Le streaming du jour #1921 : Funki Porcini - ’The Mulberry Files’
Dans la continuité des aventures atmosphériques et mélangeuses de Conservative Apocalypse ou One Day, l’ex génie de l’ombre du label Ninja Tune, influence avouée d’Amon Tobin à l’époque de ses premières sorties drum’n’bass élégantes et mutantes, insuffle à nouveau mystère et cinématographie dans ses instrumentaux désormais à la croisée de l’ambient et de l’électronica downtempo. Résultat : un nouveau chef-d’œuvre d’onirisme à la tension feutrée, intrigant jusque dans ses passages les plus délicats et faussement sereins (cf. la mélodie de piano de Postcard From Poland, à laquelle nappes d’harmonies fantomatiques et basses fréquences discrètement plombées confèrent une dimension proprement inquiétante).
D’emblée, les synthés clairs-obscurs aux faux-airs orchestraux, sifflements nonchalants façon Bernard Herrmann sur Twisted Nerve et autres cascades de cordes baroques à la John Barry du morceau-titre évoquent sur fond de beats syncopés la BO fantasmée d’un film d’espionnage dans le milieu du luxe européen. Cette dynamique réapparaîtra par la suite mais dès Postcard From Russia avec ses rythmiques d’n’b liquéfiées et ses va-et-vient de nappes impressionnistes aux denses vapeurs électroniques, on renoue également avec la facette la plus rêveuse voire confortablement léthargique de James Braddell (celle qu’inaugura Fast Asleep en 2002), tristement ignoré des médias depuis son départ de Ninja Tune en 2010, dans la foulée du fabuleux On.
En comptant Le Banquet Cassio, tout aussi réussi, The Mulberry Files est sa quatrième autoproduction en 8 ans, et on ne se fait pas d’illusion, le choix de l’Anglais de s’ériger en explorateur musical du subconscient via des instrumentaux aussi longs en bouche et texturellement complexes que Postcard From Brighton, aux 10 minutes de marées spleenétiques et de méditations romanesques à la croisée du réalisme magique et du songe féérique, devrait l’éloigner définitivement des projecteurs. Qu’importe, c’est un bonheur de tous les instants de retrouver l’auteur de l’indépassable Love, Pussycats & Carwrecks une fois tous les deux ans avec de tels bijoux intemporels, citons pour celui-ci la chillitude planante et jazzy de Yum, la candeur élégiaque de Something Serious In The Toybox ou les polyrythmies cristallines du final Things Might Get Better qui semble mettre l’accent sur le "might" avec son angoisse sous-jacente, et on vous laisse découvrir le reste - si vous êtes coutumier du bonhomme vous ne serez pas déçu, et sinon vous pourriez bien ne pas vous en remettre avant un bon bout de temps !
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