Tête à tête avec My Little Cheap Dictaphone

My Little Cheap Dictaphone (MLCD) sort un 4ème album : The Smoke Behind the Sound. Une interview avec le chanteur-guitariste Redboy nous aide à en savoir un peu plus sur cet album et sa création.

Lorsque j’ai écouté The Smoke Behind the Sound , le dernier album de MLCD (My Little Cheap Dictaphone) il y a quelques jours j’ai tout de suite été happée. Pourquoi ? Trouvez-vous une explication à la raison pour laquelle vous aimez les tulipes plutôt que les roses ? Il n’y a pas toujours d’explications aux coups de cœurs artistiques. Ils vous surprennent et vous envahissent sans prévenir mais quel sentiment délicieux. Vous savez ces moments où l’on se sent vivant ? Où l’on sent que tous nos sens sont en éveil.

MLCD  c’est Redboy  (chant, guitare, claviers), Xavier Guinotte (basse), Simon Fontaine  (batterie), Pierre-Louis Lebacq  (claviers) et Manu Delcourt (guitares, claviers).
Une discographie qui atteint à présent 4 albums, une BO de pièce de théâtre commandée par le metteur en scène Yves Beaunesne. Ces 5 là n’ont pas arrêté depuis leur album The Tragic Tale of a Genius   en 2010. Ils ont enchaîné compositions, sortie d’album, tournée, compositions simultanées de  The Smoke Behind the Sound  et de la BO de Roméo et Juliette.
Après un opus Opéra Rock indie, MLCD  avait décidé de changer complètement de registre malgré le succès rencontré avec cet album. Ils ont donc mis à la cave les orchestrations symphoniques et ont choisi de revenir à une production incluant majoritairement les claviers. Pour cela, ils se sont entourés d’un producteur hors pair, Luuk Cox (Girls in Hawaii entre autres) et sont partis enregistrer durant 6 mois dans 4 studios différents : ICP, Studio 5, ArtSound et le mythique Abbey Road. Pour nous raconter un peu l’histoire de cet album j’ai eu la chance de m’entretenir avec Redboy, le chanteur-guitariste du groupe. Je vous confie donc nos échanges qui furent un moment unique de partage et de simplicité.


Lilie : Pour commencer merci beaucoup de m’accorder cette interview et félicitations, parce que je suis tombée complètement sous le charme de l’album.

Redboy  : Chouette !

L : Je vous avoue que je ne connaissais pas MLCD avant d’écouter cet album, je vous ai découvert à travers cet album. Je viens d’ailleurs de le faire écouter à une amie qui m’a immédiatement dit : « Je veux les voir sur scène ! C’est excellent ! ».

R : Oh c’est chouette ! On espère partir bientôt en tournée ! Tu es d’où ? Paris ?

L : Non je suis à Nantes.

R : Ah oui la salle de concert à Nantes c’est quoi déjà ?

L : Je pense que c’est la salle du Stereolux que tu dois connaître.

R : Ah oui oui je vois le Stereolux. On est en train de voir avec Europavox pour faire des tournées ainsi qu’Azimut. Donc oui ce serait carrément cool mais pour le moment je peux pas te dire s’il y aura une date à Nantes. Mais j’espère !

L : J’espère ! J’ai préparé quelques questions mais on va faire un peu au feeling je pense. Dis moi, au sujet du clip de Fire, comment vous est venue cette idée de mise en scène ? Je le trouve absolument magnifique et j’aimerais savoir comment il a été conçu.

R : En fait, ce qui nous tient à cœur c’est de s’entourer d’artistes dont on aime vraiment les œuvres. Donc y compris pour mettre en image ou mettre en scène notre musique. Et là c’est Nicolas Guiot, le réalisateur du  Cri du Homard qui a entre autres reçu un césar, qui a réalisé Fire. On ne voulait pas d’un clip classique où il y a juste un groupe qui joue son morceau etc... Ce qu’on voulait c’était une histoire, un fragment de cinéma, quelque chose d’artistique. Lorsqu’on l’a contacté il a flashé sur la chanson Fire, il a lu le texte et on a parlé de ce que ça lui évoquait, on a beaucoup échangé sur le thème et il en est sorti cette histoire d’attentat manqué, cette fille qui est forcée à faire des choses on ne sait pas bien pourquoi ni son parcours etc... Donc on est parti à l’arrache à Londres avec Pauline Etienne, l’interprète du clip, et on a tourné à l’arrache pendant toute une nuit dans les rues de Londres. On a réussi à boucler tout le tournage en une nuit.



