Le phénomène Beirut m’agace docteur, suis-je normal ?
Beirut par-ci, Beirut par-là, c’est vrai, quoi, y’en a marre, à la fin. Sortez les trompettes tant qu’il est encore temps, cette année ça sera les klaxons et j’aurai encore plus de raisons d’être agacé, comme en 2004 avec Franz Ferdinand. Déjà Arcade Fire y a deux ans ça m’était sorti par les yeux, il n’y en avait que pour eux au milieu d’un bon paquet d’albums au moins aussi remarquables, et pourtant c’était bien plus justifié par la qualité de l’album, non ? Enfin voilà, le fait est que cette fois, pour avoir écouté l’an dernier une bonne centaine de galettes plus abouties et touchantes à mes yeux que ce premier essai tout juste sympathique du jeune Zach Condon, j’aurais quelque peu tendance à voir dans la démesure du plébiscite général de Gulag Orkestar une réponse forcée à la recherche desespérée de l’"icône indie" 2006.
Je m’explique : le buzz nous est parvenu au début de l’année dernière, blindé de comparaisons flatteuses autant qu’injustifiées. Les Magnetic Fields ? Antony And The Johnsons ? Neutral Milk Hotel ? Désolé mais je n’ai pas entendu grand chose de tout ça à l’écoute de cet album. Ce à quoi on me répondra sans doute que c’est plutôt dans l’esprit que dans l’orientation musicale que ces comparaisons devaient être prises, et c’est justement là que le bât blesse : faire de la pop avec trois bouts de ficelle ne suffit pas à être comparé aux Magnetic Fields, et essayer de chanter de façon majestueuse ne fait certainement pas de Conlon un équivalent crédible d’Antony. Tout simplement, le résultat n’était pas là, tout au plus prometteur mais rien de renversant, pas même les tant vantés Mount Wroclai et Postcards From Italy.
Par contre, la comparaison avec Neutral Milk Hotel est des plus éclairantes... car voilà ce qu’une certaine critique voulait faire de Beirut : un groupe pour snobs, écouté des seuls amateurs "pointus", de ceux capables d’apprécier un peu de balkanisme dans leur pop ou de vanter la sous-production d’une musique qui aurait pourtant eu besoin d’un son plus ample, plus travaillé. Résultat, Gulag Orkestar - qui ne mérite pas pour autant d’être qualifié d’album snob en retour de bâton, d’autant qu’il est déjà connu de la plupart des amateurs de "rock indé" et que l’on peut avoir de bien meilleures raisons de l’aimer - s’en trouve encore plus surestimé qu’ In The Aeroplane Over The Sea , mais sans le songwriting et le chant à fleur de peau, alors la "hype indé" ne fera sans doute pas long feu. Tiens d’ailleurs côté résultat elle n’a finalement pas grand chose à envier à celle des Arctic Monkeys, cette hype, dans un autre esprit... sauf que les Arctic Monkeys, dont personnellement je préfère l’album à celui de Beirut et qui eux non plus ne méritait pas le retour de bâton, ne l’ont pas moins reçu de plein fouet de la part d’une bonne partie de la critique (avec aussi peu de discernement que celle qui les élevait en tête des bilans de fin d’année).
Ah que ça fait du bien de râler un fois de temps en temps...
Bon allez, pour tempérer cette diatribe un peu trop féroce j’en conviens, je dois avouer n’en attendre pas moins le prochain album de Condon, la faute au récent EP Lon Gisland sur lequel il fait preuve d’un épanouissement sur tous les plans : mélodies, productions, arrangements... la voilà la vraie révélation de Beirut.
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