Le streaming du jour #1416 : People’s Palms - ’Habitatual’
Ignoré de Discogs si ce n’est pour un obscur mais fort inspiré featuring sur la cassette de drone psyché d’un groupe tout aussi tristement méconnu, une fréquentation facebook à deux chiffres, un Bandcamp chiche en informations où l’on peut néanmoins télécharger à prix choisi les deux premières cuvées du projet... le Californien Austin Freese est de ces musiciens pas encore sortis de sous les radars voire carrément hors de portée des ondes les plus pointues. Autant dire qu’il y a du bon à traîner sur les mailing lists de labels divers et variés car sans le rappel hebdomadaire des prolifiques Hush Hush Records, fief de nos chouchous Cock & Swan, nous serions sûrement passés à côté de l’un des plus beaux albums de l’année.
A l’image de sa cover paysagère dont l’impressionnisme pastel passerait de loin pour une photo, la musique de People’s Palms est à la fois atmosphérique et détaillée, luxuriante et aérée, évocatrice et abstraite, présentant en particulier les qualités hypnagogiques d’un rêve éveillé, un mirage qui passerait la réalité au filtre d’un état de conscience suspendu. Marqué par la nature et les péripéties du musicien qui lui ont donné l’occasion ces trois dernières années d’échantillonner les field recordings constituant la trame sonore de ce voyage imaginaire - chants ethniques sur Tropical Floor, gazouillis d’oiseaux sur Humanized ou encore bruit de l’eau durant la mousson (Wet Season) -, Habitatual convoque ainsi les travaux ambient exotiques d’un Mike Cooper mais également, le vibraphone aidant, les méditations hypnotiques de Tortoise période Millions Now Living.../TNT (cf. surtout leur fameux Ten-Day Interval dont les motifs cristallins ne sont pas tombés dans l’oreille d’un sourd, se dit-on notamment à l’entame de Past Vega), le tout au service d’une transe onirique et ouatée qu’on pourrait qualifier de chillwave.
Les nappes analogiques d’une pureté presque pastorale se mêlent au brouhaha de la foule (Monarch) et leur canevas minimal s’étoffe peu à peu en progressions aurales qui doivent autant à Steve Roach qu’à Steve Reich mais nous rappellent finalement davantage au spleen bucolique hors du temps et des modes des premiers opus de Bibio, que l’Anglais a malheureusement troqué depuis au profit d’un hédonisme trop léché. A l’évidence, pas de ça chez Austin Freese dont les instrumentaux downtempo perpétuent en toile de fond la mélancolie rétro-futuriste propre à ces synthés Boards-of-Canada-esques (Migrational Shapes, ou plus encore le final Night Jungle hanté par des réminiscences de transmission radio d’une autre époque), tout en s’autorisant quelques incursions à la dynamique plus marquée, du groove percussif de Centro Acuatico aux syncopations rondelettes sur fond de glitch limpide à la Oval d’A.M. Radial en passant par l’évolution IDM quasi click’n’cut de Past Vega.
De l’électronica comme on en fait plus, en somme, dont le charmant anachronisme se double d’une fascinante singularité.
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