L : C’est vrai que tout résonne à travers ce clip entre son regard et vos paroles. D’ailleurs, le titre de l’album, The Smoke Behind the Sound, est extrait des paroles de Fire. Pourquoi cette phrase représentait plus l’album selon toi ?

R : Dans cette phrase il y a un côté un peu éthéré, un peu abstrait, un peu rêveur, insaisissable etc.... et on a trouvé que de ce fait cette phrase collait bien avec l’ensemble de l’album et son atmosphère générale. The Smoke Behind the Sound  c’est quelque chose que tu ne peux pas vraiment définir, ça fait référence à plein d’images et ça fait penser à plein de choses en fait.

L : Oui tout à fait. Cet album c’est une ambiance, une atmosphère générale, parfois psyché, parfois mélancolique, féérique, enfin il y a une multitude d’émotions et d’ambiances qui se dessinent au fil de l’album. Et justement, pour moi, mais c’est peut être une interprétation de ma part, tu vas me dire si je me trompe, j’ai la sensation que c’est une sorte de constat ; on ressent un bilan, une désolation et en même temps un cri de rage pour continuer, se renouveler, une envie de renouveau tout en passant par des désenchantements.

R : Tu as tout à fait raison, c’est le thème principal des paroles de l’album. Il y a beaucoup d’envies de changement, de remises en question, d’évolution, d’envie de voir les choses différemment... je sais pas si c’est la crise de la trentaine (rires) mais il y a beaucoup de questions et ça se ressent dans la musique parce que l’intention est toujours d’écrire des textes au service de la musique et c’est exactement ce que tu viens de dire en effet.

L : A l’inverse dans Not Hype on sent cette envie de mettre les points sur les i concernant votre statut de musicien, chanteur.

R : En fait oui c’est vraiment pour bien préciser qu’on pourrait être branchés, se la jouer, etc... mais que nous on a jamais été trop dans ce truc du show business et des faux-semblants etc... On est comme on est. On veut faire de la musique, la travailler en studio et la partager sur scène c’est tout. C’est notre ligne directrice.

L : Ça a l’air très clair en effet, vous ne ferez pas de compromis, on vous prend tels que vous êtes, sans chichis.

R : Voilà c’est ça.

L : Et alors vous avez accueilli un nouveau partenaire avec Emmanuel Delcourt à la guitare. Il est arrivé avec la création de la BO de la pièce Roméo et Juliette ?

R : En fait on l’a rencontré en Provence, on avait mis une annonce sur Facebook comme quoi on cherchait un endroit pour créer au calme, s’isoler, composer etc... et on s’est donc retrouvés dans un mas en Provence, éloignés de tout. Et lors de la composition de la BO dans la pièce « Roméo et Juliette » on cherchait un arrangeur et il nous a été recommandé. Il est donc venu nous rejoindre et on a fini la composition de la pièce ensemble en 10 jours. A la fin de l’aventure, après de multiples moments de jams on lui a dit que c’était dommage qu’il habite à Paris parce que s’il habitait à Liège on l’aurait bien embarqué avec nous dans l’aventure de MLCD. A cela il a répondu : Si c’est une invitation officielle moi je quitte Paris et je viens m’installer à Liège. Et maintenant ça fait un peu plus d’un an qu’il est à Liège.



L : C’est donc ce qu’on appelle le feeling, là ?

R : Oui tout à fait. C’est ça. C’était une évidence.

L : Et par rapport à l’album précédent justement où il y avait des arrangements très symphoniques du fait de l’opéra rock, comment est venu le choix d’intégrer les claviers ?

