Comité d’écoute IRM - session #15 - Natalia Beylis, Blut Aus Nord, PJ Harvey, Kofi Flexxx, Raw Poetic feat. Damu, Sore Dream & Hisham Akira Bharoocha, Chris Weeks
Après presque 10 ans de hiatus, le Comité d’écoute est de retour ! Pas de changement majeur dans le concept, on confronte nos coups de coeur et les temps forts de l’actualité des sorties : 7 albums pas encore chroniqués dans nos pages (soit une proposition par rédacteur + un disque attendu) et chacun y va, au gré des envies et des disponibilités, de ses quelques lignes en guise d’avis, au risque de contredire le voisin. L’objectif étant qu’à la fin vous n̶̶̶e̶̶̶ ̶̶̶s̶̶̶a̶̶̶c̶̶̶h̶̶̶i̶̶̶e̶̶̶z̶̶̶ ̶̶̶p̶̶̶l̶̶̶u̶̶̶s̶̶̶ ̶̶̶s̶̶̶i̶̶̶ ̶̶̶l̶̶̶’̶̶̶a̶̶̶l̶̶̶b̶̶̶u̶̶̶m̶̶̶ ̶̶̶m̶̶̶é̶̶̶r̶̶̶i̶̶̶t̶̶̶e̶̶̶ ̶̶̶o̶̶̶u̶̶̶ ̶̶̶n̶̶̶o̶̶̶n̶̶̶ ̶̶̶d̶̶̶’̶̶̶ê̶̶̶t̶̶̶r̶̶̶e̶̶̶ ̶̶̶é̶̶̶c̶̶̶o̶̶̶u̶̶̶t̶̶̶é̶̶̶ ̶h̶i̶n̶h̶i̶n̶h̶i̶n̶ puissiez vous faire une petite idée en fonction de vos propres affinités.
Pour la rentrée, on (re)démarre avec une sélection plutôt diversifiée, allant du black metal au hip-hop en passant par l’ambient, la musique électronique, la noise, le jazz ou l’indie rock.
Ben : La France a Julien Ash, l’Irlande a Natalia Beylis. Qu’elle fasse chanter une machine à coudre (Variations On A Sewing Machine), improvise une ode à un petit chat sourd (tinch) ou recueille les témoignages de ses proches sur un fond hypnotique (son chef-d’œuvre Invaded By Fireflies), la papesse de la musique expérimentale réussit le tour de force d’allier mélodie et expérimentation, ambiance et sens de la composition. Mermaids n’échappe pas à la règle et propose six titres quelque part entre l’Odyssée d’Homère et l’Ulysse de James Joyce. Synthétiseurs vintage (Afloat In Fog And Feathers), orgues aux sonorités aquatiques (Mermaids) et field recordings ruraux (Good Birds, Goodnight, A Visit To Yasmin) composent les formes d’une contrée onirique, quelque part entre un royaume de contes et des souvenirs familiaux en sépia (comme l’évoquent l’artwork ou le nostalgique Black Sea, 1967). A l’écoute de cet album, on comprend mieux pourquoi le roi d’Ithaque tint tant à écouter le chant des sirènes. De la Mer Egée à la Muir Éireann en passant par la Mer Noire, celles de Natalia Beylis enchanteront vos tympans avec autant de féérie. Tour à tour lumineux et mélancolique, grandiose et prosaïque, Mermaids est, selon moi, le grand album de la rentrée.
Rabbit : Une bien belle découverte grâce à l’ami Ben en ce qui me concerne... à l’écoute de cette ambient mêlant arpeggiators, field recordings et nappes de guitare oniriques aux reverbs délicates, j’ai immédiatement pensé au guitariste Chuck Johnson dans ses oeuvres les plus méditatives et abstraites, si ce n’est qu’ici les synthés sont un peu plus présents, évoquant notamment sur Black Sea, 1967 l’univers d’outre-rêve d’Angelo Badalamenti.
