Le streaming du jour #1745 : Sufjan Stevens - ’Tonya Harding EP’

Sufjan Stevens s’invitait déjà dans cette rubrique il y a moins de deux semaines avec The Greatest Gift. Il peut donc paraître étonnant de le voir de nouveau à l’honneur, d’autant plus qu’il n’a publié qu’un simple single, là où nous relayons habituellement des sorties plus conséquentes dans le cadre de nos "streamings du jour". Mais qu’importe, l’Américain fait partie de ces artistes pour lesquels les règles méritent bien d’être contournées.

"J’essaie d’écrire une chanson sur Tonya Harding depuis que je l’ai vue aux Championnats américains de patinage artistique en 1991. C’est un sujet compliqué pour une chanson, notamment parce que les faits marquants de sa vie sont si étranges, controversés, héroïques, sans précédent et clairement américains" indique Sufjan Stevens au moment de présenter les deux versions du titre Tonya Harding qu’il a proposées gracieusement au réalisateur du film I, Tonya.

Étrangement, aucun de ces titres n’a été retenu pour le long-métrage. La première version, In D Major, est à mi-chemin entre les titres les plus mélodiques du très électronique The Age of Adz, Vesuvius en tête, et les folk songs dont le désespoir n’étaient jamais total de Carrie & Lowell.

L’authenticité de la démarche de Sufjan Stevens est indéniable. Il aime Tonya Harding, et cela se sent. La première patineuse à avoir réussi un triple axel fascine le musicien. Ces deux titres sont hantés, et pas seulement par le spectre des affaires, notamment celle qui surviendra en marge des Jeux olympiques de Lillehammer en 1994, où Harding sera condamnée pour la complicité de blessures infligées à sa rivale Nancy Kerrigan.

Sufjan Stevens nous épargne le moindre jugement. Ce n’est pas la première fois qu’il s’intéresse à des personnalités controversées - John Wayne Gacy Jr en était une preuve plus criante encore dans un tout autre registre - et le caractère empathique de l’artiste est encore plus perceptible sur la version In Eb Major, plus délicate et épurée. L’auditeur peut alors percevoir, pour peu qu’il ferme les yeux, ce mélange de glace et de chaleur propre aux patinoires sur lesquelles Tonya Harding a écrit les plus belles pages de sa vie.


Et si certains réalisateurs se permettent de snober Sufjan Stevens, d’autres lui font la cour. L’actualité du musicien est particulièrement riche, c’est ainsi qu’il participe à la bande originale du Call Me By Your Name de Luca Guadagnino après que l’italien l’ait sollicité pour composer un morceau inédit. Jamais avare en besogne, Sufjan en a réalisé deux, auxquels il a ajouté un remix, par Doveman, de Futile Devices.

L’intérêt de cette participation réside néanmoins davantage dans les deux titres originaux composés par Sufjan Stevens, à commencer par Mystery Of Love qui convoque un océan de délicatesse sur une instrumentation minimaliste. Les plus anciens fans apprécieront le fait de retrouver un Sufjan Stevens renouant avec des travaux évoquant la période Michigan.


Les mélodies se font plus délicieuses encore sur Visions of Gideon. Les cordes cristallines et les arrangements cotonneux progressent vers une déliquescence annoncée toute en résonance qui n’en rend le morceau que plus essentiel, quand la voix de l’Américain se fait extrêmement gracile.

A l’image de ce titre, Sufjan Stevens n’est sans doute jamais aussi passionnant que lorsque sa luxuriance s’exprime sans emphase démesurée, dans un minimalisme relatif que les différentes cordes subliment. Nous n’avons plus qu’à savourer. C’est déjà beaucoup.


Streaming du jour - 10.12.2017 par Elnorton
... et plus si affinités ...
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