R : En fait c’est un choix du groupe dès le départ. On aime tous se créer des défis et ne pas se répéter. C’est vrai qu’on a eu pas mal de succès avec le dernier album  The Tragic Tale of a Genius  qui était produit avec des arrangements symphoniques principalement et peut-être que c’est ce que les gens attendaient de nous d’ailleurs. Mais on refusait de s’enfermer dans un genre, on voulait se lancer un nouveau défi, prendre le contre-pied à beaucoup de niveaux. On a donc décidé très vite de supprimer les arrangements symphoniques, supprimer les cordes et introduire des claviers puisqu’il y en avait peu dans les albums précédents. Donc c’est vrai qu’on a passé beaucoup de temps à travailler les claviers. Alors, le résultat c’est que l’album est aussi travaillé qu’avant, avec minutie, avec des couches, des détails, mais on l’a brodé avec d’autres instruments et d’une autre manière.

L : Vous avez introduit un peu plus d’électronique aussi ?

R : Oui tout à fait. Mais en même temps le producteur, Luuk Cox, avec qui on a travaillé vient de l’électro et a d’ailleurs un projet solo d’électro qui s’appelle Shameboy.

L : Du coup avec vos expériences personnelles, la rencontre avec Manu Delcourt et celle avec Luuk Cox vous avez pu mêler vos influences ?

R : C’est ça et c’était notre volonté. Mais Luuk nous a poussé dans nos retranchements, poussés à aller chercher plus loin, ailleurs. Par exemple, si on avait préparé des parties guitares ou autres et qu’on lui proposait, il arrivait qu’il nous dise carrément qu’il refusait tout, qu’il fallait chercher à nouveau, peut-être même avec un autre instrument. En fait à chaque fois il nous boostait à sortir de nos habitudes ou de nos réflexes. Du coup on a passé 6 mois de studio avec lui et tout a beaucoup évolué au fur et à mesure, il y a eu beaucoup en questions, on a puisé à l’intérieur de nous même. En fait il y a beaucoup de chansons qu’on a totalement transformées avec lui.

L : Il vous a mené la vie dure à ce que je vois ?

R : (Rires) C’était une sacrée aventure oui, c’était pas tous les jours facile mais c’est quelqu’un qui nous a boostés et poussés à aller au bout de nous-mêmes dans l’étape créative.

L : Oui c’était presque du coaching.

R : Oui c’était à la fois un psychologue, un coach, un arrangeur, un ingénieur du son...

L : Donc une collaboration très intense et un enregistrement de 6 mois avec une proximité et une vie en collectivité de longue durée dans des espaces réduits. L’expérience studio n’a rien à voir avec la scène ?

R : Non c’est sûr mais nous on a toujours été des rats de studio, on aime perfectionner les détails, on est passés par 4 studios différents en passant par ICP, Studio 5, ArtSound et Abbey Road et chaque studio a son son, sa touche personnelle donc on a essayé de piocher l’âme de chaque studio pour parfaire nos créations.

L : Oui j’ai l’impression que vous êtes de grands explorateurs des techniques et des productions musicales. Parce que lorsqu’on écoute votre tout premier album et le dernier il y a un fossé énorme qui s’est formé.

R : C’est vrai, ça n’a rien à voir. Au début on se cherche aussi, on fait des essais, et puis on acquiert de l’expérience, on apprend à développer certaines techniques.

L : Et c’est donc le dernier qui caractérise le mieux l’identité de MLCD aujourd’hui ?

R : C’est le dernier c’est certain, surtout qu’à la base le groupe c’était surtout mon projet solo et puis de fil en aiguille c’est devenu un groupe qui s’est encore agrandi cette fois-ci. C’est d’ailleurs pour ça qu’on a choisi de s’isoler un peu cette fois-ci et vraiment composer à 5. Parce qu’auparavant c’était souvent moi qui amenait les textes et là on a vraiment tout composé ensemble à travers des jams.

L : Oui donc vous avez choisi la résidence artistique isolée pour composer et vous baigner dans votre musique.

R : Voilà. On ne voulait absolument pas d’influences, on a d’ailleurs pas écouté du tout de musique pendant tout ce temps pour ne pas être influencés par un son ou un autre.



