Lidwine - Before Our Lips Are Cold
C’est avec une régularité quasi maniaque que Lidwine ajoute précisément tous les 24 mois un nouvel apport à sa discographie. Depuis 2010, chaque mois d’octobre d’une année pair est donc l’occasion d’une nouvelle parution. Après Lw et No Monkey, la Française dévoile enfin un premier LP intitulé Before Our Lips Are Cold.
1. Patterns On The Panes
2. Before Our Lips Are Cold
3. Blow The Horns
4. Back & Forth
5. No Monkey
6. The Pool
7. Duet For Ghosts
8. The Boy Behind The Man
9. Protective
10. Holy Night
Les fans de la première heure ne seront pas déboussolés par ce disque. En premier lieu, Lidwine poursuit la construction d’un univers glacial et aéré dont elle érige petit à petit les différents éléments du paysage. Par ailleurs, sur les dix titres composant ce disque, trois figuraient déjà sur son EP précédent dans des versions plus épurées où la voix, moins relevée, ne dominait pas avec autant d’aisance le panorama concocté.
Cette voix constitue l’une des principales armes de Lidwine au moment de charmer son auditorat. La comparaison est employée – probablement à tort sans doute – dès lors qu’un organe de ce type émerge, mais il serait difficile de passer sous silence une accointance vocale avec Björk. Le timbre pas tout à fait aussi cristallin que celui de l’Islandaise n’empêche pas Lidwine d’être aussi habile lorsqu’il s’agit de se doubler elle-même, en assurant ses propres chœurs, sur des parties dépouillées (celle initiale du sommet Blow The Horns) mais également lorsque survient l’heure de durcir le ton. Dans ce registre, Before Our Lips Are Cold n’est pas sans rappeler la puissance vocale de certains titres du Medúlla de son aînée.
Des voix magnifiques, on en a déjà croisées par le passé. Elles ne constituent en aucun cas l’assurance d’un bon disque. Il n’y a qu’à écouter les deux derniers opus d’Emilie Simon pour s’en convaincre. Lidwine De Royer Dupré, de son vrai nom, évite le principal écueil inhérent à ces chanteuses dotées d’une capacité à frigorifier et ensorceler l’auditeur en quelques secondes : le trop-plein d’émotion. L’honnêteté artistique et un certain sens empathique se dégagent de manière évidente de la bouche de la chanteuse, et même lorsque, à l’instar de The Pool, sa voix se fait plus enchanteresse, l’équilibre est toujours respecté de telle manière qu’à un éventuel aspect plaintif serait vite substituée la dimension essentielle que constitue la majesté.
Comme tout est encore une fois question d’équilibre sur ce disque, cette majesté émane essentiellement de l’imbrication entre cette voix et l’instrumentation. La harpiste, également à l’aise avec le taishogoto (aussi appelé harpe de Nagoya), se charge de l’arrangement des cuivres (trompettes, tuba et saxophone) sur une paire de titres tandis que ses musiciens se chargent des cordes (violon, violoncelle, alto) et qu’une flûte vient même s’inviter sur No Monkey et Back&Forth. Sans renier une dimension électronique, la conjugaison de ces instruments semi-millénaires sonne paradoxalement bien plus moderne et avant-gardiste que l’essentiel des compositions actuelles.
Fort d’une véritable identité, Before Our Lips Are Cold se démarque de l’essentiel des sorties contemporaines. Trop tourmenté pour la pop, trop libre et aéré pour satisfaire les amateurs de musiques sombres, la tentation est grande d’évoquer pour ce disque l’influence de la délicatesse islandaise. La thèse pourrait même entretenue par l’apparition de Lidwine aux chœurs du génial Belly figurant sur le non moins formidable Theatrics de Puzzle Muteson, Britannique signé chez Bedroom Community, label islandais.
Toutefois, l’Hexagone constitue un terrain fertile pour les sensibilités proches de celle de la Parisienne. Ainsi, si l’on évoquait précédemment Emilie Simon pour les déceptions occasionnées récemment, un titre comme The Boy Behind The Man n’aurait pas dépareillé pour son aspect glacialement lumineux sur la bande originale de La Marche De L’Empereur réalisée à l’époque où chacune des sorties de la Montpelliéraine constituait un événement majeur.
Par ailleurs, sans évoquer une quelconque influence au regard de la similitude des années d’activité, le Gray Hoodie de la violoncelliste Elise Melinand semble taillé dans la même glace que les compositions que la multi-instrumentise autodidacte délivre chaque année paire lorsque l’automne se prépare à céder sa place aux premières nuits hivernales.
Quelles sont les raisons qui nous font, chaque année, lire et relire les différents tops affolant webzines et presse spécialisée ? Si ces objectifs plus (la volonté de partager de nouveaux disques) ou moins (l’illusion d’être un défricheur) avouables rendent l’exercice de plus en plus raillé, j’y vois essentiellement l’occasion d’ordonner mes découvertes (...)
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