leoluce : Nouvel opus de la série Disharmonium, trilogie en cours débutée avec Undreamable Abysses (2022), explorant un univers drastiquement sombre, cauchemardesque et lovecraftien, Nahab s’inscrit dans une forme de continuité. Celle d’un Blut Aus Nord janus, tiraillé entre dissonances et mélodies aériennes, violence et contemplation. Pas de chant mais des cris et des incantations dans l’arrière-plan, une sensation permanente d’étouffement et des morceaux labyrinthiques qui ne se révèlent jamais d’emblée. De prime abord, un bloc austère, monolithique et sans lumière et petit à petit, des respirations, de minuscules photons planqués dans la matière noire qui grossissent et donnent corps à une multitude de nuances. Oui, c’est cauchemardesque, oui, c’est souvent irrespirable mais pour peu que l’on accepte d’en gratter la surface, Nahab montre toute sa subtilité. Le piano hanté qui vient trouer The Endless Multitude, l’étrange et quasi-atmosphérique Nameless Rites ou le très perché The Ultimate Void Of Chaos bataillent par exemple avec des îlots de pure terreur où Blut Aus Nord devient complètement anaérobie, des trois déclinaisons Hideous Dream au bien nommé The Black Vortex.
On se perd souvent dans cette densité XXL qui ne se montre jamais accueillante mais vers laquelle on revient pourtant. On se demande comment Vindsval réussit à nous prendre dans ses filets alors qu’il laboure inlassablement le même pré carré black et dissonant (il n’y a rien ici qu’on n’ait déjà entendu avant). Sans doute parce que son pré carré n’est pas un pré carré mais un monde à part entière impossible à cartographier dans sa globalité.
En tout cas, je me suis encore fait avoir et j’attends impatiemment la suite.
Ben : Black Metal et dissonances : le cocktail avait tout pour me plaire. Hélas, si l’on se doute que le projet de l’album n’est pas de maintenir l’auditeur dans sa zone de confort, l’ensemble se révèle surtout éprouvant à l’écoute car peu inspiré. On comprend le concept et on en salue l’audace, mais il fatigue très vite. On sauvera un passage de The Endless Multitude et les quelques interludes ambient Hideous Dream Opus, mais guère plus.
Rabbit : Team leoluce sur ce coup-là et ça n’était pas forcément joué d’avance car avec moi, Blut Aus Nord, c’est à prendre ou à laisser en fonction des albums, grand OUI pour le black metal occulte et viscéral, petit NON aussitôt que le groupe s’aventure dans le prog et autres kitscheries alambiquées, à l’image par exemple de la trilogie 777 dont le premier volet plus frontal est le seul qui me parle véritablement. Ici le problème ne se pose pas, à l’image du Disharmonium - Undreamable Abysses de l’an passé mais en plus contrasté, on est dans un black à la fois éthéré et caverneux avec de bien jolis interludes ambient à l’étrangeté toute ésotérique, quelque chose que le groupe français a toujours très bien maîtrisé et dont il tire une nouvelle fois un album lovecraftien à la fois déglingué et d’une grande clarté.
Riton : Effectivement, si j’ai longtemps pour ma part élevé Blut Aus Nord au rang de projet black metal hexagonal le plus ambitieux et excitant qui soit, c’est pour son versant poisseux et habité, où dissonances et noirceur provoquent inconfort et suffocation (MoRT bien haut dans mon classement) et certainement pas pour les essais les plus prog et finalement les plus clichés (les volets 2 et 3 de la trilogie 777 et dernièrement le décevant Hallucinogen). On peut dire que ce Disharmonium - Nahab répond haut la main aux critères en proposant de nouveau une expérience de terreur et de cauchemars digne de ce nom, rappelant par moments la meilleure période des confrères américains d’Aevangelist.
Elnorton : Agréablement surpris par l’écoute de cet album. Comme quoi, ce comité a toute sa raison d’être, au moins dans les couloirs de la rédaction, puisque j’avais envisagé de faire l’impasse sur cette sortie après la déception d’un The Hope Six Demolition Project mou du genou aussi bien en studio que lorsque la Britannique le défendait sur scène.