L : J’ai lu quelques critiques belges surtout et elles sont plutôt très élogieuses à votre égard. Ça fait pas un peu peur ?

R : Non au contraire, ça fait plaisir et puis on vient de tester 3 scènes en Belgique et c’était super, les dates étaient complètes et les gens ravis donc ça donne envie et ça booste pour la suite.

L : Et d’ailleurs vous avez pensé la scène en composant l’album ou c’était en second plan, c’est à dire que vous y avez réfléchi après avoir bouclé la composition ?

R : Non, on y a pensé après sinon on aurait pu se bloquer dans la création. Le fait qu’on soit 5 maintenant va simplifier les choses aussi pour la restitution scénique de l’album.

L : Et alors justement scéniquement parlant vous avez prévu des choses bien précises par rapport à l’ambiance de l’album ?

R : En fait en studio on a commencé à visualiser du live et depuis on travaille avec un scénographe et des vidéastes. On a mis au point un décor, des projections pour plonger les spectateurs dans l’atmosphère de l’album. Chaque chanson est pensée. Là on travaille avec Nicolas Olivier (scénographe de « Kiss & Cry » de Jaco Van Dormael). Il nous aide beaucoup sur la scénographie et puis on va travailler les vidéos. En gros ce qu’on essaie de faire c’est que les gens qui viennent nous voir sur scène puissent déconnecter comme s’ils allaient voir un film, les faire entrer dans une ambiance pendant 1h/1h30 et qu’ils ressortent de là comme s’ils avaient voyagé pendant le temps du concert.

L : Et le prochain single prévu ?

R : Le prochain single en Belgique sera probablement Out of the Storm.

L : Vous avez des dates pour les festivals à venir au printemps et l’été prochain ?

R : On va faire tous les gros festivals de Belgique, les Francofolies, les Botaniques etc... Et en France ça devrait commencer à se caler d’ici peu.



L : Je me demandais en fait si, par rapport à votre collaboration, ce n’était pas parfois compliqué d’être tous d’accord.  

R : Ça dépend un peu, souvent on discute beaucoup mais le producteur, Luuk Cox nous a beaucoup aidés à trancher justement dans nos choix. 

L : Et vos influences à l’origine ce serait quoi ? Toi par exemple, Redboy ?  

R : Plein de choses, c’est difficile à dire comme ça mais c’est beaucoup de Rock Indie Américain. Ça a commencé avec Nirvana à l’adolescence et puis il y a The NationalSt Vincent, mais aussi des groupes des années 60 et pour les textes et les mélodies il y a aussi Gainsbourg par exemple. En fait on aime les groupes qui font plus qu’une chanson qui sonne bien. On cherche des artistes qui procurent une émotion, qui font réfléchir. Moi je sais que lorsque je chante j’essaie toujours de faire comprendre le sens des textes, de procurer des émotions aux spectateurs, de partager un moment qui a un sens. 

L : Et pour finir alors vous aviez 10 titres ou vous en avez laissé de côté ?

R : On en a laissé beaucoup de côté car on avait fait tellement de jams qu’on en avait beaucoup, et quand on a rencontré Luuk il a tout écouté et fait le tri en nous disant "c’est vraiment ces chansons-là que je vois et qui révèlent vraiment votre identité". Et c’est vrai que lorsqu’on écoute celles que l’on a mises de côté maintenant c’est une évidence, c’était le bon choix. Et puis on ne voulait pas quelque chose de trop chargé, c’est déjà un album « fort », quand on l’écoute plusieurs fois on découvre les différentes couches qui le composent et on ne voulait pas donner trop d’informations mais garder cette part imaginaire et insaisissable qui fait l’identité de l’album.

L : Eh bien écoute je vais te remercier pour cet entretien. Je vais croiser les doigts très fort pour vous et vous souhaiter une belle et longue route. Elle s’annonce bien je pense. En espérant vous voir sur scène prochainement à Nantes ou ailleurs ! Le plus tôt sera le mieux ! (rires !)

R : Merci à toi aussi et à bientôt alors ! 

Et maintenant je vous laisse savourer cet album dans son intégralité :


Interviews - 10.03.2014 par Lilie Del Sol