Deux ans après le touchant Let Your Hands Be My Guide, les ballades de la Néerlandaise désormais signée chez Glitterhouse ont gagné en évidence mélodique, en densité instrumentale et en reliefs subtils tout en restant fidèles à cette mélancolie gracile qui aborde cette fois les rivages hivernaux d’une relation amoureuse menacée d’érosion. Un songwriting certainement très personnel à en juger par la bouille rondelette de la Belge d’adoption caricaturée avec poésie sur la cover de ce deuxième album solo, regard pâle et songeur perdu dans le lointain.

Ce regain de lyrisme désarmant de naturel, on aurait rêvé de l’entendre irriguer le dernier album tout aussi personnel mais linéaire et convenu - et étrangement porté aux nues - de Sufjan Stevens, rapprochement d’autant plus évident lorsque le banjo est de la partie comme sur The Other Way, tandis que le bouleversant Everything And Everyone bercé par les percus naturalistes d’Eric Thielemans lorgne sur la pop orchestrale ambitieuse et à fleur de peau de la compagne de label du New-Yorkais, Shara Worden aka My Brightest Diamond, la gravité à la fois sincère et précieuse des vocalises d’Acda aidant.

Rompue comme cette dernière aux collaborations avec des musiciens venus de sphères plus expérimentales, comme en témoignaient il y a quatre ans les ballades cotonneuses au spleen éthéré de l’attachant second opus de Sleepingdog en compagnie du sorcier ambient Adam Wiltzie (Stars of the Lid, Aix Em Klemm, A Winged Victory for the Sullen...), Chantal Acda insuffle toutefois dans cette combinaison guitare / chant / violons crève-cœur / chœurs soyeux, déjà en soi bien trop majestueuse pour l’étiquette folk, des couleurs autrement singulières. Ainsi du crescendo rythmique et texturé du fabuleux Homes avec l’ami Peter Broderick aux harmonies vocales et où l’on reconnait bien la patte de l’Islandais Valgeir Sigurðsson, des chaudes dissonances électriques du fidèle guitariste Shahzad Ismaily sur Games ou de la cavalcade païenne des percussions de Still We Guess, en passant par les beats downtempo de Minor Places, la trompette pensive de Niels van Heertum sur The Other Way ou la terrassante vague drone finale du morceau-titre, autant d’éléments apportant au disque un surplus d’ambivalence dans l’expression de ces complexes émotions, lorsqu’un amour jamais questionné jusqu’alors laisse place au doute et à la confusion sans que l’espoir de jours meilleurs n’ait complètement disparu.

A l’image du merveilleux Glider d’Heather Woods Broderick - aux accents Kate-Bushiens bien mieux digérés que chez la plupart des héritières de l’exubérante Britannique, la surcotée Julia Holter en tête -, autre invitée de marque de ce nouvel opus au côté de son frère Peter également compagnon de concert et duettiste sur les deux titres live bonus qui nécessiteront de monter le son de quelques crans (dont le fervent Arms Up qu’ils chantaient déjà en duo sur l’album précédent), c’est ainsi qu’un potentiel beau recueil de chansons devient expérience sensorielle et chef-d’œuvre d’introspection.