Pourtant, même si l’on n’est pas sur l’énergie brute d’un Dry ni même d’un Let England Shake, hautement apprécié dans ma sphère personnelle, I Inside The Old Year Dying évite l’écueil du disque soporifique. Néanmoins rêveuse voire vaporeuse, l’ambiance est sans cesse renouvelée, jamais dénuée d’espoir et la voix habitée sans jamais trop en faire de PJ Harvey suffit à renverser la table à chaque écoute. J’y reviendrai, peut-être pas aussi souvent que vers ses classiques, mais j’y reviendrai.
Le Crapaud : Je ne suis pas vraiment un aficionado de l’alchimiste britannique et pourtant la voix singulière de PJ Harvey et le sillon particulier qu’elle creuse depuis trois décennies me semblent familiers, comme le parcours atypique d’une cousine lointaine que je ne vois jamais. Bref, elle est là dans un coin de ma tête et elle attendrit mon oreille occasionnellement, sans que cela m’ait jamais vraiment bouleversé (désolé pour les fans). Et quand ce nouvel album est apparu, je me suis dit "tiens, écoutons-le !" et il m’a fait à peu près le même effet que le reste de sa discographie : immédiatement je l’oublie... J’ai dû me pencher à nouveau dessus pour les besoins de ce comité d’écoute et c’est alors que tout le charme de ce disque m’est apparu. Cette voix de sirène apaisée, ces mots choisis avec passion, ces arrangements dépouillés, presque austères, font un écrin subtil pour ces chansons d’amour à la rage contenue. Des choses étonnantes ont surgi : un a capella fragile qui rappelle le timbre et la folie de Björk sur Seem an I. Les distorsions d’arrière-plan qui énoncent sourdement les sentiments contradictoires de la chanteuse. Et le motif "elvissien" du "tendre amour" répété à l’envi comme un mantra chamanique pour exorciser les peines d’amour. Cet album m’a finalement conquis. Il est très beau. Rien de plus.
Ben : D’abord, une confession : I Inside The Old Year Dying est le premier album de PJ Harvey que j’écoute. Rien de prémédité ici ; simplement les hasards de la vie. Précédée d’une réputation flatteuse, cette dernière sortie mérite amplement les louanges lues à droite ou à gauche. A la fois limpide dans ses mélodies (Prayer at the Gate) et surprenante dans ses choix (le superbe final de Autumn Term), la Britannique teste les limites de sa voix jusqu’à la rupture (Seem an I) et dévoile une fragilité funambule qui lui sied à ravir. Les choix d’orchestrations sont impeccables (A Child’s Question, July) et toujours au service de compositions resserrées et jamais bavardes. Le songwriting est là (le morceau titre) et les quelques dérapages lo-fi (Prayer at the Gate, I Inside the Old I Dying) ajoutent au charme de l’ensemble. On pense à Isobel Campbell & Mark Lanegan, mais, plus important encore, ce disque a une âme qui lui est propre et qui nous accompagne tout au long de ses douze pistes. Un peu comme un fantôme quelque peu familier et étrangement rassurant.
Rabbit : Resté peu ou proue sur la même impression qu’Elnorton concernant The Hope Six Demolition Project, album élégant mais sans vrai temps fort et de fait un peu "ronronnant", j’ai d’abord eu peur qu’il en soit de même avec ce 10e long format solo de la Britannique, qui sait m’emballer (de Dry à Let England Shake en passant par To Bring You My Love) mais aussi parfois m’ennuyer (Uh Huh Her ou - full disclosure - Rid of Me, avec lequel j’ai toujours autant de mal et tant pis pour son aura culte de fan favourite). Quand le premier morceau d’un disque à te rester en tête après une paire d’écoutes est son premier single qu’on n’avait pourtant pas trouvé si fantastique que ça au départ, ça n’est jamais bon signe... et pourtant, en insistant un peu, I Inside The Old Year Dying se révèle bien mieux que décent, un album d’atmosphère avant toute autre considération, introspectif et clair-obscur comme White Chalk (Prayer at the Gate, Lwonesome Tonight), avec de jolies expérimentations sur les textures et sur la voix (All Souls, The Nether-edge), dont les morceaux les plus rock s’avèrent finalement les moins marquants (Autumn Term, I Inside the Old Year Dying), à l’exception du très intense final A Noiseless Noise (personnellement j’aurais aimé deux ou trois autres embardées du même acabit).
