Les meilleurs crus de 2020 : Partie 3/4

Tant de choses ont été dites sur cette année 2020 si particulière alors que nous manquons cruellement de recul pour analyser les enjeux et conséquences des bouleversements qui en découleront. Et, musicalement, 20-20 aura été un millésime tout à fait correct. Autant s’attarder dessus. Avant de terminer le classement de mes 10 LPs favoris, voici dix bonus qui ont également marqué mon année 2020.

Le titre pop :



Tame Impala - Breathe Deeper

Ambiance lounge, un peu cheap sur les bords mais si profonde et puissante à la fois que ce qui pourrait s’apparenter à des défauts est sublimé. La réverbération est, comme toujours chez Kevin Parker, présente massivement mais elle ne sert pas à masquer les imperfections, assumant celles-ci à coups de flangers pour former un titre aux trois vies d’une efficacité redoutable, que j’ai écouté de manière compulsive toute l’année.


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Le titre survolté :



Car Seat Headrest - Hollywood

En avril, les Californiens étaient déjà confinés depuis un mois quand l’industrie cinématographique locale, déjà à l’arrêt, a subi un second uppercut. La responsabilité en revient à Will Toledo, geek nonchalant et génial, auteur d’une missive ressuscitant les hymnes indie rock les plus percutants des années 90. Laconiques, les paroles ("Hollywood makes me wanna puke", "They don’t talk about the 12 year olds on pills waking up in beds of big producers") sont aussi engagées qu’efficaces, mais Car Seat Headrest signe surtout à cette occasion le riff le plus survolté de l’année, qu’il parvient à intégrer au milieu d’arrangements astucieux.


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Le titre élégant :



Agnes Obel - Broken Sleep

Une fois n’est pas coutume, le quatrième album d’Agnes Obel ne s’invitera pas parmi les plus belles places de mon bilan annuel. Myopia n’est évidemment pas un mauvais disque, la Danoise restant fidèle à l’esthétique sonore qui lui a permis de s’affirmer comme l’une des artistes les plus fascinantes de la décennie précédente, mais il lui manque une indescriptible étincelle pour le sublimer. Parfois redondant, Myopia comporte néanmoins quelques fulgurances à l’image de l’élégant Broken Sleep dont les orchestrations à base de violoncelle, violon, piano et arrangements précis servent d’écrin à la voix entêtante d’Agnes Obel.


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Le titre instrumental :



The OST - From Here

The OST est un producteur anglais mystérieux qui a réalisé la bagatelle de deux albums et un EP cette année. Profondément Warpien, son univers s’appuie sur des synthétiseurs d’apparence cheap mais totalement désarmants et des rythmiques répétitives et endiablées. La recette n’est pas inédite mais la manière dont le Britannique s’approprie ces éléments pour convoquer une braindance personnelle est en revanche tout à fait singulière. Il ne faut pas attendre bien longtemps avant d’être captivé et absorbé par un titre tel que From Here. Pour peu que l’on soit réceptif à ce type d’ambiances...


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La nouvelle version inattendue :



Hooverphonic - Mad About You

Geike Arnaert est de retour au sein d’Hooverphonic et le combo belge a choisi de marquer le coup en réinterprétant son tube Mad About You. Au lieu d’être un simple exercice de style, la démarche est aboutie et constitue un excellent complément à la version originale. Les arrangements de cordes semblent d’abord en retrait mais ils prennent de nouveaux contours au gré d’une production ingénieuse. La voix de Geike est toujours aussi puissante mais une forme de plénitude semble désormais l’accompagner et un pont astucieux est transformé par l’apparition d’une guitare en rupture. Aussi inattendu que bienvenu.


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La meilleure compilation :



Various Artists - Ennio Morricone Tributes

Le Lyonnais Klimperei a été à l’origine de l’un des rares projets rendant hommage à Ennio Morricone, décédé l’été dernier. Trente-huit titres mêlant des manipulations de samples aux créations originales sous influence composent ce Tributes sur lequel apparaissent quelques artistes fréquemment chroniqués dans nos colonnes et même trois membres de notre rédaction.


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Le meilleur live confiné :



Chez.Kito.Kat - Analove My Log

Début mai se tenait la cinquième édition d’Analove My Log, événement rassemblant, entre deux continents, une dizaine d’artistes affiliés au label Chez.Kito.Kat. Partenaire de l’événement - qui a eu lieu durant une période de confinement de part et d’autre de l’Atlantique - notre webzine a interrogé sept artistes en amont avant de faire le bilan de cette édition particulière qui peut encore être visionnée en intégralité. Entre les visuels de Bertrand Ricciuti et les performances de ces musiciens passionnés par les synthétiseurs modulaires - on vous recommande particulièrement le set survolté de VFO89 - le spectacle était au rendez-vous, si bien que l’on peine encore à comprendre pourquoi le label ne bénéficie pas d’un public plus large. La qualité des compositions a décidément peu à voir avec l’engouement populaire.


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La meilleure bande originale :



Akira Kosemura - True Mothers (Original Motion Picture Soundtrack)

Akira Kosemura ne peut plus être un inconnu pour les fidèles lecteurs de notre webzine. En effet, nous n’avons cessé, ces dernières années, de défendre ses nombreux projets. Le Japonais est prolifique et les sonorités hybrides entre ambient et néoclassique qu’il développe trouvent un nouveau support à l’occasion de la sortie du film True Mothers dont il signe la délicate et somptueuse bande originale.


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Le meilleur roman musical :



Sylvia Hansel - Cannonball

Sylvia Hansel, jadis connue sous l’alias Sylvia Hanschneckenbühl, a publié cette année son troisième roman. Cannonball s’étire sur cinquante chapitres mettant chacun à l’honneur une chanson qui a marqué l’adolescence de la chanteuse. Toutefois, l’artiste ne se positionne pas en musicologue et parle d’elle, de son adolescence remplie de désillusions et d’incompréhensions, d’isolement et d’odeur de soufre. Sylvia Hansel parvient à identifier des émotions universelles à partir d’un récit singulier. Si cet objectif est souvent visé par d’autres, force est de constater que les attentes sont fréquemment vaines, l’exercice demandant autant d’habileté que de talent. Des denrées rares que la Française mobilise sur ce Cannonball musico-sociologique où l’on passe volontiers du Velvet Underground aux Rolling Stones ou de Eels à... Hanson. En marge de cette sortie dans les librairies, l’artiste a également publié le disque autoproduit From the Muddy Banks of the Marne qui lui permet de revisiter quatorze des cinquante chansons à l’honneur dans Cannonball. Un bel exercice de style à côté duquel il serait dommage de passer.

La chronique complète


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Autopromotion :



Valgidrà - Warplush Vol 1

Il serait dommage de se priver de l’opportunité de relayer ses propres travaux. Si j’ai commencé à composer en 2019 - et diminué de fait mon rythme de publication dans ces colonnes - c’est en 2020 que j’ai publié mes premières productions sous l’alias Valgidrà, d’abord dans le cadre d’un EP intitulé Matchmade Screens avec Konejo puis en solo avec le long-format Warplush Vol 1. Sans doute moins passionnant que tous les disques cités précédemment, il constitue un clin d’oeil à mon intérêt prononcé pour les productions du label Warp, Boards of Canada et Aphex Twin en tête. Il ne serait pas étonnant qu’au détour de l’un ou l’autre des titres de Warplush Vol 1 vous apparaisse l’influence de l’un ou de l’autre de ces artistes.


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Articles - 22.01.2021 par Elnorton