Helium Horse Fly - Hollowed
Deuxième album d’Helium Horse Fly, Hollowed est infiniment personnel et exacerbe tous les traits de la formation : les accalmies sont calmes, les explosions très chaotiques et le ciel de traîne s’assombrit. Intense.
1. Happiness
2. In A Deathless Spell
3. Algeny
4. Progeny
5. Monochrome
6. Shelter
De l’imagerie à la musique, le noir partout. Des titres parfois très courts mais souvent très longs. Complètement pelés mais encore plus foisonnants, passant sans prévenir d’une brise agréable frôlant le visage à l’orage tellurique qui martèle le cuir de ses gros grêlons. Toujours sur le qui-vive, une tension extrême irrigue le disque et maintient ensemble des choses qui, sans elle, déborderaient : du jazz, du progressif, de l’incantation entre autres suspectes joyeusetés. Et pourtant, on ne sait trop comment, Hollowed ne sonne jamais boursouflé alors même qu’il vibre de partout.
Il renferme nombre d’éléments qui pourraient le rendre difforme mais il n’en est rien car l’étrange élégance et l’air constamment vertical d’Helium Horse Fly l’empêchent de tomber dans les affres de la vulgarité. La guitare peut se montrer prolixe, elle n’est jamais bavarde (In A Deathless Spoil). La voix peut frôler l’emphase, elle n’en fait jamais trop (Happiness). Les structures peuvent se montrer complexes, elles ne sont jamais vaines ou absconses (Progeny). Merveilles d’équilibre, les six morceaux impressionnent. Passant de pics en abysses, ils nous mènent par le bout du nez sur leurs itinéraires fracturés, désarçonnants et très singuliers. Ils aiment affoler notre boussole intrinsèque mais se montrent suffisamment structurés pour ne pas s’égarer en cours de route.
Dès lors, jusqu’au dernier souffle de Shelter, on demeure acquis à Hollowed, son intensité foudroyante qui explose par à-coups et ses méandres plus calmes mais jamais vraiment apaisés. Le noir partout donc, l’amertume, le renfrogné, le parterre malléable et ciselé, les mouvements imprévisibles, la tension permanente qui amène les morceaux à la limite de la cassure et puis la voix habitée sous ses atours très maîtrisés : Helium Horse Fly manipule tout cela avec beaucoup de justesse et nous enferme dans une nasse qui imprime son empreinte intriquée directement sur l’encéphale.
Ça commence dès Happiness. Le groupe balance d’emblée l’une de ses plus belles cartouches : un ressac à l’intensité croissante qui explose brutalement. Par-dessus, la belle voix de pythie tangentiellement björkesque psalmodie « What are these fuckers doing here ? » en même temps qu’un alto au souffle accidenté rentre dans la totentanz. Helium Horse Fly choisit d’abord d’enserrer la jugulaire avant de la mettre en charpie. Ensuite, tout pourrait être facile en déclinant simplement cette entame. Eh bien pas du tout ! Place au quart d’heure d’In A Deathless Spell, très technique mais parcouru de soubresauts qui remontent du plus profond. Les instruments se lancent dans des contorsions étonnantes, s’arrêtent, reprennent, disparaissent puis reviennent. Ce n’est plus simplement de l’étranglement, c’est aussi de l’accolade associée à quelques coups.
Massifs, les coups.
Algeny semble calmer le jeu mais finit par exploser en gerbes grises de bruits sursaturés. « Relieved, are we not ? ». Non, on ne l’est pas. Progeny - instrumental qui raconte beaucoup - se pare de cordes austères et même si on est indubitablement au même endroit, on est encore ailleurs. Il en sera de même pour Monochrome qui ne l’est que dans son titre et le très court Shelter qui vient clore un disque cerné par le noir mais qui ménage quelques bouffées d’air par intermittence.
Ces aérations exacerbent les explosions qui les cernent, les déchainements soudains donnent beaucoup d’ampleur aux moments apaisés. Sur Hollowed, bien plus que sur les précédents, pourtant déjà impressionnants, Helium Horse Fly semble avoir dompté complètement l’intensité qui l’habite, la malaxant, la sculptant pour en déployer toute l’envergure. Le disque est abstrait, expérimente pas mal de chemins, amalgame beaucoup (du noise-rock au drone, du metal à l’ambient et j’en passe) et offre in fine une musique infiniment personnelle.
Correspondant pile-poil à ce que les Belges ont en tête, ces six morceaux intenses représentent parfaitement le saisissant artwork de David McCraven : un oiseau aux yeux morts mais au corps d’athlète dont on ne sait pas très bien au fond s’il s’apprête à s’envoler ou s’il vient seulement d’atterrir. En tout cas quelque chose se prépare, quelque chose va venir, parfait résumé de ce que donne à entendre Hollowed.
Grand.
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