Riton : Sans être un grand spécialiste de la dame, certains de ses disques m’ont beaucoup accompagné dans mon parcours d’auditeur, Dry et Rid of Me en tête. Alors forcément quand un nouvel album sort on fonce y jeter une oreille et on a envie de l’aimer. Prayer at The Gate accroche d’emblée, Autumn Term commence à agacer par son maniérisme vocal malgré la mélodie puis c’est la dégringolade. Je m’ennuie et mes tympans baillent, malgré de beaux moments de grâce : A Child’s Question, August, qui semble ne durer que quelques secondes, le très beau duo avec l’acteur Ben Whishaw (August), le très prenant A Noiseless Noise. Trop intéressant pour être soporifique mais trop en dents de scie pour être réellement passionnant, un album avec un bon goût de reviens-y-pas (du moins pas tout de suite).
Rabbit : L’une de ces sorties "hip-hop sans en être" que j’affectionne, à l’image de cette excellente BO d’Andrew Broder pour Alan Moore (avec billy woods en featuring commun), ou il y a quelques années le merveilleux Earthology des Whitefield Brothers pour rester sur un jazz aux influences traditionnelles africaines... puisque c’est bien de jazz, versant tribal, mystique voire incantatoire dont il est question sur ce disque néanmoins moderne dans sa déconstruction et son spleen urbain, visiblement l’oeuvre du saxophoniste britannique Shabaka Hutchings (Sons of Kemet) sous un pseudo, qui s’adjoint les services de plusieurs rappeurs habités, le patron de Backwoodz Studioz donc mais aussi son compère d’Armand Hammer, E L U C I D, sur un Show Me éteint et caverneux, ou l’excellent Confucius MC au flow empreint de spiritualité, Anthony Joseph assurant quant à lui la caution afrobeat avec le brio qu’on lui connaît.
Le Crapaud : Sortie hip-hop ? Cet album n’est hip-hop que par accident. Son essence est constituée d’un jazz vénéneux. Shabaka Hutchings qui a récemment annoncé qu’il arrêtait de jouer du saxophone (le comble pour un saxophoniste !) maîtrise l’hybridation stylistique. En puisant son inspiration dans l’éventail gigantesque de la musique noire (comme le fait son compatriote Yussef Dayes, dans le tout récent Black Classical Music sur lequel Shabaka est invité pour jouer... du saxophone), il bondit d’une collaboration à l’autre, vibrionnant entre les instruments et les rappeurs, impulsant son énergie indépendante parmi les musiques traditionnelles et les plus récentes productions de l’indé hip-hop. Tel un funambule, la musique du Britannique oscille, donne le vertige, avance en dépit d’un équilibre fragile. Qu’elle soit cadencée et syncopée, comme sur It Was All A Dream, baroque et décousue (Babylon Dun Topple), rituelle et atmosphérique (Increase Awareness feat. Ganavya), ou encore minimale et méditative (Aim feat. Siyabonga Mthembu), la composition de Shabaka Hutchings est toujours habitée par un brasier crépitant. Une réserve cependant : ce premier album assez hétéroclite sous ce nouveau nom laisse perplexe quant à la "direction" que l’artiste veut prendre à partir de maintenant, tant ses envies semblent errer tous azimut. En attendant la suite, donc.
leoluce : Je complète en n’apportant pas grand chose. Hip-hop ? Tangentiellement. Tribal et mystique ? Complètement. Et chaud. Et parfois introspectif aussi. Un foyer où le feu, tour à tour, couve et se consume, se réveille puis brûle tout avec quelques gouttes de spleen insulaire. Superbe et puis c’est tout.
