Le streaming du jour #1224² : Old Man Gloom - ’The Ape Of God’ ... x 2

Avec deux albums portant le même nom, sortis ce même 11 novembre chez Profound Lore en CD/digital et SIGE Records en vinyle après avoir été annoncés comme un seul et même disque - et déjà chroniqués comme tel par un certain nombre de nos confrères à partir d’une version hybride éditée par le combo de Santa Fe lui-même - le "supergroupe" metal le moins superégocentré du monde aura réussi à tromper son monde jusqu’à la dernière minute sans qu’on ait encore vraiment compris pourquoi. Alors, pétard mouillé ou le résultat valait-il vraiment l’embrouillamini ?

Parce que franchement, à quoi bon balader la presse spécialisée à coups de fausses copies promo pour finalement lâcher la bête (à deux dos ?) en avant-première chez les très branchés Stereogum et The Quietus ? Ah bon ? Les leaks d’albums viennent essentiellement de journalistes peu scrupuleux ? Heureusement qu’Old Man Gloom est là pour démontrer par A + B ce que tout le monde savait déjà. Bref. Si les ambitions pseudo-subversives d’Aaron Turner (qu’on avait connu bien au-dessus de ce genre de considérations du temps d’Hydra Head, dont l’excellent label SIGE sus-mentionné prend désormais la suite) laissent quelque peu à désirer, ça n’est heureusement pas le cas de son ambition musicale avec ce diptyque inscrit dans la continuité du fracassant NO sorti en 2012 après huit années de hiatus, mais en scindant en deux l’inspiration de la bande toujours complétée par Nate Newton (Converge) à la guitare, Caleb Scofield (Cave In, Zozobra) à la basse et Santos Montano (Zozobra) aux fûts.

De fait, c’est sur The Ape Of God version 1 (comme on l’appellera faute de mieux puisqu’il ne s’agit pas des deux faces d’une double galette mais bien de deux œuvres parfaitement indépendantes) que l’on retrouve l’alternance de plages noise ambient et de gros laminages vénères à la croisée du sludge et du hardcore, lesquels n’oublient jamais de s’imprégner de ces atmosphères de purgatoire encadrant chaque morceau, des larsens lancinants et autres chœurs de damnés à la Penderecki qui ouvrent et referment Promise au bruit blanc fantomatique d’où émerge la saillie punk enragée de Never Enter. Les riffs funestes et beuglantes grunt de Shoulder Meat sont ainsi balayés par les bourrasques doom d’un final de désolation, tandis que les intrigantes liturgies vocales de Simia Dei irradient depuis la tourmente d’un crescendo post-metal inhabituellement concis, et alors que la neige de quelque transmission radiophonique paraît être le dernier vestige d’humanité à occuper le no man’s land venteux des deux premiers tiers de The Lash, c’est l’enfer tout entier qui semble se déverser sur After You’re Dead pour mieux vagir dans un chaos à peine organisé cette lente agonie qui attend de toute éternité les singes de Dieu - autrement dit nous autres :



Quant à la version 2, aux titres bien plus longs soumis au genre de montées de tension pesantes et suppliciées que seul le doom sait engendrer, elle renoue, dans une certaine emphase cinématographique et sans tout à fait atteindre les mêmes sommets, avec les épopées d’apocalypse que le groupe affectionne, de la lente progression rampante et dissonante du bourdonnant Burden à la marche plombée d’un Arrows To Our Hearts sans issue en passant par l’épopée lovecraftienne du bien-nommé A Hideous Nightmare Lie Upon The World ou les visions de jugement dernier élégiaques et hantées qui viennent mettre un terme à la déferlante sludge du flippant Predators :



Entre l’annonce à chaud d’un Turner pas peu fier de son coup :

Guess what, assholes. The Ape Of God is two entirely different albums. If you downloaded some leaked shit, you don’t have either. You have some bogus version we gave to press, cuz we knew those jerks would leak it (if you reviewed that fake record positively, thank you. We’re just THAT good). We will always trick you. We will always trick you. We will always trick you.

... et son explication plus posée des raisons de ce hoax :

We wanted to trick people into thinking it was only one because the interweb has sucked all the fun out of releasing records and we wanted people to be fucking surprised by something again. At least we tried.

... transparaît dès lors le fossé qui sépare le cynisme jubilatoire et un peu vain auquel s’adonne volontiers Old Man Gloom en "promo" et la sincérité profonde d’une musique dont la dimension crépusculaire et torturée n’exclut pas les élans généreux.


Streaming du jour - 12.11.2014 par RabbitInYourHeadlights
... et plus si affinités ...
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