Live Report : Thee Silver Mt Zion Memorial Orchestra à La Cigale (Paris)
Un public, pas tout jeune, a rempli cette salle, pas toute jeune, pour voir ce groupe, plus tout jeune, qui renouvelle sa musique tant qu’on ne distingue plus son âge. Fuck Off Get Free We Pour Light on Everything, le dernier album de Thee Silver Mt Zion Memorial Orchestra (notre chronique), sorti en janvier, montre le quintet montréalais sous le jour punk qui l’habite depuis toujours. On était impatient de voir ce que ça allait donner sur scène. On a pas été déçu !
Leur disposition sur scène, la façon dont ils s’installent, les regards qu’ils jettent, entre eux, sur nous, tout indique qu’on a affaire à des gens ordinaires, qui ne se prennent pas la tête. Bien loin d’arborer une paire de chevilles gonflées à bloc, ils s’avancent le pied léger, tranquille (voire nu), sans s’accabler du poids d’un nom qui a depuis longtemps fait la réputation d’un label (Constellation), qu’il n’est désormais plus nécessaire de présenter. Des gens avec qui tu aurais envie de tailler le bout de gras, s’ils n’étaient pas si occupés... Sous les voûtes dorées de cette Cigale presque trop vaste, ils instaurent d’emblée une ambiance conviviale.
Le show s’ouvre sur le nouvel album. Sans surprise, ils en jouent les deux premiers titres successivement. La surprise repose dans la perfection de l’interprétation. Non pas qu’on douterait de leurs capacités. Mais c’est d’entendre à nouveau ces titres, sur lesquels on a eu le temps de se faire l’oreille, exactement tels qu’on les avait laissés sur le disque. Jusqu’au son, ils nous reviennent identiques. Ce qui exclut la dimension improvisée que l’on aurait pu supposer.
Efrim Manuel Menuck, derrière sa crinière informe, parle entre les morceaux sans micro. Comme s’il ne semble pas avoir considéré la mesure du lieu et se croit peut-être encore invité dans un squat, il gueule pour se faire entendre. Son chant, fidèle à ses habitudes, est habité par les propos qu’il justifie vaguement. Sa révolte manifestement naïve est, selon lui, faussement naïve. La précision est naïve... mais touchante. Les inflexions de sa voix portent en fin de parcours la teneur émotive. Pas une grande voix, c’est sûr, mais si sincère ! Et tout de même juste !
Comme Godspeed You ! Black Emperor lors de ses derniers passages (dont nous étions déjà les témoins, à La Route du Rock), ils nous font découvrir un nouveau morceau. Le titre doit être à peu près, quelque chose comme The Kings are Dead (à vérifier quand il sortira officiellement). Dans la lignée de l’album : rock, frontal et expéditif. Très prometteur. Dans une forme assez basique toutefois.
Thierry Amar est définitivement un excellent bassiste. Qu’il envoie un son saturé à la basse électrique ou de ronds pizzicati à la contrebasse, il est toujours exact. Tout en gardant une attitude très simple. Près de lui, à la batterie, David Payant au jeu et au son jazz, n’est pas moins pointu. Sous-mixé sur l’album, il était mieux mis en évidence ici. Ses roulements précis et ses chabadas fins n’appuient pas lourdement les changements d’accords flous de la guitare, mais les contournent gracieusement. Il nous donne l’occasion de remarquer la qualité du son général du concert. Une qualité tout à fait bienvenue (ce n’est pas monnaie courante), même si elle paraissait disproportionnée (pour ainsi dire), tout comme la salle, par rapport à l’esprit garage du groupe.
Les deux violonistes, à chaque extrémité de l’arc de cercle que forme la bande, n’apparaissent pas moins décontractées. Pourtant, leur responsabilité est grande ! Elles détiennent la part polyphonique de leur musique, par les cordes, boisées ou vocales. Chacune a son jeu, ses ambiances. On reconnait les mélodies de Godspeed avec Sophie Trudeau, et les stridences drone qui leur sont typiques.
Jessica Moss, qu’on a pu entendre avec son groupe Black Ox Orkestar ou lors de ses apparitions chez Broken Social Scene et Arcade Fire, se distingue avec ses harmonies orientales.
On est bluffé (encore !) par la qualité des chœurs. Les deux filles sont toujours d’une justesse irréprochable. Le batteur, qui prête sa voix ponctuellement, l’est tout autant. Deux, trois ou quatre voix (le bassiste ne fait que feindre de chanter), l’effet choral est toujours réussi, et le frisson garanti.
Après des salves de cris bien légitimes ils reviendront pour deux rappels. Lors du second, Menuck commence seul une suite d’accords simple et un chant frêle, mais s’y reprend à trois fois. Pas de problème, l’atmosphère bon enfant l’autorise. Finalement, il fallait se lancer sans réfléchir et c’est ainsi que le morceau s’en trouve le mieux exécuté.
1h30 de concert, excellente soirée. Pas donnée à tout le monde (et pas donnée tout court), on pense qu’elle n’a déçu personne, si ce n’est peut-être quelques grincheux !
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