Elnorton : Pas forcément le genre de musique que j’écoute le plus souvent, ce Away Back In est un condensé de ce rap old school qui plaît également à ceux qui écoutent habituellement d’autres registres de musique. Chill à souhait, à écouter au bord de la mer avec un smoothie, la paille dans la bouche, ce disque n’oublie pas d’explorer des territoires plus larges, si bien que l’on retrouve même quelques éléments rappelant le Radiohead de In Rainbows au détour d’une mélodie, de quelques accords ou arpèges, ou même des choeurs (Sometime After Midnight, The Speed of Power). Un régal.
Rabbit : Pas si surpris de la comparaison avancée par Elnorton tant les guitares prennent le dessus sur ce disque - on pourrait également penser au début du virage de l’Anglais Ghostpoet vers ce rock feutré qu’il arpente aujourd’hui. Toutefois, si j’ai passé un bon moment, cet aspect très ligne claire voire pop ne m’a pas vraiment incité à revenir au disque, préférant nettement la paire lorsqu’elle s’aventure dans des contrées plus cosmiques et jazzy comme sur le très long mais très bon Space Beyond the Solar System (et Damu, plus encore, avec le sampling hanté de ses productions pour Insight ou ses instrus abstract à la DJ Shadow en solo). L’an dernier, Laminated Skies avait ouvert les vannes de cette inspiration plus pop et, déjà, ne m’avait pas vraiment emballé. Espérons simplement que l’acoustique ne soit pas la prochaine étape pour le duo américain (cf. ici le mielleux Human Kindness final).
Ben : C’est l’une des belles surprises de cette sélection. Sans avoir forcément la culture musicale que mes coreligionnaires en la matière, j’ai apprécié le mélange de rythmiques hip-hop et de guitares aux ambiances variées. Ease Side, par exemple, bascule, après une entame old school, dans une sorte de soul pop élégante du meilleur effet. When the Mind Goes et Bird’s Eye dégainent les distorsions et Sometime After Midnight chasse ouvertement en territoire indie rock... tout en gardant un phrasé hip-hop qui sert parfaitement le morceau. La guitare est la vraie vedette de l’album, parsemant Away Back In d’accords de sixième et septième qui tirent les compositions vers des ambiances jazzy ou d’arpèges à l’élégance dissonante (l’excellent Pull Over). En outre, les morceaux ont le bon goût d’être courts et de ne jamais rallonger inutilement la sauce. Hautement recommandé.
Le Crapaud : Je partage le sentiment mitigé de Rabbit sur cet album. Même si je reconnais que sa façon de prolonger l’été avec des ambiances très chill (comme le faisait remarquer Elnorton), est séduisante. Ses gimmicks hypnotiques posés sur des beats groovy. Cette guitare désinvolte qui tire le jazz/hip-hop vers le rock... Tout cela est bien agréable. Sauf que... les beats, certes old school, sonnent comme du déjà entendu mille fois. Le groove est là, mais il lui manque un je-ne-sais-quoi de nouveau que la guitare ne parvient pas à combler à elle seule. Le flow, un peu répétitif, très décontracté, manque parfois d’ardeur. Bon, je dis du mal, mais c’est tout de même un album bien foutu, confortable, avec quelques moments de grâce, comme le bouillant Sometime After Midnight. Rap en pantoufles.
Rabbit : Quand un ex terroriste sonore de Black Dice (dont il fut batteur pendant 7 ans) et Lightning Bolt (Bharoocha fit même partie des membres fondateurs de ces deux formations expérimentales et bruitistes en diable) croise le fer avec le très radical projet parallèle des deux Full of Hell Dylan Walker (également membre de Sightless Pit) et Spencer Hazard, on sait qu’on va en prendre plein les tympans pour pas un rond. Et c’est effectivement ce qui arrive avec cette première collaboration en trio, déluge de clous rouillés, de hurlements étouffés à peine reconnaissables et de sursaturations en tous genres finalement dans la continuité de l’univers de Sore Dream, qui flirte avec le harsh noise et l’indus et culmine sur ses morceaux les plus dramaturgiques, du menaçant Flames of Ruin au tempétueux Spores in Lungs en passant par le tribal Cordyceps. Intense et puissant mais il faut être d’humeur !
leoluce : Toujours d’humeur pour ce genre de disque bruitiste. Parce que c’est évidemment bien plus que du bruit. Agrégats plutôt finement sculptés sous l’écorce écorche, flux ininterrompu de stylets corrosifs bizarrement addictifs. L’harsh-indus a encore des choses à dire et est toujours prêt à nous torturer pour que l’on soit bien attentif quand ça sort. Radical et salvateur.
