ça saute sacrément d’un style musical à l’autre, la noirceur des charbons qui côtoie aisément l’ardeur vitale de la joie. Une joie noire comme dirait mon ami Andoni Iturrioz. Autre info, le titre de l’album fait directement référence à mon groupe de punk-rock préféré, OTH, et le titre Quand on a que le Froid, ici remixé par Uezurii, est un hommage à leur titre Quand on a que la Haine. Ce qui est certain c’est que cet album est une bonne porte d’entrée sur mon univers actuel.
From Maeki With Love est un album exclusivement composé de remixes. Pourquoi as-tu ressenti le besoin de faire revisiter ton répertoire par d’autres artistes ?
Ce n’était pas un besoin mais plutôt une manière rigolote de marquer le coup de mon 40ème anniversaire. Judicieuse idée liée à mon intuition de bête sauvage étant donné que, finalement, mon anniversaire, je l’ai passé seul avec mon fils. Donc ce projet avait une raison cruciale d’exister avant que je sache pourquoi. C’est ça la magie de la vie et désormais chaque artiste qui a participé à ce projet a une place particulière dans mon cœur. Tous ces salauds se sont infiltrés à tout jamais dans mon âme alors qu’à la base ça ne devait être qu’une compil amusante... Caramba, je suis trop naïf ! Mais franchement, il y a de ces pièces là-dedans ! 31 remixes venant des quatre coins de la planète. Pour un connard comme moi, c’est plutôt flatteur. On peut aussi voir ce projet comme un message d’unité, quelque chose de réunificateur... Hey on vit une période qui pue la putréfaction, on est d’accord ! Aujourd’hui la filsdeputerie n’a plus de limite, inutile d’énumérer tout ce catalogue de merdes qui s’empilent inlassablement de jours en jours devant nos visages livides de jeunes résignés absolument pas en goguette alors qu’est-ce qu’il faut faire ? Chialer dans son coin recroquevillé devant son téléphone dernier cri ou apporter des bonnes ondes bien lumineuses de gros bâtards sautillants en rameutant le maximum de bestioles dans son radeau afin de les sauver du déluge étronesque qui nous attend ? La question elle est vite répondue.
L’album est donc sorti le jour de ton anniversaire. C’est ta manière à toi de régler ta crise de la quarantaine ?
Non c’est une manière de la commencer en beauté.
Pour finir, qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour cette nouvelle décennie ?
Je ne répondrai à cette question qu’en la présence de mon avocat : Dieu.
Merci pour ton temps.
Tous les albums de Maeki Maii sont à retrouver sur la page Bandcamp de l’artiste : https://maekimaii.bandcamp.com
... sauf French Riviera qui s’écoute ici : https://lavoixdansledesert.bandcamp.com/album/french-riviera
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