Le Réveil Des Tropiques - Big Bang
Fin 2012, Le Réveil Des Tropiques publiait un premier album aux allures d’uppercut dans la face d’auditeurs qui ne pouvaient être préparés à ces boucles électriques hantées et labyrinthiques enregistrées en trois jours d’improvisation.
1. Synchrotron
2. L’Effet Casimir
3. Matière Noire
4. HyperNova
Infatigables explorateurs, les membres du combo sont issus de formations telles que Oiseaux-Tempête, FOUDRE !, Trésors ou Casse-Gueule, et certains d’entre eux évoluaient précédemment chez Ulan Bator ou Farewell Poetry. Malgré la publication de trois EPs d’une série baptisée fort justement Hallucinations Scèniques, ce Big Bang était particulièrement attendu par tous ceux - et ils sont nombreux - qui avaient déjà fait du Réveil Des Tropiques une formation essentielle d’un courant tout à la fois psyché, expérimental, libre et survolté. Pas de panique, ceux-ci ne seront pas déçus. Le caractère hautement hallucinatoire de Big Bang se révèle immédiatement, dès les premiers souffles de Synchrotron : rythmique évoquant un galop métronomique, saturations électriques liquéfiées et effets sonores bien sentis jouant sur la polarité des enceintes. La pulsation maousse a tôt fait d’envoyer les synapses au fin fond du cosmos et les étoiles explosent puis implosent et explosent à nouveau avant de se recroqueviller sur elles-mêmes dans un mouvement ample et illuminé.
Certes, les quatre morceaux de ce disque s’ancrent dans la continuité du précédent, assumant et digérant toujours aussi impeccablement des influences allant du krautrock de Neu !, Can ou Faust aux expérimentations noisy d’un Sonic Youth, conférant du coup un certain confort d’écoute puisque l’on avance en territoire connu. Or, c’est précisément ce que les Français cherchent - et parviennent sans le moindre doute - à éviter. D’abord, les influences susmentionnées sont tout au plus des réminiscences et Le Réveil Des Tropiques parvient systématiquement à tracer une voie qui lui est propre et qui n’appartient qu’à lui. Ensuite, cette voie n’est en aucun cas une autoroute balisée et le cheminement général montre un goût toujours aussi prononcé pour la prise de risque.
Ainsi sur L’Effet Casimir, les oscillations acides et la rythmique pulsatile, s’étoffant au passage pour percuter un mur final irradié par des claviers transcendants et illuminés façon Ray Manzarek, interpellent et sidèrent complètement. C’est que rien n’est jamais simple avec Le Réveil Des Tropiques mais tout semble pourtant couler de source. Si les constructions alambiquées, drones et variations minimales confèrent un habillage retors, ils ne relèvent pas pour autant d’une quelconque posture. Ces cinq-là ne cherchent pas à casser leur jouet pour susciter l’attention. Inutile tant leurs morceaux sont suffisamment intelligibles pour se passer à la fois de mots et de vaine surenchère. Instrumentale et très largement improvisée, la musique apparait plus que jamais affamée. En prenant son temps et en ne s’interdisant absolument rien, elle débouche systématiquement sur une démence inspirée, à l’impact indéniable sur le corps tout entier. Il faut dire aussi qu’à l’instar du premier, Big Bang sonne formidablement, ne gommant rien des micro-détails qui parsèment les morceaux, restituant toutes les textures et insufflant beaucoup d’ampleur à l’ensemble.
Matière Noire incarne ensuite une - relative puisque s’étendant sur près de huit minutes - transition à base de drones post-apocalyptiques. Solennelle et très habitée, elle préfigure joliment la teneur de la suite. Cette fois-ci, plus que la matière, c’est la magie qui semble être noire sur HyperNova qui, avec ses douze minutes d’expérimentations entre résonances minimalistes, art brut et noise, vient conclure de la plus belle des manières une œuvre toujours aussi chamanique et hallucinatoire, dont on ne parvient guère à comprendre la recette - sans doute parce qu’il n’y en a pas - mais basée sur un psychédélisme noir à l’aspect dédaléen qui constitue déjà l’un des plus formidables antidotes à la prévisible routine des balbutiantes 2018.
Comme sur le premier long-format, la stimulation de tous les instants s’accommode tout à fait d’une relative accessibilité si bien qu’à l’image du fameux Effet Casimir, force attractive opérée dans le vide, l’auditeur se sentira inévitablement attiré par les boucles psycho-électriques travaillées à l’envi par Le Réveil Des Tropiques sur ce Big Bang (à la magnifique pochette signée Caza, rien que ça) qui, espérons-le, est annonciateur de lendemains aussi ambitieux que tortueux.
Essentiel.
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