Derrière son artwork un peu cheap mais particulièrement signifiant pour ce natif de Belfast (une photo prise après les émeutes de 1969 - accessoirement l’année de naissance du musicien), le premier album en 15 ans de l’ancien compositeur fétiche des soundtracks groovy de Steven Soderbergh (les Ocean’s ou Hors d’atteinte, c’était lui) reprend les choses là où l’excellent The Holy Pictures les avaient laissées en 2008, soit plus près du rock psyché à tendance électronique (l’épique When People Are Occupied Resistance Is Justified en ouverture) ou de la dream-pop (Emotionally Clear) que de l’abstract funky des géniaux Let’s Get Killed, Bow Down to the Exit Sign ou The Free Association.

En renfort de ce grand retour de l’Irlandais, la vocaliste Raven Violet entendue aux backings sur le dernier Etienne Daho (si-si !), qui n’est autre que la fille de Jade Vincent (elle-même croisée à plusieurs reprises chez le chanteur français) et Keffus Green, ses comparses au sein du trio dream-pop/krautrock Unloved affilié au label Heavenly et dont le 4e opus Polychrome avait justement vu le jour au début de l’année. Sans affèteries, elle habite avec force reverb, d’un lyrisme volontiers hypnotique et jamais dégoulinant, les hymnes troussés par David Holmes, à mi-chemin de Primal Scream et du premier album de Maps pour ces rythmiques assez massives et syncopées parfois aussi proches du son de Bristol que de Depeche Mode ou des boîtes à rythmes à la Madchester (It’s Over, If We Run Out Of Love), enluminées de textures électroniques joliment impressionnistes, de synthés ascensionnels (Yeah x 3) et de guitares rythmiques au groove New-Order-esque (le single Necessary Genius, dont le name-dropping rend hommage à tout un tas de grands musiciens disparus, de Coltrane à Morricone en passant par Nina Simone, Terry Hall des Specials, Sinéad O’Connor ou encore Serge Gainsbourg dont le Britannique avait fabuleusement samplé le Cargo Culte en 97).

De prime abord, rien de bien nouveau sous le soleil ou plutôt sous la bruine d’outre-Manche, du moins en première partie d’album... car par la suite, via la techno-pop inspirée de Too Muchroom et Love In The Upside Down, l’instru onirique Agitprop 13 ou le downtempo incandescent du morceau-titre, Blind On A Galloping Horse met finalement les voiles, se révélant aussi généreux et foisonnant que bien foutu par-delà ses incursions new wave ou dreamy EBM un peu pépères (You Will Know Me By The Smell Of Onions, Tyranny Of The Talentless). Un disque qui n’oublie jamais d’instaurer une atmosphère, de laisser les morceaux se développer, loin de canons immédiats de l’époque et rien que pour ça, c’est un vrai plaisir à ne surtout pas bouder, de même que pour son parti-pris de l’amour et d’un hédonisme élégant face à la décrépitude politique et sociale de la Grande-Bretagne et du reste du monde (cf. notamment le spoken word en français de la bilingue Raven sur Hope Is The Last Thing To Die).