Sigur Rós - ÁTTA
Sortie le : 16 juin 2023
On pourrait partir du principe que Sigur Rós c’est avant tout trois disques : l’ample et indépassable Ágætis Byrjun, Takk… qui emmenait sans peur de déborder leur univers enchanteur dans ses plus beaux retranchements de ferveur lumineuse et de lyrisme à coeur ouvert, et Kveikur, précédent long-format des Islandais sorti il y a tout juste 10 ans, leur plus épique et tourmenté. Parce qu’ailleurs, il faut bien avouer que l’équilibre n’est pas toujours du même tonneau... trop long, dilué, empesé sur ( ), trop pop et superficiel sur Með suð í eyrum við spilum endalaust, trop passe-partout pour le néanmoins très joli Valtari dans une ambient céleste et orchestrale que bien des artistes ont arpentée avec autrement plus d’inspiration ces 15 dernières années (de Hammock à Olan Mill en passant par William Ryan Fritch) : il arrive aussi à Jónsi et sa bande d’être le groupe du "trop", et c’est justement le cas ici.
Car si ÁTTA, enregistré entre l’Islande et les studios Abbey Road à Londres avec le London Contemporary Orchestra, ne manquera pas de ravir les fans les moins exigeants et de leur coller des (pilo)érections devant tant d’apparente pureté séraphique - qui pour l’essentiel se passe à nouveau de batterie mais sans l’épure de Valtari - c’est aussi l’album du trop-plein d’émotions tous azimuts : trop d’envolées de cordes à l’exaltation tristounette (Glóð, qui déçoit d’emblée avec ses effets reverse assez moches sur la voix), un chant trop en surplomb sur les passages les plus introspectifs (Blóðberg, où les vocalises en Vonlenska, cette langue imaginée par le groupe, en viennent à éclipser une musique pourtant plus en retenue), trop de miel dans les mélodies vocales et dans les arrangements (l’enchaînement Skel/Klettur donne un peu la nausée, et Andrá enfonce le clou).
Le groupe, sans aucun doute, conserve son ADN, s’avère même encore charmant sur quelques titres faisant preuve de davantage d’humilité (Fall par exemple, ou le final 8 plus modeste malgré sa durée) mais la ligne est mince, lorsque l’on arpente ce genre d’élans sans garde-fou, entre l’émotion vraie et celle, un peu forcée, de l’artiste à trademark qui voudrait aller encore plus haut, toujours plus loin dans le souffle et l’enchantement que l’on attend de lui, au point ici de jouer les ersatz peu inspirés de Max Richter ou de sous-tendre sur Mór ses complaintes ascensionnelles un brin saccharinées d’une solennité de musique sacrée dont il ne parvient pas complètement à trouver la mesure avec ces cordes à faire pleurer la ménagère. L’impression qui domine tient donc en quelques mots : la magie n’opère plus qu’à moitié (voire plus du tout, cf. Gold et ses faux-airs d’Enya, les effets douteux sur la voix aidant), et il nous reste un goût de tiède et d’inégal qui donne envie de réécouter Takk… plutôt que de relancer cet ÁTTA que l’on laissera tout de même se décanter un peu avant de le ranger pour de bon au côté du passable Með suð í eyrum við spilum endalaust.
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