Girls Pissing On Girls Pissing - Songs Of Sodomy And The Compost Of Aethyr

Un titre à rallonge auquel on ne comprend pas grand chose, dix-huit morceaux allant de l’opaque au nébuleux, Girls Pissing On Girls Pissing poursuit sa route tortueuse. Et hypnotise plus que jamais.

1. Sweet XVI
2. Widdershins
3. The Compost Of Aethyr
4. lxcuina
5. (untitled)
6. Out Of Zone
7. Dysentery Evangelism
8. LVX
9. Genuflect in Coma
10. NOX
11. Pacific Hygiene
12. Lustration
13. In Circles
14. (untitled)
15. LAShTAL
16. Abomination of Desolation
17. Iwa
18. Tenebrae

date de sortie : 20-03-2017 Label : Muzai Records

Le soleil effleurait parfois encore Scrying In Infirmary Architecture, il n’est pas convié sur Songs Of Sodomy And The Compost Of Aethyr. Girls Pissing On Girls Pissing est entré dans lui-même et explore désormais tous les recoins de sa psyché étrange où se côtoient animaux hirsutes, ésotérisme déviant et noirceur inquiétante. Ce n’est pas non plus dramatiquement noir mais c’est en permanence surprenant. Les morceaux sont piégeux, sinueux et friables, leurs contours sont irrémédiablement flous, ils zigzaguent dangereusement et on a souvent l’impression qu’ils vont se casser la gueule et s’échouer là, à même le sol avant d’être absorbés par lui jusqu’à disparaître complètement. Evidemment, ça n’arrive jamais mais l’ensemble - dix-huit occurrences - n’en reste pas moins patraque et mal foutu. Une véritable procession vers l’abîme peuplé de tombes grandes ouvertes où l’on finira de toute façon avec le disque. C’est sépulcral au possible, les chœurs tentent parfois de rehausser l’ossature mais rien à faire, de la guitare aux claviers, des cuivres à la batterie, tout se montre invariablement au bout du rouleau et on a l’impression que Songs Of Sodomy And The Compost Of Aethyr esquisse lui aussi, dans sa construction même, un mouvement vers la tombe. Au bout d’un moment, à partir de NOX, les morceaux sonnent tout le temps résignés. Ce ne sont plus que des valses tristes qui conversent avec leurs fantômes et perdent petit à petit leur substance au fur et à mesure que gagnent la transparence et l’invisibilité. Ça pourrait être pénible et répétitif mais pas du tout. C’est même tout le contraire. Car, là aussi, à l’orée des catacombes, quelques atomes déjà coincés dans l’urne, Girls Pissing On Girls Pissing demeure passionnant. On pouvait craindre une dilution et quelques remplissages inopinés - dix-huit titres, ce n’est pas rien - mais non, chaque morceau est une enclave à explorer et même si le paradigme cinéraire est maintenu tout du long, les chemins pour suggérer la mort sont variés. Toujours partagées entre cris hallucinés et mantras épuisés, rêves glauques et cauchemars biscornus, les Pisseuses continuent à débarrasser leur chemin de la moindre balise et du moindre gimmick qui permettraient l’accroche. Rien n’y fait, on a beau la reconnaître immédiatement, on découvre encore une multitude d’accents inédits et de recoins inexplorés dans la Gnose des Néo-Zélandais. Et ce n’est pas la quantité qui donne de quoi explorer longtemps, c’est surtout l’architecture tarabiscotée de la musique où le post-punk rencontre la no wave, et la pop se frotte au Malin.

S’il ne fallait retenir qu’un morceau prototypique de Songs Of Sodomy And The Compost Of Aethyr, on parierait quelques pièces sur le tout dernier, le parfaitement bien nommé Tenebrae. Sept funestes minutes de stridences aiguës et de rythmes désossés, l’allure d’un supplicié, des voix d’outre-tombe et des arrangements funèbres. Ce n’est même pas triste, c’est glauque et poisseux. Mais c’est aussi très beau. Voilà sans doute le grand paradoxe de cet album et par extension de tout Girls Pissing On Girls Pissing. Comment peut-on être accroché à ce point par ce truc jusqu’au-boutiste et désespéré ? Sans doute parce que derrière les atours moches et pas drôles se cache une vraie beauté. La voix a beau s’époumoner, les doigts, étrangler leurs instruments, le climat, passer du sombre à l’affligé, tout repose sur une écriture de cador. Sweet XVI, Out Of Zone (déjà croisé sur le split avec Looks Like Miaou), NOX, Lustration, les deux Untitled et tant d’autres, une fois débarrassés de leurs oripeaux mortuaires, révèlent une architecture pleine de grâce. La danse est peut-être macabre mais les squelettes ont vraiment de la gueule et on se retrouve à gesticuler avec eux bien plus souvent qu’on le voudrait. Alors bien, sûr, il faut faire un effort, accepter les idées noires et le propos volontiers ésotérique, accepter aussi les échardes sonores disséminées partout - la guitare crisse et déteste l’orthogonal, préférant les lignes de fuite et les chemins de traverse discordants, les cuivres trépassent et semblent irrésistiblement attirés par les tréfonds, les claviers accompagneraient idéalement votre enterrement, la batterie peut se montrer martiale mais explore davantage le patraque, quant aux voix, elles sont souvent plusieurs dans leur tête et sonnent invariablement dérangées - mais tout au bout se cachent de vrais trésors. Même un titre aussi étrange que The Compost Of Aethyr, rituel obscur dédié à l’éther sans doute, débouche, avec sa psalmodie étranglée et ses percussions chiches, sur une mélodie lumineuse où les cuivres semblent entonner leur chant du cygne. Idem avec Ixcuina, sorte de Lambada exténuée qui pouvait être complètement ridicule et ne l’est complètement pas. Par ailleurs, on retrouve des titres plus représentatifs du Girls Pissing On Girls Pissing que l’on connaît déjà - Widdershins ou encore LAShTAL - et d’autres au climax inédit - le très asphyxié et aliéné Genuflected In Coma ou l’encore plus ténu Abomination Of Desolation et l’impressionnant Iwa - montrant bien que tout n’a pas encore été dit et qu’on n’est surtout pas près d’en avoir fait le tour.

Disponible au seul format numérique, accompagné si vous le voulez d’un jeu de cartes de tarot peintes à la main, voire enfermé dans une boîte en bois sertie du logo du collectif, il n’y aura pas de CD ou de vinyle cette fois-ci « in favour of something more divine ». Il est vrai que l’on ne peut pas posséder un disque tel que celui-là. Tout y est immatériel, flou et incertain. Pas net et de guingois. Le line-up à géométrie variable qui est à l’origine de Songs Of Sodomy And The Compost Of Aethyr, amalgamant membres actuels et plus anciens, n’entame en rien la majesté de Girls Pissing On Girls Pissing, une preuve supplémentaire que la force d’attraction de sa musique ne vient pas uniquement de cette dernière. Il se joue là-dedans des choses plus enfouies sur lesquelles il est bien difficile de mettre le doigt, qui la dépassent complètement. Et qui nous enferment irrémédiablement. Pour un peu, on croirait presque que le groupe nous a jeté un sort.

Mag(nif)ique.





Chroniques - 25.03.2017 par leoluce
 


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Girls Pissing On Girls Pissing

Avec Scrying In Infirmary Architecture, Girls Pissing On Girls Pissing atteint le parfait équilibre entre délicatesse et brutalité. Son post-punk reste froid mais sort de l’ombre petit à petit. Qu’importe, là aussi, il irradie.