The Conformists - Divorce
Le temps a passé depuis None Hundred mais The Conformists sont restés les mêmes. Toujours aussi imprévisibles et désaxés, leurs morceaux filent droit en suivant une trajectoire sinueuse. Un paradoxe une nouvelle fois à l’honneur sur Divorce.
1. Reverse Alchemist
2. S Apostrophe Period S Period S Period Opening Parenthesis J Period B Apostrophe Period Closing Parenthesis
3. Our Baseball Careers
4. Polish Live Invalid
5. Meow
6. Hail Spraytan
Two Hundred (2004), Three Hundred (2007), None Hundred (2010) et aujourd’hui, Divorce. À lire à la suite les titres de ces quatre albums, on se dit que ça doit avoir du sens pour les Conformists même si ça n’en a pas forcément pour nous. De la même façon, c’est peut-être facile pour eux de s’y retrouver dans la structure de leurs morceaux quand, de notre côté, on n’y comprend pas grand chose. Leur noise rock est toujours aussi fracturé et toujours aussi répétitif, basé sur le bégaiement du même motif qui peut, à tout moment, décider de tout planter là, maintenant, tout de suite pour aller voir ailleurs et laisser ce qu’il reste se débrouiller sans lui. Et puis, il y a cette voix qui habite l’architecture. Enfin, il faudrait plutôt écrire « les voix ». Elle est pourvue d’une grande altérité et semble contenir en elle plusieurs personnes ayant toutes la bizarrerie et la déviance pour traits communs. Au début de chaque morceau, on ne sait jamais trop ce qui va en sortir, la psalmodie anxieuse, le cri cathartique ou la scansion veloutée et légèrement malade. Bref, avec The Conformists, il faut s’attendre à tout et donc ne s’attendre à rien. Et ce nouvel album n’ébrèche en rien le paradigme. Pas de grands changements par rapport aux méfaits précédents et donc, on fera mentir le titre, pas de Divorce en vue. Et comme de toute façon l’apex des morceaux trace une route en permanence inattendue, aucun risque de redite. On retrouve certes la tracklist restreinte réglementaire (six morceaux ici, comme pour None Hundred) et Steve Albini pour l’enregistrement, on retrouve aussi une musique toujours aussi peu domestiquée qui donne en permanence l’impression de sortir des doigts des Conformists on ne sait trop comment et jamais dans le bon ordre mais c’est bien tout. Pour le reste, tout se passe comme au premier jour où on les a entendus et la stupéfaction reste intacte.
C’est que les morceaux sont construits sur une mathématique complètement aléatoire, leur côté extrêmement raide, sec et orthogonal est battu en brèche par une dynamique déviante. La répétition est partout mais reste insaisissable et impossible à cerner. On a même souvent l’impression que la musique (et non pas le disque) est rayée, à l’image des treize minutes de Meow, impossibles à décrire. Un cauchemar. Les riffs sur les mêmes riffs mais le tempo se rétracte, se distord, se rétrécit et s’enfuit. Et au final les riffs aussi. La batterie abandonne progressivement ses toms pour se concentrer sur les cymbales et puis se tait subitement. S’ensuit une minute de musique en sourdine ponctuée d’éclats furibards puis tout revient à la normale avant de se taire définitivement avec six minutes de larsen. C’est alambiqué, étrange, pas net et c’est surtout magnifique. On ne se risquera pas à détailler les autres morceaux, mais pour eux aussi, c’est un beau bordel assez indescriptible. Pourtant, Divorce - à l’instar de ses prédécesseurs - n’est pas construit sur l’ultra-violence ou l’agressivité exacerbée mais distille une impression de malaise très réussie qui ne faiblit jamais tout du long. Un malaise essentiellement dû à la trajectoire imprévisible des morceaux. De l’inaugural et disloqué River Alchemist au tout aussi haché menu Hail Spraytan final, c’est un festival de fausses pistes, chausse-trappes et lignes de fracture qui se partagent entre cheminements désaxés et patraques, poussées rageuses et aliénées (en particulier au niveau de la voix, sur un titre comme Our Baseball Careers par exemple) et sécheresse partout. Comme à leur habitude, The Conformists semblent s’égarer alors qu’il n’en est rien et on reste en permanence suspendu à leur noise rock aléatoire pour ne pas en perdre la moindre miette.
Une nouvelle fois, le groupe fait mouche et livre avec Divorce un disque tout à la fois raide et insaisissable. « The Conformists are utterly indifferent whether truly hope you enjoy their new musical album » glissent-ils dans leur dossier de presse à l’humour malin et raturé de partout. On ne peut que répondre par l’affirmative.
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