Ne vous fiez pas davantage à ses allures de jeune premier qu’à son look de rockeur 60’s sur cette photo, car Jay Gambit s’y connaît pour faire saigner nos tympans à coups de larsens stridents, de drones barbelés ou de beats concassés sur fond de déferlantes harsh noise caustiques et cauchemardesques.
Crowhurst, formation à géométrie variable du jeune stakhanoviste basé à LA, on en avait parlé ailleurs mais jamais vraiment dans ces pages, malgré quelques mentions discrètes (ici pour l’album Aghoree ou là pour un récent split EP avec Foie Gras, pensionnaire de notre compilation Ashes ) et une certaine assiduité à relayer dans notre agenda ses productions toujours singulières et le plus souvent passionnantes en dépit de leur profusion.
L’occasion était donc trop belle, en ce début d’année chargé pour l’auteur du démesuré No Life To Live, puisque pas moins de quatre sorties ont déjà vu le jour via Bandcamp rien que le mois dernier.
On démarre avec un split à vous liquéfier le cerveau, d’un côté le dark ambient de Crowhurst habité par les grouillements saturés et autres rugissements étouffés de quelque créature des abysses, et de l’autre le tsunami de bruit blanc de Black Leather Jesus, terrain de jeu du vétéran texan Richard Ramirez dont l’ouragan magnétique autant qu’abrasif offre une implacable conclusion au funeste crescendo de Jay Gambit. Le tout s’écoute librement mais sans possibilité de téléchargement, une sortie cassette étant prévue bientôt chez Sounding Session :
Au rayon des collaborations de l’extrême, enchaînons sur Girl qui voit notre Californien associé au trio Sordo. Au programme, d’anciens morceaux de ces derniers revisités à la sauce Crowhurst sous la forme d’une série de miniatures violemment perçantes et décapantes, un flot sursaturé d’où effleurent, assourdis, les martèlements sauvages et autres vocalises psychotiques des originaux jusqu’à un final à la scie sauteuse qui transformera vos oreilles en amas de métaux rouillés :
Vous avez survécu jusqu’ici ? Un relatif "répit" s’impose avec The Lightbearer Returns et sa progression mystique en deux parties, légèrement plus feutrée malgré les nappes de guitare corrosives de Brian Reis et la batterie free aux accents martiaux de Bryan Schuessler sur fond d’orgue électrique quasi méconnaissable (Angel Ortega est au clavier) :
A noter que The Lightbearer, précédent volet en une seule piste de 31 minutes signé par le même quatuor, est également proposé au téléchargement (à prix) libre comme la plupart des sorties de Crowhurst :
Une formation, enfin, que l’on retrouve entre deux sets solo sur certains des enregistrements live hors-format composant You Have Been Fools I. On ne va pas se leurrer, cette fois le disque est à réserver aux aficionados et eux-mêmes devront s’accrocher pour arriver au terme de ces trois heures de musique sans concession, entre purée de poix dark drone, marées ésotériques, noise psychédélique et jams pour perceuses et machines-outils :
En bref, Crowhurst, c’est du bruit dans tous ses états, mais toujours bien plus que cela. Du coup on vous rassure, c’est normal si vos gamins partent en courant, et de toute façon ça tombe bien puisque Jay Gambit ne les aime pas non plus :
Photo : Kelly Webb.