Le streaming du jour #1750 : Tadash - ’Jachère EP’
Le problème avec les artistes productifs, c’est qu’à défendre et relayer chacune de leurs productions, on en finirait par utiliser les mêmes termes, témoignant ainsi d’une imagination inversement proportionnelle à la leur.
Cyrille Poumerie et Clément Malherbe sont de ceux-ci. A décortiquer chacune de leurs sorties avec passion, le risque d’utiliser les mêmes poncifs est réel. Ce serait alors tout sauf opportun, tant la meilleure façon de rendre hommage à Jachère, digne successeur d’un Rivals sorti sept mois plus tôt, consisterait à faire preuve d’un esprit aussi aventureux que le leur.
Faisons d’emblée le deuil de cette illusion, et affrontons l’épreuve du commentaire de Jachère. Sans se répéter, les Français poursuivent une discographie variée dont les principaux points communs restent probablement l’aspect hanté et la prépondérance des expérimentations.
Le pire, c’est que même au sein du même EP, Tadash emprunte des directions multiples tout en maintenant cette essentielle cohérence d’ensemble. Sur Jachère, les Français débutent avec un Venganza aux claviers aériens et beats enivrants pour conclure avec le minimalisme d’un The Ghost Road particulièrement mélodique.
Là réside peut-être l’atout principal de cette réalisation car, entre-temps, cet aspect est peut-être plus prégnant que jamais. Ainsi, l’impeccable production d’un Control met en valeur une formidable montée en puissance sur laquelle des accords de guitare semblent suspendus à une batterie métronomique à laquelle se greffent des claviers hédonistes qui pourraient faire chavirer n’importe quel cœur de pierre. Le spectre du In Rainbows de Radiohead n’est pas loin pour cette audace à la fois lumineuse et plombée.
Toujours, c’est à cette inlassable exploration sonique que l’auditeur est confronté. Dans une veine plus abrasive, La Technique s’appuie sur une ligne électrique à la fois ronde et froide. Un spoken word narratif rappelant celui de Gontard émerge, laissant apprécier des paroles punk ("maintenant, je suis président de la République et je t’emmerde tête de bite") qui pourraient s’incruster dans n’importe quelle boîte crânienne à l’esprit contestataire. Mais Tadash n’est pas seulement là pour flatter nos bas instincts. Le morceau est solide, pétri d’arrangements ambitieux, et suit une progression non linéaire.
Une dimension hallucinatoire apparaît également lorsque la voix psalmodie sur un A l’Envers électrique aussi accessible qu’énigmatique ou sur les incantations d’un Private Sky établi sur une rythmique discrète et downtempo qui en fait l’un des titres les plus libertaires d’un chapitre toujours aussi audacieux, inspiré et affranchi de toute contrainte qu’à l’accoutumée.
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