Ben : Pas sûr que le DJ de votre camping ait passé un titre de cet album lors de vos dernières vacances sur la côte basque. Il y a pourtant beaucoup de bonnes choses dans ces huit titres propres à vider le dancefloor mais à remplir les âmes (et les oreilles) en quête d’expérimentations. Album puissant et destructeur, ce Sore Dream & Hisham Akira Bharoocha propose une expérience radicale de trente et une minutes dont on ressort, certes exsangue, mais sacrément bougé. De ce maëlstrom sonore, on extirpera les sauvages Flames of Ruin et Microorganic Genocide, le grinçant Crystal Downpour ou encore le terminal Spores in Lungs. Au milieu de cet incessant tir de barrage, c’est peu dire que le (presque) apaisé Cordyceps est le bienvenu. Grand album malade, bande-son de la fin du monde, cet album est mon autre coup de cœur de cette sélection.
Riton : Fan de Full of Hell de la première heure, je ne découvre ce projet noise des sieurs Walker et Hazard que maintenant. Ces circonvolutions cacophoniques avaient pourtant tout pour plaire au petit être en mal de bruit que je suis. La chose est désormais rattrapée avec ce troisième et génialissime opus en forme de all-star noise band agrémenté d’un nouveau larron pas inconnu pour deux sous (Lightning Bolt, Black Dice, rien que ça...). Radical certes, mais extrêmement cohérent et structuré au regard de ce qui vient avant... et surtout particulièrement addictif et cathartique. Alors moi si le DJ du camping en passe un titre, je veux bien faire semblant de m’intéresser au surf !
Rabbit : Plus spontané que jamais dans son processus d’enregistrement depuis une paire d’années, que ce soit sous l’alias Kingbastard ou sur l’immense premier album de WEEKS offert à notre netlabel IRM, le Britannique plonge ici dans les grands fonds d’un drone organique et opaque aux textures épaisses et lo-fi, mâtiné d’ambient à guitare et de motifs électroniques. On pense pourquoi pas aux morceaux les plus ambient d’un Labradford, avec ce même clair-obscur immersif loin des canons esthétiques souvent trop léchés du genre aujourd’hui. Sur ce bien-nommé Sunken Measures, la musique vibre et vit, respire et rampe comme un organisme préhistorique qui aurait survécu depuis des millénaires dans une faille océanique.
Elnorton : Sans être, au sein de la bande IRM, le plus grand fanatique de ses sorties drone-ambient, ce nouvel album de Chris Weeks suit la logique d’une impeccable discographie, et les textures organiques voire tribales de ces drones ne sont pas sans rappeler celles, par exemple, de Thisquietarmy. Une réussite de plus pour le Britannique et les amateurs y trouveront à coup sûr leur compte.
Ben : De son titre à l’artwork, voilà un album qui ne ment pas sur la marchandise : le contenu est conforme à l’emballage. Au diapason de mes compères Rabbit et Elnorton, j’ai pris beaucoup de plaisir à m’immerger dans les grands fonds marins en compagnie du scaphandrier Chris Weeks. Conçu comme une plongée sans retour, Sunken Measures glisse progressivement de la mélodie (les cordes sensibles de Sunken Measures, Pt. IV ou épiques de Sunken Measures, Pt. III) à l’abstraction (les trois derniers morceaux). Sombre, riche en bruitages divers (captations sonores, glitchs) et en textures synthétiques, cette dernière partie fascine le plus. Sorti presque au même moment, cet album aquatique se présente comme le jumeau diabolique du Mermaids de Natalia Beylis cité plus haut. A eux deux, ils forment le diptyque idéal pour s’échouer sur les rivages d’une île hostile. Ou explorer l’épave du Titanic.
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