Damien Rice - My Favourite Faded Fantasy
Récemment, pour commenter le dernier album de Craig Armstrong, nous questionnions la flamme dont certains artistes semblaient être munis naturellement et qui pouvait tout aussi bien se dissiper soudainement.
1. My Favourite Faded Fantasy
2. It Takes A Lot To Know A Man
3. The Greatest Bastard
4. I Don’t Want To Change You
5. Colour Me In
6. The Box
7. Trusty And True
8. Long Long Way
Si, chez l’auteur du décevant et inégal It’s Nearly Tomorrow , nous ne pouvions que regretter la récente extinction de cette flamme, nous pouvions craindre qu’il en soit de même pour Damien Rice. Comme son compatriote écossais, l’Irlandais mettait ainsi fin à un mutisme d’environ une décennie – on attendait depuis huit ans le successeur du très charmant 9 – sans compter que les compositions des deux Britanniques partagent un attrait particulier pour les cordes – qu’elles soient frappées ou frottées – si bien que le moindre déséquilibre peut faire sombrer une ritournelle de somptueuse à dégoulinante.
En somme, le terrain était glissant. Être déçu par l‘auteur du chef-d’œuvre O aurait été difficile à encaisser. Inutile de faire émerger un quelconque suspense, point de déception à l’écoute de My Favourite Faded Fantasy.
Il faut dire que l’affaire démarre de fort belle manière avec un titre éponyme débutant de manière douce et épurée. L’Irlandais semble avoir quelque peu modifié la façon dont il pose sa voix. Plus aigüe qu’auparavant, le propos s’en trouve de manière paradoxale plus grave. Il faut dire que depuis son dernier disque, Damien Rice a vu sa complice vocale Lisa Hannigan s’évader vers d’autres expériences musicales. Désormais orphelin, l’auteur de O survole délicatement les cordes qui, d’abord discrètes, évoluent vers quelque chose que l’on pourrait presque qualifier d’orchestral.
A l’instar du titre suivant, It Takes A Lot To Know A Man, on retrouve régulièrement un thème court répété inlassablement au piano, accompagné du chant tortueux de l’Irlandais et de cordes (voire même quelques cuivres) sensibles ici et là, évoluant vers une dimension plus fracassante jusqu’à l’explosion finale. Parfois, les accords de piano sont remplacés par une guitare acoustique (The Greatest Bastard).
Après tout ce temps, Damien Rice nous referait-il le même disque que 9 ? N’aurait-il donc rien changé à sa recette ?
Si les composants et la trame narrative des morceaux est on ne peut plus classique, l’absence de Lisa Hannigan a généré un vide qui laisse davantage encore de place au spleen de l’Irlandais dont l’authenticité est sans doute plus perceptible que jamais. Débutant avec des cordes frottées rappelant clairement Sigur Rós, I Don’t Want To Change You en est un parfait exemple, sa montée finale et les accords dissonants ici et là laissant à penser que l’artiste s’assume enfin tel qu’il est – aime-t-il enfin se détester ? – quitte à tolérer quelques défauts qui le rendent plus humain.
On aimerait ne pas procéder au track-by-track, mais avec un album composé de huit titres aussi homogènes, faire l’impasse sur certains irait à l’encontre de toute notion de justice. La deuxième partie du disque voit l’artiste réajuster sa voix vers une utilisation plus proche de ses disques précédents. Doit-on y lire la symbolique d’un disque cathartique, laissant l’artiste désabusé durant une certaine période avant que les choses ne se remettent à leur place ? Peut-être.
Toujours est-il que Colour Me In évoque clairement l’univers de O, ce qui en fait sans doute le seul titre plus convenu de cet opus. On se délectera du crescendo de The Box et il sera toujours question d’oscillation d’intensité, opérant alors par vagues régulières, sur un Trusty And True où l’organe vocal de Damien Rice brille par sa polyvalence et son omniprésence tandis que la ballade Long Long Way à la fois mélancolique et dramatique vient conclure de manière idéale ce disque avec un soupçon de grandiloquence qui rappelle que, si les choses semblent ici si simples, il est avant tout question d’équilibre avec les orchestrations dont aime user l’artiste.
Si l’on regrettera qu’ils soient trop rares et côtoient des mélodies surfaites et poussives, les sommets du dernier opus de Craig Armstrong nous rappellent cette époque où il avait encore la flamme. Malgré un hiatus de huit longues années, Damien Rice a su entretenir l’étincelle pour la transformer en un feu prolifique dont il serait bien délicat d’isoler une paire de morceaux – ce qui constitue là une différence essentielle avec l’opus de son aîné – sur ce My Favourite Faded Fantasy brillant à la fois par son homogénéité, sa cohérence et sa beauté douloureuse.
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