La mixtape de la semaine #38 : Prodigy x Alchemist - ’Albert Einstein’
Gangrenée par la prison et des histoires d’ego dramatiquement pathétiques qui l’opposaient à Havoc, la musique de Prodigy ne se portait pas très bien et avait même pris la direction du pire avec la digression sans inspiration H.N.I.C.3 sortie l’année dernière. Pourtant P. et Havoc font parti de ces idoles hip-hop dont on aimerait que le parcours musical soit sans reproche, c’est pourquoi l’annonce d’une nouvelle collaboration entre Prodigy et The Alchemist après Return of the Mac en 2007 avait fait l’effet d’une bombe ! Les deux étaient attendus au coin de la rue, endroit qu’ils connaissent bien. Résultat : loin d’être un chef-d’œuvre, mais s’en rapprochant pourtant dangereusement, les 16 pistes d’ Albert Einstein sentent la crasse urbaine et la violence lyrique de Mobb Deep et nous font surtout sentir que le génie de The Alchemist est immense ! La chose s’écoute via les excellents DJ Booth...
The Alc a toujours été un modèle de constance dans ses productions, mais ici il n’est pas loin d’être au sommet de son art. Échantillonnage à la moulinette (Curb Ya Dog), qualité des sons (Stay Dope), basses lourdes et épaisses (Raw Forever) où se cachent pourtant des rythmiques funk bien old school, le bonhomme frappe fort et arrive même à nous faire toucher du doigt les paysages sonores menaçants des vieux Mobb Deep (IMDKV), la complexité en plus (Bear Meat). Une complexité à plusieurs étages. D’abord au niveau de l’album, le producteur varie le matériel et arrive à équilibrer l’affaire, passant du lisse comme par exemple cette mélodie de piano flottant sur YNT (feat. Domo Genesis qui renoue avec le producteur depuis l’excellent No Idols ) au gritty expérimental de Curb Ya Dog, titre construit sur un riff de flûte déformé et des aboiements de chien façon Similak Child de Black Sheep. Complexité aussi car ici rien n’est constant, les beats se transformant toutes les 30 secondes, The Alchemist nous fait ainsi découvrir qu’il peut exister une certaine luxuriance dans la minimalisme. L’exemple parfait est Bible Paper, un titre de prime abord brutal où les échantillons vocaux sont couverts par un rythme bien martial mais un titre qui à mi-morceau vire au rétro-futurisme pré-trap porté par un synthétiseur diabolique et surtout un sample de flûte asiatique assez fascinant ! Même constat sur Dough Pildin, la piste absolue pour capter le génie de The Alc !
Et Prodigy là dedans, allez-vous me dire ? Non pas qu’il couvre beaucoup de nouveaux horizons, son flow teinté de réalisme rugueux est toujours reconnaissable entre mille et aussi efficace. Bien sûr comme on pouvait s’y attendre, le emcee passe la majeure partie de l’album se vantant de sa capacité à tuer, tuer au sens figuré avec le micro, mais aussi tuer au sens littéral du terme, c’est à dire l’arme à la main dans la rue. Cette violence si fascinante avec Mobb Deep commence un peu à sentir le réchauffé, mais P. le fait avec une telle insistance que ça en devient presque beau... Pas toujours sincère, mais dangereusement convaincant, Prodigy nous dit que rien n’a changé depuis les années 90 et Albert Einstein en est la démonstration brutale. Car oui, même si P. paraît parfois feignant, il arrive encore à cracher du feu sacré ! Écoutez Give Them Hell, Death Sentence feat. Roc Marciano ou R.I.P avec Raekwon et un Havoc qui enterre (définitivement ?) la hache de guerre ! The One est aussi une belle surprise même si à la manière de Rare Chandeliers le titre parait davantage taillé sur mesure pour notre chouchou Action Bronson que pour P.
En résumé, Albert Einstein est un bon cru Prodigien, presque un retour aux sources pour lui, mais c’est la production de The Alchemist qui en fait un excellent millésime...
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